Sans pression

Un jour, un homme apprit qu'il avait une maladie incurable, et qu'il ne lui restait qu'une poignée de semaines à vivre. Il entreprit alors un voyage à travers le pays, attendant que la Mort vienne le chercher.

Quelques temps après le début de son périple, il s'arrêta un soir dans le bar d'un petit village, dans lequel se trouvait une dizaine de clients. Il s'assit alors au comptoir, et discuta un peu avec le patron des lieux.

Je ne vous ai jamais vu ici ; dit-il. Vous êtes nouveau dans le coin ?
Pas vraiment, répondit l'homme. Je ne suis que de passage, avant de partir pour très loin.
Ah ? Où allez-vous donc ?

L'homme lui raconta alors qu'il ne lui restait que peu de temps avant d'effectuer son ultime voyage. Le patron ne savait pas réellement quoi répondre, embarrassé parce-que qu'il venait d'apprendre. L'homme lui répondit alors :

Allons, ne soyez pas triste pour moi. Regardez ces gens autour de nous, ils s'amusent ! Et j'ai envie de les voir sourire un peu plus !

L'homme paya alors une tournée aux clients présents dans l'établissement, ainsi qu'une pinte de bière en plus. Le patron lui demanda alors à qui elle était destinée, tout le monde ayant été servi.

A la Faucheuse bien sûr ! Rétorqua avec un sourire l'homme condamné. La pauvre fait un travail bien ingrat. Ca lui fera plaisir de voir que quelqu'un a pensé à elle !

Le patron esquissa un sourire, et l'homme rejoignit les gens à qui il avait offert une tournée.

Les heures passèrent. Minuit sonna au clocher proche du lieu. L'homme s'assit alors un peu à l'écart, se demandant quand précisément son tour arrivera. Il regarda alors la pinte en plus qu'il avait prise, et, quelques instants après, s'endormit pour la toute dernière fois.

Les secours furent appelé, mais ce fût inutile. Sa maladie l'avait emporté.

Le patron ferma alors son établissement pour ce soir ; et remarqua que la bière que l'homme avait laissé pour la Faucheuse était vide. Il n'a pourtant vu personne y toucher de toute la soirée. Intrigué, il regarda la bande de vidéo surveillance.

A 21h, le verre était toujours plein. 22h, 23h aussi. Puis l'enregistrement arriva à minuit ; montrant l'homme malade s'asseoir dans un siège un peu à l'écart, regardant alors la pinte en plus qu'il avait prise, esquissant soudainement un sourire similaire à celui qu'on fait quand on aperçoit quelqu'un que l'on attendait. A ce moment précis, l'image sauta et un blanc de quelques secondes suivi. Lorsque l'image revint, le verre était vide et l'homme s'endormit pour la toute dernière fois.