Mon père, la folle et sa fille
Bon. Ça s'est produit y'a un moment maintenant mais j'ai envie de le dire.
Donc c'était un vendredi soir. J'allais passer une partie du week end chez mon père, comme ça m'arrive de temps en temps depuis qu'il est seul.
J'avais senti quand il m'avait appelé qu'un truc allait pas bien. Ce type, mon père, a toujours été un roc. Ou en tout cas c'est l'image qu'il donnait. Pas une seule fois je l'ai vu malade, pas une seule fois je l'ai vu pleurer. Pas une seule fois de toute ma vie je l'ai vu dans un état de faiblesse. Non pas qu'il ait cultivé un cliché du mâle solide et stoïque, mais parce qu'il était comme ça. Ça avait eu des bons et des mauvais côtés.
Et ce soir là, quand je suis entré dans son appart, ça a été le choc.
Y'avait pas une seule lumière, sinon le plafonnier blafard dégueulasse de la cuisine. Celui que jamais on avait utilisé depuis l'emménagement. (il avait toujours préféré des petites lampes diverses et éparpillées, ça donnait un côté chaleureux à l'appart. Lui, il était là, assis à la table de la cuisine, complètement désarticulé. Il avait pas enlevé sa veste, son sac était jeté en travers du couloir. Il avait une bouteille de whisky qu'il serrait dans sa main à en faire péter le goulot. Je l'avais jamais vu boire autre chose qu'un verre de vin à l'occasion. Ce que je voyais était tellement absurde que ça m'a donne un haut le cœur alors que je savais même pas de quoi il était question. Il est pas arrivé à parler pour dire bonjour. Il regardait fixement devant lui, dans le vague. Les yeux écarquillés, rouges, avec des pupilles du calibre de mon poing. Me suis assis devant lui. J'avais jamais vu quelqu'un désespéré à ce point. La situation était tellement atroce que j'ai commencé à boire avec lui. Peut être dans l'espoir qu'il finisse par cracher le morceau. Et ça a été pire.
Bien plus tard, je saurais pas dire si c'était une heure ou cinq minutes. J'ai fini par avoir toute l'histoire.
Y'avait une gamine dans sa classe (il est instit en CM1). Une mioche adorable, que j'avais croisé deux trois fois en passant à son école. Les gamins se souviennent facilement de toi quand t'es le "fils du maître". Eh bien jeudi soir, la mère de cette petite fille a entendu des voix. Ces voix lui ont dit de jeter sa fille par la fenêtre. Elle habitait au quatrième étage. Elle est morte quelques heures plus tard en service de réanimation.
Et on était tous les deux là, misérables, dans cette cuisine à picoler sans rien dire pour tenter vainement de plus y penser. Pas un bruit. J'entendais un ultrason aigu insupportable juste dans mes oreilles.
Depuis toujours je me suis surpris à avoir une certaine insensibilité vis à vis de la mort. J'ai perdu des membres de ma famille, comme tout le monde. J'ai perdu des êtres chers dans des circonstances connes (verre de trop + scooter), mais malgré ma peine, j'ai toujours malgré moi été partisan de "la vie c'est pour les vivants".
Sauf que là, même si je connaissais pas vraiment cette gamine, j'avais joué au loup garou avec elle et sa classe. Et toute la soirée, je me suis imaginé en boucle à la place d'un enfant de neuf ans que sa propre mère balance par la fenêtre en pleine nuit. J'arrivais pas à m'arrêter, j'arrivais pas à parler, à me lever pour éteindre cette insupportable lumière de chambre d'hosto. Avec un type brisé en face de moi, qui a toujours été un modèle (positif ou négatif) de solidité, on était tous les deux bloqués avec une bouteille qu'on voyait pas descendre mais qui voulait jamais se vider.
Au bout d'un certain temps, ça a fini par se décrisper.
Il était tellement alcoolisé que je savais pas s'il était toujours conscient. Je l'ai quasiment trainé jusque dans son lit. Puis j'avais envie de m'enfuir, le plus loin possible de cet appart qui d'un seul coup se mettait à puer la mort. Ça avait pas de sens.
Mais je voulais pas le laisser comme ça, même si cette situation était insupportable. J'ai pris le reste de la bouteille et suis allé me coucher dans ma vieille chambre d'ado. Il avait tout laissé en place depuis que j'étais parti. Rien n'avait bougé, comme dans un mausolée. Mais j'avais trouvé un tout petit peu de réconfort dans les affiches, les bd, tout le reste. J'ai bu ce qui restait et je me suis endormi comme un sac.
Le lendemain, je me suis réveillé sans vraie gueule de bois. C'est comme si la crispation de la situation avait balayé l'alcool. Je suis retourné dans la cuisine. Il était pas là. Je l'ai vu dans sa chambre éveillé, planqué sous sa couette (en mai) comme pour hiberner.
Je voulais plus rester là. J'ai pris mes clic et mes clac et je suis parti. Une fois dans la rue, j'ai vu le ciel et j'ai recommencé à respirer. J'avais envie de crier. J'ai appelé le reste de la fratrie pour les informer et j'ai repris le train vers chez moi.
J'ai été fragile, égoïste et lâche, mais qu'à cela ne tienne. Pour ma santé mentale je voulais pas rester une seconde de plus.
Me suis rendu compte que j'en avais rien à foutre de ce que pouvait ressentir sa famille, même la mère, ou ses camarades de classe et ses copines. C'était juste elle, mon père et moi.
Je continue à penser à cette fille depuis, sans arrêt. Cette gamine qui est morte précipitée du quatrième étage parce au la raison de sa mère a détaillé. Et mon vieux complètement brisé. Ce truc qui a priori me concerne pas vraiment m'empêche de vivre. Désolé pour ça mais je voulais le dire à quelqu'un.
Ça fait quelques mois que je lui parle de cb, j'lui dirai, ça le fera peut être sourire. Même s'il a -très légèrement- remonté la pente depuis.
Prochaines "Péripéties d'un carabin" sur une gamine morte en service de réanimation.
On est en 2015, ça justifie rien mais ce genre de fait commence a devenir monnaie courante, faut pas se laisser détruire par des événements qui ne nous concernent pas directement. C'est normal d'être affecté, mais j'espère que toi et ton père réussirez à retrouver un quotidien agréable.
Pour ce qui est de la mère je supposes qu'elle aura droit à un gros suivi, car entendre des voix c'est quelque chose, mais jeter sa fille par la fenêtre quand une voix te dis de le faire, c'est pas pareil. J'ose même pas imaginer l'instabilité mentale pour concrétiser un truc comme ça.
On se laissera pas détruire, ça finira par passer. J'pense que c'est surtout de l'avoir vu ravagé à ce point qui m'a fragilisé au moment d'apprendre l'histoire. Ça plus le fait d'avoir croisé la gamine.
Après, pour ce qui est des voix (de ce que j'en sais) dès l'instant qu'elles sont présentes, tu peux difficilement y résister.
Ça excuse en rien ce que cette cinglée a fait mais j'pense que une fois revenue à la raison, elle sera une des premières victimes.
ça a toujours été monnaie courante mais avant on en parlait pas parce que c'était tabou.
Ah ouais ... à la base j'étais venu sur choualbox pour rigoler un coup puis c'est parti en dépression existentielle trql.
C'est con, j'avais commencé à lire et ça partait super bien avec le combo "depuis qu'il vit seul", "il avait picolé" et "Y'avait une gamine dans sa classe (il est instit en CM1).", une bonne histoire en prévision. Puis boum, ok...
Courage l'ami, au dela du non sens de certain aspect de la vie tu trouveras toujours une porte vers un espace de liberté. Le temps arrange tout d'une manière ou d'une autre et tu te dois d’être fort ne serai-ce que pour appuyer ton pére.
Tu expliques au début de la box que ça s'est passé ya un moment maintenant.
Et là tu dis que tu crois que c'est elle, c'est-à-dire que ça date d'il y a 3 jours.
Hmm ?
Bah c'est simple, t'es de Marseille ? C'est arrivé quand ? A moins que ce soit une coutume de jeter sa fille du 4ème étage en entendant des voix..
Moi je suis à Marseille, oui. Mais lui il est en Vendée.
En tout cas j'ai du mal à croire que la même chose se soit effectivement produite deux fois.
"fils du maître".. Tu m'étonnes qu'on se souvienne de toi... if you know what i mean
Sinon pas cool comme histoire, courage !
Il s'est passé un truc comme ça dans mon lycée l'année avant que j'y rentre, un seconde s'était fait tué au couteau par sa mère qui était schyzo...
Courage l'ami ! Ca ne doit pas être facile mais sache qu'on est la pour te faire sourire, te changer les idées !
Tu as bien fait d'en parler, c'est que tu en avais besoin !
Si tu veux parler ou autre, n'hésite pas !
Le nombre d'ados et d'enfants qui meurent à cause de la folie des adultes, je crois que l'on ne s'en rend compte que quand on est dans les conditions pour (enseignant, milieu médical...). Le nombre est atroce. Que ce soit un accident, une personne folle comme là ou un parent qui tue sa famille, c'est atroce. C'est là que l'on se dit qu'on a de la chance lorsqu'on a grandit dans un milieu sain.
fragile
nan serieusement perso ca me laisse de marbre ce genre de chose...je suis "normal" ?
ah ouai et sinon courage a toi et ton pere
J'ai fais l'enterrement du père d'un pote y'a une semaine et demi. J'en peux plus j'ai jamais autant pleuré de ma vie. Et depuis j'agis plus comme avant, j'ai l'impression d'avoir changé, ni en bon ni en mal, juste j'ai changé. Franchement la mort du point de vu d'un humain c'est une étape assez dur. Toutes les ethnies a toutes les époques avait des rites funéraires, on est une des seules espèces animales a la faire. J'ai vu la vidéo de dirtybiologie au sujet des deuils virtuels et c'était intéressant.
Faut pas que tu passes a autre chose, il faut que tu acceptes de vivre avec ça. Et c'est pas facile
La vie est injuste!
csb: moi au taff (je travail en prison) on a eu un putain de pédophile qui c'est jeté de l’équivalent de trois étages la tête en 1er et cet enculé a survécu quasi sans aucune séquelle... csb off
quand je lis ton histoire, je suis triste pour toi et ton père je compatis à 100% et je me dis que la vie est parfois très étrange!
En cours, notre prof de psycho nous a dit que la mère, une fois qu'elle a enfanté, est saisie d'une peur terrible, qui lui ronge l'esprit jusqu'à l'os, de défenestrer son enfant. C'est le schéma basique de la névrosé de base. A la différence de cette maman qui est passée à l'acte, le névrosé ne passe jamais à l'acte.
Pour que tu saches que les mères qui pensent à défenestrer leurs enfants existent partout, mais celle là devait lui manquer une grosse case (la composante interdictive devait lui manquer).
Je suis désolé pour toi d'avoir vu ton père dans cet état là, et d'avoir appris ça. Courage !
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