Confessions Infirmes # 25 - « Pourquoi le monsieur il roule ? »

Ça y est, nous sommes en pleine période de vacances scolaires et du coup, les enfants sont de sortie pour envahir les parcs ! Ces deux mois estivaux sont souvent très prolifiques en terme d'interactions avec les bambins que je peux croiser quand je me balade dans ma petite bourgade. D'habitude, lorsque je sors, ils sont à l'école, mais en ce moment, forcément... pour ces enfants qui découvrent la vie chaque jour, croiser un homme en fauteuil roulant fait fleurir beaucoup de réactions.

Pour commencer, Il faut bien avouer qu'ils sont tout saufs discrets ! Les yeux ronds comme des frisbees, brillants de questions, ça, ça revient toujours. Mais selon leur appréhension du phénomène ô combien extraordinaire de l'homme robot qui se déplace sous le regard ébahi, j'ai eu le droit à des mimiques très différentes les unes des autres.

Il y en a beaucoup qui restent pétrifiés, statufiés, un peu comme un chat pris dans les phares d'une voiture, sauf que je ne suis pas vraiment au volant d'une voiture, que je n'ai pas de phares, et que ce ne sont pas des chats, mais bon vous voyez l'idée. Ceux-là ont en général la bouche bée, la mâchoire qui pendouille légèrement, complètement hallucinés qu'ils sont devant quelque chose qui n'ont jamais vu, ou alors qu'ils n'ont vu que très rarement (et encore, c'était à la télé, et moi je n'ai pas un noir qui me suit h24 !). Il y a ceux qui viennent spontanément vous voir pour vous demander le pourquoi du comment, il y en a même qui vous supplie d'essayer votre fauteuil électrique pour faire un tour !

Avant, je dois avouer que je n'étais pas très ouvert avec les enfants, d'une part parce que j'admets avoir un peu de mal à les supporter (ça court partout, ça crie tout le temps...), et d'autre part parce que je ne savais pas trop non plus comment leur parler. Et puis un jour, lors de mon parcours en fac de lettres, j'ai choisi de faire un stage dans une école primaire, celle-là même où j'avais étudié, dans la classe de la prof qui m'avait éveillé aux joies des rédactions en CE2. Je peux vous dire que ça fait tout drôle de retourner dans une classe 15 ans après, pour retrouver son ancienne institutrice et pour la seconder !

Je n'étais pas encore en fauteuil à ce moment-là, c'était la période où je me déplaçais avec une canne tout en boitant fortement. Inutile de préciser que je ne passais pas inaperçu, encore moins en milieu de tous ces bambins qui jouaient dans la cour de récré. Impossible de faire un repérage pour un éventuel rapt (n'est pas Marc Dutroux qui veut) ! D'habitude, les enfants ont tendance à rapidement passer à autre chose, sauter d'une attraction à une autre, et du coup à m'oublier. Mais ici, c'était tout bonnement impossible car pendant trois mois, ils me retrouvaient régulièrement dans leur salle de classe, à côté de leur maîtresse. Déjà qu'à voir une deuxième personne qui dispense les cours était étrange pour eux, imaginez si ladite personne est « différente » !

Dès le premier jour, nous avons décidé, mon ancienne institutrice et moi-même, de briser la glace et de consacrer un petit peu de temps aux élèves pour poser toutes les questions qu'ils souhaitaient, tout en leur expliquant comment nous allions nous organiser. Hors de question pour moi de patrouiller entre les tables et les chaises, j'avais donc mon petit bureau près du tableau et je faisais tout d'ici : ainsi, par exemple, si les enfants travaillaient sur des exercices et qu'ils voulaient une correction (je ne parle pas d'une baffe dans la gueule hein), ils devaient se déplacer jusqu'à moi et faire la queue si nécessaire. Mais revenons en aux interrogations qu'ils ont exprimées. En tête de file, il y avait forcément le « pourquoi ? ». Au début, je pensais que cela allait être très compliqué d'expliquer simplement une chose complexe sur laquelle les médecins eux-mêmes n'arrivent pas à mettre d'étiquette claire. Et puis au final, ce fut limpide. En effet, à partir du moment où on ne prend pas les enfants pour des attardés simplement parce qu'ils ont à peine 10 ans, ils sont tout à fait capables de comprendre. Et il se contente de peu de choses : « je suis malade, et du coup je n'ai pas beaucoup de force, mais ne vous inquiétez pas, je fais juste les choses différemment, mais je les fais quand même ».

Ce qui est drôle avec les enfants, c'est qu'au départ ils nous donnent l'impression que ce qu'on s'apprête à leur expliquer va être beaucoup trop complexe à assimiler pour eux. Ils sont comme ça, ils sont dans l'exagération : ils vivent les choses à fond, ils apprennent les choses à fond, ils comprennent les choses à fond, et surtout, il les acceptent à fond. Le monsieur a besoin d'une canne pour marcher parce qu'il a pas beaucoup de muscles ? OK, c'est amplement suffisant ! Le tout est de leur dire les choses, et de ne pas leur faire développer l'idée par un tabou ou un non-dit que ce qu'ils ne comprennent pas au premier abord, ils ne le comprendront jamais. Si vous laissez cette idée germer, que ce soit sur la question du handicap ou sur tout autre sujet qui éveille en eux des interrogations, vous en ferez des êtres fermés et incapables de s'adapter de s'ouvrir à tous les éventails de différences possibles et imaginables.

Les mots-clés sont donc les suivants : dialogue et pédagogie.

Petit aparté, ceci s'applique également aux adultes. D'ailleurs, soit dit en passant, j'ai croisé beaucoup d'adultes qui n'en avaient ni le comportement, ni la compréhension, et qui ne se manifestaient que par un rejet animé par la peur de l'inconnu. Cette peur là, il faut la tuer dans l'œuf, c'est-à-dire pendant que les enfants ont tout à apprendre et que les fondations de la personne qu'ils vont devenir sont encore malléables.

suite en comm

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anonyme
anonyme
7 ans

fait-divers sordide à trifouilly les oies, ce matin une personne handicapée en fauteuil roulant a été surpris en train de kidnapper un enfant. après une course pousuite enragée le suspect à fini par se rendre à 20 mètres de son point de départ

désolé, j'ai bloqué là dessus, tu disais? <3

excellent comme d'hab, et étant fils de prof et père de famille je ne peux que plussoyer ton opinions sur les gremlins!

Seoseo
Seoseo
7 ans

@feiho: Merci mec ;)

Seoseo
Seoseo
7 ans

Mais reprenons. Maintenant que le sujet est sur la table, que les choses sont expliquées et que les réponses conviennent à mon auditoire de CE2, l'appréhension et la peur laissent place à la curiosité. Une curiosité tout ce qu'il y a de plus saine et qu'il est bon de contenter. Cela m'est arrivé plusieurs fois, durant ce stage, que des enfants n'aillent pas dans la cour de récréation pour plutôt passer du temps avec moi, pour me demander comment je faisais ci, comment je faisais ça, et moi de leur expliquer qu'il y avait des millions de façons de faire les choses, mais que si moi j'étais handicapé et que cela se voyait, chaque personne avait libre choix de faire comme elle l'entendait, à sa propre manière. Je voulais leur faire comprendre que mon handicap était une différence comme une autre, tout comme avoir des lunettes ou pas en est une, etc.

Au final, ce stage a été une source incroyable de superbes expériences, car ces petits êtres, qu'auparavant malgré moi je méprisais en pensant bien bêtement qu'ils n'étaient pas capables d'intelligence, m'ont apporté énormément. Ils m'ont appris beaucoup de choses sur moi-même et sur comment on peut faire évoluer les pensées en s'y prenant à la source. Et ils m'ont montré énormément d'amour et de gentillesse, mais aussi bien plus de compréhension et d'acceptation que je n'en ai trouvée chez la plupart de leurs aïeux.

Depuis cette expérience, quand je croise des enfants dans la rue et qu'ils me regardent avec insistance, j'engage la discussion spontanément pour me mettre à leur portée, pour leur montrer qu'ils ont le droit de s'interroger et de me poser des questions. Car après tout, ils n'auront jamais de réponse s'ils ne le font pas. Et qui de mieux pour apporter ce genre de réponse qu'une personne en fauteuil ? Ce n'est pas la télé qu'ils vont avoir quelque chose de consistant. Parfois, les enfants encaissent le double impact : celui de « qu'est-ce que c'est que ce monsieur qui roule ? » couplé à celui de « mais pourquoi cet inconnu vient me parler ? ». Ce sont des interlocuteurs très particuliers, et il faut s'adapter à eux, mais en règle générale, une fois le premier pas effectué, ce sont eux qui parlent beaucoup plus que moi.

Comme quoi, Il suffit de se mettre à leur portée... et parfois, j'ai entendu des choses qui me font encore rire ! Une gamine avec des béquilles qui me proposaient de faire un échange avec mon fauteuil électrique car elle avait la flemme de marcher comme ça ! Des gamins sur des tricycles qui me proposaient de faire une course ! Une fois, il y en a même eu un qui n'arrêtait pas de jouer avec mon joystick (prière de ne pas interpréter cette phrase de manière tordue) au risque de provoquer une sortie de route avec mon bolide !

Pour conclure, comme le disait si bien Jacques Martin : « les enfants sont merveilleux ! »

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Merci de continuer à me lire et à me soutenir ! Voici le FB (http://tinyurl.com/hgguzwk) et Wattpad (https://www.wattpad.com/story/53480372), vous connaissez la chanson !

Bisous

GegeLambert

jusqu'à ses 4/5 ans ma fille disait systématiquement (et bien fort) "oh un monsieur en tapis volant" quand on croisait un fauteuil roulant ... les deux engins devaient lui apparaitre comme des véhicules autant magiques et mystérieux l'un que l'autre ...

Seoseo
Seoseo
7 ans

@GegeLambert: on ne me l'a jamais faite celle-ci ! :p

Rorzoob
Rorzoob
7 ans

Les enfants sont formidables

IMG
GoldenFist

Ce qui est drôle avec les enfants, c'est qu'au départ ils nous donnent l'impression que ce qu'on s'apprête à leur expliquer va être beaucoup trop complexe à assimiler pour eux. Ils sont comme ça, ils sont dans l'exagération : ils vivent les choses à fond, ils apprennent les choses à fond, ils comprennent les choses à fond, et surtout, il les acceptent à fond. Le monsieur a besoin d'une canne pour marcher parce qu'il a pas beaucoup de muscles ? OK, c'est amplement suffisant ! Le tout est de leur dire les choses, et de ne pas leur faire développer l'idée par un tabou ou un non-dit que ce qu'ils ne comprennent pas au premier abord, ils ne le comprendront jamais. Si vous laissez cette idée germer, que ce soit sur la question du handicap ou sur tout autre sujet qui éveille en eux des interrogations, vous en ferez des êtres fermés et incapables de s'adapter de s'ouvrir à tous les éventails de différences possibles et imaginables.

Tout est dit, c'est mon "combat" quotidien, non pas que je sois handicapé (quoi que ^^) mais c'est un comportement qui me semble élémentaire à avoir, en particulier avec les gosses.

Il n'y a pas de mode d'emploi pour les enfants, mais a défaut je trouve qu'on (euh non, pas "on" puisque ce n'est pas ma philosophie) se blinde d’aprioris sur ce qu'on crois qu'ils ne comprendront pas.
Faire butter en touche sur un tabou, ou dans un autre registre des conneries type que les garçon naissent dans les choux ou qu'une cigogne vienne livrer les chiares, et pourquoi quand le facteur passe on est jamais la mais pour la cigogne oui?, toussa toussa...pitiez: ne les rendez pas plus con que vous, dite leur simplement les choses.

Seoseo
Seoseo
7 ans

@GoldenFist: tu prêches un converti ! ;)

Ablette
Ablette
7 ans

On peut dire que ton histoire ne cours pas les rues.
#fromfilsdeputeland

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