Anecdote de quand je suis devenu SDF à Singapour

Petite cool story "feel good" d'une anecdote de galère qui me fait me dire que je suis trop vieux pour ces conneries.

Septembre dernier, je déménage à Singapour pour un énième stage et j'ai la chance d'être logé dans un "appartement de passage" par mon employeur, le temps de trouver un logement bien à moi. Les loyers mirobolants à partir de 1500e pour un cagibit sans fenêtre me font reconsidérer mes aspirations et je profite ainsi des deux mois maximum autorisé dans le logement disposé par mon lieu de travai. Deux mois qui se transforment en trois, puis bientôt en quatre... a coup de bonnes excuses toutes plus improbables les unes que les autres.

Pendant mon séjour à Singapour, un charmant monsieur français m'avait invité avec d'autres jeunes pour un diner et un moment d'échange entre francophones chez lui dans sa villa avec piscine. Au détour d'un verre de vin il nous dit "Vous savez je rentre en france pour noel et ça me rend triste de voir la maison vide comme ça, si vous avez besoin d'un logement hésitez surtout pas à me le dire." ce qui n'est, évidemment, pas tombé dans l'oreille d'un sourd.

Ca fait maintenant 4 mois que je squatte l'appartement de mon employeur, et on me fait gentimment comprendre de me barrer début décembre. Alors qu'il ne me reste plus qu'un mois de stage, bon pas sympa mais c'est pour la forme j'imagine.
Je retrouve le numéro du monsieur et lui envoi un message whatsapp empli de toutes les formules de politesse qu'il m'est possible d'imaginer pour lui demander si il est toujours possible de loger dans sa maison, gratuitement, pendant un mois. Il m'appelle directement, me dit qu'il part en france le 9 décembre, qu'il serait ravi de donner un coup de main et qu'on peut donc diner ensemble le 8 tous les deux pour en discuter et me passer les clefs. Le 9 décembre étant le jour exacte où je me fait virer de mon appartement de passage. Belle coincidence.

Gaï comme un lurou, j'en parle à une amie que nous avons en commun, elle me dit que c'est incroyable car ce monsieur est en fait CEO et VP de la branche Asie-Océanie d'une des plus grandes entreprises du CAC40. Ok, ça explique la maison sur trois étages avec piscine en plein centre ville de Singapour, c'est vrai que je m'étais jamais vraiment posé la question. Ca me met un peu la pression pour le dîner en tête à tête par contre.

Pour notre rencontre du 8 décembre, je prend la confiance et lui dit que je vais cuisiner une quiche chez lui spécialement pour l'occasion. Je sors du travail et fais mes petites courses mais, problème : impossible de trouver une pâte à quiche à Singapour! Dans l'urgence, j'achète les matières premières et me dit que je ferais ma propre pâte moi même là bas, chose que je n'ai jamais fait jusqu'à maintenant ! Je prépare les ingrédients sur son plan de travail et check une recette sur internet "laissez reposer la pâte quelques heures" ... J'ai pas ce temps devant moi. merde. Je panique, il sort de son bureau et me rejoint.

"Je suis en call avec Paris, j'ai finit d'ici une heure, comment avance ta tarte ? Je suis affamé !
- Heu, j'ai la tarte mais pas la pâte...
- Ha beh attend ça tombe bien, mon thermomix peut tout faire"

Chance de cocu incroyable, son thermomix a une fonction pâte à quiche express. Je la fait avec lui et en dix minutes c'est plié. Il ressortira à peine de son rendez-vous que la quiche sera prête sortie du four. On passe un super moment, il paye sa bouteille de rouge de sa cave personnel, j'ai les clefs de sa barraque en échande de la promesse d'arroser ses plantes vertes tous les matins. Ca devrait le faire.

La belle vie peut enfin commencer, je rentre du taff tous les soirs en fêtant ma nouvelle vie de riche, à poil dans la piscine et machine à café à volonté. Je me dis que je dois bien être le seul stagiaire de l'histoire de Singapour qui a réussit à faire 5 mois sur place sans payer de loyer, qui plus est dans une des maisons les plus luxueuses de la cité-état ! J'organiserais plus tard un réveillon de Noël sur place avec une bonne vingtaine d'invités, un singapourien me dit "Putain mec, je suis avocat d'affaire mais je pourrais jamais espérer avoir une maison comme ça à Singapour ! Il faut être du gouvernement ou CEO d'une grosse multinationale pour avoir cette barraque !" comme quoi c'était pas rien

Une semaine de kiff plus tard, 2h du matin, appel d'un ami présent au dîner francophone :
"Mec, t'es toujours chez Mr. [...] ? Tu peux m'aider ? J'ai nulle part où dormir, je suis menoté là. Ouais mdr j'suis en garde à vue depuis dix heures avec la police singapourienne. C'est la grosse merde !
- Heu ouais ok ramène toi, j'ai trois chambres de dispo ici. Appelle moi quand t'es en bas ! Mais ça va tout va bien ?
- Ouais t'inquiète j'te raconterais ! A toute !"

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