La Petite Escrimeuse

Elle dégaina son arme, comme si il s’agissait d’une extension d’elle-même. Trois adversaires lui faisaient face. Grands, costauds, agiles… Cela importait peu. Elle allait les battre.

Elle se positionna sur ses appuis, et attendit, le bras tendu, l’épée menaçante. Le premier s’avança finalement vers elle. Elle ne connaissait pas son nom, mais elle s’en fichait. Elle savait qu’il n’aurait plus aucune utilité après ce combat. Il leva son arme, prêt à frapper, et elle fit rapidement une roulade sur le côté, tailladant le mollet de son adversaire. Il se retourna, soulevant sa jambe douloureuse, et elle en profita pour faucher son seul appui d’un coup de talon. Il s’écrasa par terre, et elle asséna un dernier coup de son fleuret pour l’achever.

Elle ne prit néanmoins pas le temps de se reposer. Un sourire en coin, un regard déterminé, et elle courait vers ses deux assaillants restants. Ils tentèrent des approches, des feintes, mais ils ne faisaient que frapper dans le vide. Elle sautait, virevoltait, si bien qu’on eût pu croire qu’elle volait littéralement au-dessus des lames.

Une attaque, et l’un des deux hommes ressentit une vive douleur dans son bras, une autre, et son compagnon lâcha son espadon, les doigts rouges vifs. Il tenta de le ramasser, mais un coup de pied le fit rejoindre son arme au sol.

Elle était intouchable, et son tourbillon de métal sonnait comme une danse guerrière.

Adossée dans un coin de la pièce, elle les regarda la chercher, un mélange de colère et de peur dans leurs yeux. Elle sortit de l’ombre juste à temps pour envoyer valser l’épée toujours au sol, avant que son possesseur, rampant, ne la récupère. Il lui accrocha la jambe, et elle riposta d’un coup tournoyant de son fleuret dans le dos. Il lâcha prise, un grognement de souffrance coincé dans la gorge.

Une main l’agrippa alors, et à peine fut-elle retournée qu’elle encaissa un violent impact dans la mâchoire. Elle tomba à terre, le sang remplaçant la salive dans sa bouche. Elle tenta de se relever en vitesse, mais un coup puissant au ventre lui coupa la respiration, et la repoussa d’un bon mètre. Elle haïssait ces bottes de cuir clouté.

Elle regarda son meurtrier prendre son sabre à deux mains, le soulever au-dessus de sa tête, et se faire exploser le crâne. Elle recula difficilement, recouverte d’un mélange de sang.

Le corps inanimé s’effondra, révélant une troupe d’homme, une arme à feu encore fumante dans la main de l’un d’eux. Ce dernier la fixa, puis son fleuret, étendu non loin.

- Ce n’est pas un jeu. Ne fais pas l’enfant, la vie est finie. Ici, maintenant, c’est la survie.

Son père quitta la pièce, suivi de son cortège. Elle se retrouva seule, tentant encore de reprendre son souffle, et retirant le fluide rougeâtre de son visage.

Elle s’allongea, regarda un moment le plafond, parsemé des mêmes tâches rougeâtres, puis ferma les yeux.

C’est qu’elle lui manquait, cette vie.
Ce temps révolu qu’elle chérissait tant.
Et s’abandonnant aux songes, on l’apercevait sourire.
Et redevenir, la petite escrimeuse.

La Petite Escrimeuse
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