Guide de presque survie en milieu semi-hostile

C'est curieux, ce qu'il peut se passer pendant un repas de Noël. Un nombre assez incroyable d'événements peuvent se succéder, parfois se dérouler en même temps, sans que personne ne se pose de question ni ne s'offusque. Chassez le naturel, il reviendra au galop, qu'il disait l'autre...

Mention speciale pour le neveu le plus âgé de ma femme : bientôt majeur, il fut le plus agréable, pianotant sereinement sur son téléphone, tel un bouddha anorexique et chevelu. Note : Silence/20

L'autre neveu, le plus jeune participant au repas, fut le plus agité. A peine entré, il s'agitait déjà dans tous les sens en tentant de nous émerveiller de son talent à nous fendre les tympans par la seule force de sa pensée. Il nous les fendait efficacement, en tout cas, à ne penser qu'à haute voix. Il passa son temps à tourner autour de la table avec son POP! Starlord qu'il s'amusait à lâcher et faire atterrir sur la tête - solide, n'empêche, ce machin. Le pire fut qu'il n'était même pas le plus bruyant.

La belle-soeur - la mère des deux jeunes personnes décrites ci-dessus, pour ceux qui ne suivent pas et/ou qui s'en branlent (ça change du g/porn, hein, bande de pervers accomplis !) - ; la belle-soeur, donc, qui, dès que son organe supérieur s'ouvre, vous fait basculer en arrière de par la violence de son discours continu. Imaginez-vous vous trouver derrière un avion de chasse, accablé par un flot continu de paroles, le tout agrémenté d'un fort accent ch'ti, et, à moins d'avoir déjà eu à subir un ch'ti pendant 3 heures d'affiler, vous aurez un aperçu du dixième de l'épreuve que j'ai dû subir. Car, oui, elle se trouvait en face de moi. Note : Dassault/20

Le beau-frère, étonnement sympathique, cette année. Il a dû se rendre compte que je n'étais pas un si gros connard que ça, finalement (enfin si, mais tant qu'il ne le sait pas, ça passe).

L'oncle sympa, mais un peu bruyant (avec la belle-soeur, ils s'entendaient comme deux Mirages en foire), avec sa femme dépressive, et leurs deux enfants sages. Ils se sont installés en ligne et ont toussé et éternué pendant tout le repas. On se serait crus dans les tranchées, à subir les assauts au gaz moutarde.

Les intrus. Personne ne voulait d'eux, mais comme la femme dépressive de l'oncle les avait invité, personne n'avait osé les refouler. Il faut dire que c'étaient les parents de ladite dépressive, ainsi que son frère gay. Les refouler, ça lui aurait éventuellement porté un coup au moral.
Le vieux père - tellement obèse que le seul pli visible de son anatomie quasi-uniforme se trouvait au niveau de ce que je supposais être son cou - mangeait tout ce qui passait à proximité de son ventre. Ma femme avait fait un faux gras (genre de foie gras pour végétarien), et lorsqu'elle lui expliquait ce qu'il y avait dedans : "Appeler ça du foie gras, c'est un affront !" la coupa-t-elle avec grandiloquence, tel un vieil académicien offusqué. Et d'en gober moins de 5 minutes après.
Le frère gay, lui, était tout sourire de se retrouver là. Il en était tout retourné, dit donc. Tellement retourné qu'il s'en était allé faire un petit somme sur le fauteuil, dans le coin.
La femme du vieux, elle, faisait comme lui, mais en silence. Comme un miroir. Elle avait tout d'un miroir, surtout la personnalité.

L'année prochaine, je passe Noël dans ma famille. Etre avec des gens normaux et de bon goût, ça me fera du bien. Ah ! Du bon vieux racisme ordinaire ! Avec ma mère qui sort "Tu as été élevé chez les noirs, ou quoi ?" à chaque fois que je fais quelque chose qui ne lui revient pas, ma grand-mère qui pense que la France est envahie de djihadistes, et mon grand-père qui est une pure machie à parlotte qui déballe sa vie à la moindre occasion (la dernière fois qu'on est allés les voir, il a sorti un énorme classeur avec tout son historique médical depuis 2001, et commençait à décrire chaque visite médicale à ma femme, avec le pourquoi du comment de chaque commencement de soupçon de rhume).


tl;dr: Finalement, j'ai survécu tant bien que mal au repas de Noël. Pour pimenter mon récit inintéressant, et pour que les plus courageux d'entre vous tiennent le coup en le lisant, je l'ai quelque peu édulcoré.