O.F.N.I. #7- Dogville

Lorsque Lars Von Trier propose une œuvre, nous pouvons être certains qu’elle divisera l’opinion. Il n’est pas de ces cinéastes bien serviles acceptant volontiers de se plier aux codes du cinéma monnayable. Que l’on rejoigne Von Trier dans son délire ou que l’on crache dessus lui importe finalement assez peu : ce qui compte est de marquer les esprits. Certains n’y verront qu’un pseudo-artiste n’ayant qu’une intention subversive ; d’autres, comme moi, le considérerons comme quelqu’un qui donne un coup de pied dans la fourmilière afin de la reconstruire moins viciée et d’en stopper le conformisme grandissant.

C’est un réalisateur qui ne se contente jamais de ce qui existe. Quoi qu’il fasse, ce ne sera pas suffisant. Son cinéma évolue ainsi sans arrêt, toujours à la recherche de nouvelles sensations à retranscrire, de nouvelles techniques à expérimenter. Souvent, il organise ses idées par trilogie : nous retrouverons ainsi les trilogies Europe (Elements of Crime, Epidemic, Europa), Cœur d’Or (Breaking the Wave, Idioterne, Dancer in the Dark) ou encore de la dépression (Antichrist, Melancholia, Nymphomaniac). Il existe également une trilogie inachevée : la trilogie USA. Pour l’instant composée de Dogville et Manderlay je vais ici vous parler du premier film.

Il raconte l’histoire de Grace, une jeune femme poursuivie par des gangsters qui se retrouve par hasard dans le petit village de Dogville. Ses habitants accepteront de la protéger et de la dissimuler. Pour les remercier, Grace va accepter d’effectuer de nombreuses tâches domestiques. Le village calme et harmonieux délivre donc quelques corvées à Grace qui s’y soumet avec grand plaisir. Peu à peu, la présence de Grace semble de plus en plus nécessaire et son statut évolue peu à peu vers celui d’esclave. Le petit peuple apprendra également que Grace est recherchée par la police, argument qu’il utilisera pour légitimer ses demandes de plus en plus ingrates. Nous assistons donc à la déshumanisation progressive de plus en plus violente d’un personnage aux allures d’ange.


En quoi ce film est-il si étrange ? Il se démarque par l’originalité indéniable de sa mise en scène. En effet, le village n’est qu’esquissé : chaque bâtiment ou lieu est désigné par un dessin au sol représentant uniquement ses contours. Cela donne ainsi un jeu d’acteur très particulier où le simple fait d’ouvrir une porte devient mimé. La simplicité de ce décor rend l’esthétique de ce métrage à mon sens vraiment belle mais elle sert également divinement bien la narration. Tout d’abord, elle permet de placer les rapports humains au centre de tout en s’affranchissant des fioritures matérielles. L’absence de mur créé aussi une diégèse bien particulière en donnant au spectateur une vue presque omnisciente de toute la situation. Nous voyons tout à chaque instant ce que les personnages ignorent. Certaines scènes deviennent alors très perverses comme lorsque Grace se fait violer dans l’une des maisons et que nous voyons tous les passants continuer tranquillement leur route à quelques mètres du crime. Cela permet également en second temps de dénoncer l’hypocrisie de cette micro-société qui choisit de fermer les yeux devant cette inhumanité qui s’avère plutôt arrangeante pour chacun.


L’inhumanité est également bien décrite par les nombreux contrastes présents dans le film. La lumière oscille très souvent entre un blanc immaculé et un noir profond. Aussi, la musique classique chère au cinéma de Von Trier détone avec les horreurs décrites. Cette mise en scène relativement manichéenne tendra à être renversée lors de la conclusion du film.


Ce n’est pas un métrage du Dogme 95 (dont Von Trier est l’un des créateurs) mais il emprunte tout de même beaucoup à ces principes : tout (ou presque) est filmé à la caméra à l’épaule et énormément de place (je pense) est laissée à la libre interprétation des acteurs.


Dogville est un film dénonçant les abus de la société américaine mais son propos est facilement extensible à notre culture européenne. Il s’agit d’une œuvre véritablement poignante et unique dans sa construction. 9/10

O.F.N.I. #7- Dogville
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