L'Office des morts : action de grâce, l'enfer | Les Très Riches Heures du duc de Berry, folio 108 Pol Jean et Herman de Limbourg | ca 1410
Sur le gril
Satan est allonge sur un gril embrasé Satisfait, il saisit de ses pattes griffues des damnés qui rôtissent, puis les projette dans le ciel par son souffle ardent.
Les corps nus et désordonnes montent en tournoyant le long de cette colonne de flammes et de fumée.
Dans cette enluminure exceptionnelle, Satan est nu et couvert de pois bruns. Sa couronne de prince de l’enfer repose sur ses larges oreilles, tandis que ses deux grandes cornes de bouc dépassent en s'enroulant. Sa bestialité hybride est conforme à l'imaginaire médiéval mais son installation sur le gril (un instrument de torture au Moyen Age) est plus inhabituelle. Autour du diable, des démons ailés appuient à coups de pattes sur trois soufflets géants pour attiser le feu. Au premier plan, certains pécheurs sont directement suppliciés par les démons, comme cet ecclésiastique vêtu de rouge, en bas à gauche. D'une manière plus habituelle, le paysage aride est complété par des montagnes creusées de fournaises.
Cette scène originale s'inspire de plusieurs textes comme le livre de Job dans l'Ancien Testament ou La Vision de Tondale, un récit religieux du XIIe siècle alors très populaire. Ces sources se mêlent à l’inspiration personnelle de l’artiste, peut-être Jean de Limbourg. Cette miniature est en effet issue des Très Riches Heures du duc de Berry, dont les enluminures sont dues aux talentueux frères de Limbourg, Pol, Jean et Herman. Le commanditaire de ce livre manuscrit est le puissant Jean 1er de Berry, frère du roi de France
Au départ, cette miniature n'était pas prévue dans le livre d’heures : il s'agit d'un hors-texte ajouté à l’office des morts. Elle apparaît comme le contrepoint d'une autre image du livre, La Chute des anges rebelles : d'un côté, Dieu domine le ciel et précipite vers un gouffre Lucifer, l’ange couronné, et les anges rebelles : dans un mouvement inverse, Satan, identiquement paré est allongé et propulse des corps dans les airs
Livre d'heures ?
C'est un ouvrage liturgique chrétien qui permet aux laïcs de suivre les prières liées aux heures de la journée. A partir du XVe siècle, on y ajoute souvent un calendrier afin de pouvoir repérer les principales fêtes et les saints de l'année. On y trouve aussi des psaumes, les Évangiles ou des offices particuliers.
Les flammes de l'enfer
Dans l'Apocalypse (X, 10-15), l'enfer est décrit comme « une fournaise ardente et un océan de feu ». Ce feu tant représenté par les artistes est particulier : ses flammes chauffent sans éclairer et elles brûlent les corps sans les consumer. Au contraire, elles les conservent dans des supplices éternels.
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