I cari mi fratelli

(Je cherche mes frères)

Nous sommes en juillet 2009.
Je ne devais pas travailler ce jour là mais mon frère, pompiers lui aussi, m’appelle :
« ô pè, veni qui, u focu e grossu » (Pierre, viens. Le feu est gros).
J’étais sortis la veille, j’avais tenté déjà une sorti de chez moi le matin pour m’acheté un Liptonic mais le sirocco me fis vite rebrousser chemin.

Là je n’ai plus le choix malgré les 41º à l’ombre...
Je pars en short et claquettes, j’avais toujours un sac avec mon paquetage dans la voiture.
Je sors de mon village, je vois un panache de fumée, un monstre !
Merde mon frère ne m’a pas dit que c’était là !
Je continu, je monte jusqu’au village plus loin et là, je le vois.

Un feu comme je n’avais jamais vu. Environ 1500 hectares en cours. Un désastre.
Je m’arrêtes sur le bord de la route, m’habille mais j’hésite. J’ai déjà failli mourrir une fois. Je ne veux pas le faire 2 fois mais je ne peux pas non plus laisser mes amis seuls.

Je pars quand même. Je rejoins le point de rdv, au croisement sur la national où je laisse ma voiture.
Je suis encore le plus gradé, donc le chef d’agréé.
Sur la 3/4 (la radio) des dizaines de messages s’entremêlent.
« Maison menacée, voiture brûlée, sauvetage de personne... »

Je prend la radio, passe sur la 1/2, celle du commandement,
Je m’annonce.
« Moyen 1 S. arrivant sur zone, demandons notre mission. »
Pas de réponse. Je répète.
« Moyen 1 S. arrivant sur zone, demandons notre mission. »
À la place du cos, j’entend un ami, aucunement officier et encore moins chef sur zone :
« Ôpé, fais ce que tu peux ! Sauve les gens ! »

C’est Jean-Mi qui me répond, le gars, en dehors de son prénom moche, est un putain de pompiers.
Je lui demande où il est ?
« En protection de Burgo (un village), le feu monte aux martini. »
Les martini est un village et un col à la fois, si le feu passe, derrière c’est « val di malle » et puis l’Alta Rocca.
Putain on est dans la merde.

On prend la route des martini aux milieux des flammes. On dépasse le feu par une lisière vers le canyon et ici, nous rencontrons une famille, parti le matin faire du canyoning.
Ils sont complètement en panique. Pas le temps t’attendre les autres. Je demande à mes équipiers de passer sur la tonne et installe les parents et leurs 3 enfants à l’arrière...

Nous montons au col, le père me crie dessus:
« Vous êtes inconscient ! Sauvez mes gosses ! Pourquoi on ne redescend pas ? »
Je lui répond simplement parce que derrière le feu est partout. Et que sa seule chance est de nous faire confiance. Mais en vrai, je suis mort de peur.
La bête aujourd’hui nous montre son pire visage.

Je dis à Victor le conducteur : «  si tu vois que c’est trop chaud, plonge avec eux où tu peux, moi et les gars on se débrouillera. Ne t’inquiètes surtout pas pour nous. Inquiète toi pour eux. » Ce n’est pas du courage, mais alors pas du tout. Je sais où nous allons, je connais le terrain et je sais que le camion a une échappatoire. Nous à la lance aussi mais c’est une autre histoire.

On arrive aux village, le feu passe par la droite et monte direct au col. C’est la photo que vous voyez. Le camion sur la gauche c’est le mien. Avec dedans la famille et Victor.
Nous 3 nous sommes à la lance. En plein milieu du brasier.
On tire la 45, un tuyau de 45 mm donc. On essaie de l’arrêter. De tenir la « tête ».

Mais vous avez vu les flammes...
On n’a pas put l’arrêter. Il est passé. Derrière se fut une nouvelle fois une partie de moi qui est partie en fumée.
Des pins et chênes multicentenaire.
Une vallée où petit j’allais pêcher la truite.
Val di malle, 500ha est parti en fumée telle une allumette.

Sur la photo vous voyez que le camion est juste devant une zone dégagée.
Nous l’avons mis là parce qu’il y avait une famille avec nous.
Et que c’était leur échappatoire.
Mais à cause de ça, je n’ai pas pu atteindre la tête.
Derrière plus de 3000ha ont brûlés.

Ensuite on a lutté 4 jours d’affilée. On dormait a même le sol.
On a tout fait pour limiter les dégâts.
Parce qu’on se sentait coupable de l’avoir laissé passé.
Quand je suis rentrer enfin chez moi,
J’ai dormi 34h d’affilée.
Avec un goût de sel en bouche.


Tl;dr : je ne suis pas Dieu.