Comment j’ai perdu mon âme.
J’étais pourtant un enfant joyeux.
Vainquant des montagnes qui n’étaient alors que des tas de terre.
Et cela toujours avec un sourire. Un sourire candide.
Un sourire innocent donc. Béotien.
Mais j’ai fait une faute plus tard.
Devenant adulte, je fis une terrible erreur.
Qui me rendis mécréant.
Parce que oui, je ne crois plus.
La faute est peut être d’avoir aimé les autres.
Ou du moins d’avoir voulu les aider.
Pourtant on nous avait prévenu : « l’enfer c’est les autres ».
Mais je ne l’ai pas cru. Ou plutôt je n’ai pas voulu le croire.
Je me rappelle comme si c’était hier.
Il y a 21 ans maintenant. Ma première intervention.
Je venais de passer mon 1er secours mais il en manquait un dans l’ambulance.
On me prit bon gré mal gré.
J’étais Chérubin. Me voilà Hypocrate.
Quand on arrive le type a sauté sur une mine.
Pendant un chantier, elle n’a pas explosé. Jusqu’à...
Il a le visage coupé en 2. De part et d’autre ses yeux pendent.
On dirait une paire de couilles ensanglantée.
Mon chef me prend la main, pose une « compresse américaine » dans ma paume et l’arrose d’eau stérile.
Il me prend par le poignée ensuite car je reste figé devant le feu visage ressemblant à predator avec de très mauvais effets spéciaux et pose le tout en plein milieu.
Je ne ressens plus rien. Peut être parce que ma main cache cette folie.
Mais la folie est une pute insidieuse et vindicative.
Elle s’insinue dans nos esprits comme l’envie de poulet frit chez un black.
Ma main plongée là dedans, je ressens maintenant de l’excitation.
Une euphorie même. Sûrement la montée d’adrénaline.
Du coup ce n’est plus un homme. C’est un objet.
L’objet même de mon travail actuel. La raison de ce que je suis en train de faire alors.
Peu importe qui il est. Peu importe que se soit un humain.
Il est mon intervention, il n’est déjà plus dans mon esprit quelqu’un.
Me rappelant ce que j’ai appris en formation et en manœuvre je deviens machinal.
Je suis un robot, je suis binaire. Je suis mort moi aussi intérieurement.
Et cela pendant toute l’intervention. Jusqu’à la fin.
On a réussi à le sauver d’ailleurs. Puis là tout tombe.
Comme un chateau de carte s’effondrant tu te rends comptes de tous.
De la personne. Des autres autour de toi. De sa famille te suppliant.
Qu’aussi si tu t’étais raté, il serait mort.
Alors tu rentres. Nettoie l’ambulance et prend une douche. Faut être prêt pour la prochaine.
Là tu ne dors plus. Une nuit, deux nuit,...
Tu vas voir tes frères d’armes. Tu leur parles. Mais on ne me répond pas.
Parce que ces gens là monsieur, ils ne parlent pas.
Ils sauvent.
C’était ici ma première garde aux pompiers.
Ton titre m'a fait peur, au début j'ai vraiment cru que tu allais nous avouer que tu avais posé nu pour le calendrier des pompiers.
Mais finalement ça va.
je voulais demander en com si ca valait le coup de lire, mais il n'y a personne pour le moment malheureusement.
Ta box vaut le coup ou pas ?
EDIT: bon j'ai lu, ca va pas m'aider a aller dormir tout ca...
@zebrotron3000: en même temps je l’ai appelé comment j’ai perdu mon âme. J’allais pas parler de mon dernier plan cul ou de caca.
Viens de me rendre compte que les 2 vont ensemble.
@spinifocu: fais nous une box ou, subtilement, au cours du récit tu devoiles que le sujet principal de ton histoire c'est une énorme chiasse ou un perfect.
Sinon j'aime bien ta manière d'écrire et tu as l'air d'avoir des choses à raconter
J'attends la suite avec impatiente
@lestercoraire: oui y aura une suite mais c’est long de perdre l’esprit. Pour éviter le tl;dr je ferais je pense en 3. 2 je ne crois pas arriver à raconter le cheminement.
On ne se rend pas compte à quel point ça doit être horrible psychologiquement. Ces gens témoignent rarement... Courage à toi.
@Sebordel: je suis un enfant du rock mais Brel reste le maître.
Par contre ptsd oui. Et heureusement. Nous restons humain.
Mais attend de lire la suite. Tu verras à quel point nous devenons fou,
@Pigcell: j’ai regardé Google entre temps. Je te remercie. Nous on appelle ça les états d’ame des tarlouzes. Je rigole évidement.
@spinifocu: J'espère qu'il y a un suivi psychologique offert par les casernes ou l'état, c'est la moindre des choses. Ça n'a vraiment pas l'air d'être un métier facile, c'est le moins qu'on puisse dire. Autant physiquement que mentalement.
@Sebordel: Non rien. J’ai tout fait de moi même, et c’est toujours pareil. La référence à Brel n’est pas juste une référence, c’est comme ça.
Je publierais la suite ce soir puis la fin demain. Tu comprendras.
@Sebordel: je vais te donner un exemple actuel. Mon frère qui est toujours pompiers, plongeur sauveteur. Il est intervenu dans le canyon de la Zoicu cet été alors qu’il y a eu 5 miorts. Il a repêché le cadavre d’un gamin. Tu sais ce qu’il a reçu ? Rien. Son fils a le même âge que le gamin qu’il a repêché et il n’y avait rien pour lui. Pour les victimes évidement. Et c’est normal. Mais nous c’est pas si simple...
On cautise en fait avec l’amicale ( les pompiers eux même) pour ça. Mais on n’en parle pas. C’est mal vu.
C’est un signe de faiblesse. Pas homme ou femme. On a aussi des meuf et des sacrées pompiers d’ailleurs. Juste de force mentale. Quand tu pars sur les grosse intervention savoir que lui ou elle on eu un coup de mou fait que tu n’as plus confiance. C’est à ce moment là que tu risques l’accident.
@spinifocu: Ça dépend des SDIS mais généralement il y a une section psy qui est prévenue sur les grosses inters et qui prend contact avec les pompiers intervenus. Après souvent le pompier doit faire la démarche lui même.
Sur les attentats du 13 novembre à Paris, tous les pompiers intervenus (+ de 400) ont eu un entretien psy obligatoire puis un suivi si demande de leur part.
@HassanCehef: comme j’ai répondu à Sebordel, mon frère a fait une intervention l’été dernier plus que traumatisante et il n’y avait que très peu de soutien. Après moi c’était il y a 21 ans. C’est écrit dans le texte d’ailleurs.
@spinifocu: Je le regrette, ce n'est pas normal qu'un soutien psy n'ai pas été déclenché par le SDIS pour une intervention avec autant de victimes.
Concernant la mentalité de ne rien dire d'il y a 20 ans, ça à beaucoup changé. Après le traditionnel defusing autour d'un café, si un personnel n'arrive toujours pas à émerger il est très fortement invité ou obligé dans certains cas à rencontrer le psy du SDIS.
C est pas toi qui avait chié envoyé en prenant un doigt dans le cul ? Sinon c est juste dommage le manque de communication dans ces milieux. Faire un débrief ça aide. Surtout pour les évènements difficile. Certain ont la caisse. Mais e autre avec le temps ont les images qui revienne. Bon courage a toi
@Oldfagkfh: euh non.
Je dis pas que j’ai jamais pris un doigt dans le cul. Ni que j’en ai déjà pris un. D’ailleurs qui vous êtes ?
Après c’est une série en 3 épisodes.
Je l’ai écrit il y a queques temps déjà et je sépare parce que je suis de l’ecole Mediapart. A moi les like !
Non en fait j’evite Le tl; dr surtout.
Très beau. Arf ça me rappelle que je suis le vilain petit canard qui n'a pas suivi mon père et mon frère dans cette carrière de pompier volontaire.
@Godela: Merci. Malgré nos divergences politiques, j’ai lu pas mal de coms de ta part et je t’apprécie. No mojito man.
Ça me fait plaisir que tu dises cela.
@spinifocu: Si tout le monde était du même bord, ce serait d'un chiant.
En lisant j'ai simplement revue les images de mon enfance, j'entendais la sirène du village, mon père lachait absolument ce qu'il était en train de faire et partait en courant (parfois en slip et torse nu) direction la caserne. Puis il rentrait mais ne parlait pas, jamais, seule ma mère nous racontait ensuite.
Récemment encore, mon père est à la retraite, une amie de mes parents les a appelés dans la nuit car son mari avait du mal à respirer, mon père est parti chez son ami, en attendant l'arrivée des pompiers, puis est rentré à la maison le matin, son pote n'a pas survécu à la crise cardiaque.
@Godela: je t’apprecie d’autant plus.
C’est un texte que j’ai écrit à la fin de ma carrière aux pompiers il y a déjà quelque temps et que je retravaille pour le publier ici. Ce soir je publie la suite et demain soir la fin, Sinon c’est tl;dr déjà et trop difficile à digérer. Je parle aussi de moi. De ma folie pure et dure.
Purée comme je te comprends, c'est tellement pas glamour comme métier. J'ai été volontaire quelques années, ça m'a blindé mentalement face à l'horreur, et je revois aussi la descente après coup quand ton cerveau te refait l'histoire et que l'empathie décide de s'en mêler.
@Daboulganiech: honneur, courage et dévouement on te rabâche.
Tu deviens ce que crois devoir devenir être...
J’ai morflé parce que j’ai pas eu de chance.
@spinifocu: C'est certain que si dès la 1ère sortie tu te retrouves avec un mec éclaté en 2, ça aide pas à un bon démarrage dans le métier.
"Parce que ces gens là monsieur, ils ne parlent pas.
Ils sauvent."
la quasi totalité des pompier que j ai connu était du genre a rouler des mecanique et a parlé, beaucoup parler, pour se faire mousser...
@7ony: c’est une référence à la chanson « Ces gens là » de J. Brel.
Mais non et mais oui. J’ai profité aussi de l’uniforme pour tirer mon coup. Je me suis rarement épancher sur le reste. Sauf maintenant et ici évidement.
Sauté sur une mine ? Sont chauds les corses !
Blague à part, très bien écrit et "sympa" à lire...
@HKarotte: C’etait une mine de chantier, pour un terrassement. Le pauvre gars est arrivé au marteau piqueur pour continuer le travail, elle lui a sauté au visage.
Sinon merci pour tes mots. J’apprecie.
Mon père a commencé par ça a l'armée il y a 33 ans, il m'en a jamais parlé étrangement
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