Cartes du savoir #2 - Inuits, autochtones et pouvoir

Aujourd'hui la carte est partout, notamment dans les médias. Utilisée pour ses vertus explicatives, elle est aussi un outil qui sert à légitimer un discours : "c'est comme ça, la carte le montre". C'est oublié que la carte est avant tout une construction et que celle-ci est forcément biaisée que cela soit dans le choix de données ou celui des modes de représentations. Avec le développement des méthodes informatiques (SIG), il y a une certaine homogénéisation des normes graphiques et des façons de réaliser des cartes.

Voici un exemple de cartographie autochtone, différente de ce qu'on peut avoir en tête lorsqu'on parle de carte. Ces morceaux de bois ont été récoltés par un explorateur occidental durant le milieu du XIXème siècle chez les Inuits. Ce sont en fait des cartes : chaque bord de ces pièces de bois représente des lignes de côtes.

De ces cartographies autochtones, il n'y a plus beaucoup de traces du fait des supports utilisées (simple ligne dans le sable etc). Il y a cependant un renouveau de ce mouvement qui s'inscrit dans la contre-cartographie. Avec la reconnaissance des préjudices causés aux peuples autochtones (cf ONU 2007), il y a de plus en plus de cartes produites par et pour ces peuples. Il s'agit à travers elles d'affirmer une identité culturelle et d'appuyer des revendications territoriales. Le plus grand défi est de réinventer les normes des cartes pour que celles-ci puissent correspondre à l'appréhension de l'espace de ses peuples (notre vision de l'espace est très occidentale : ligne / point / frontière, tandis que celles des peuples autochtones reposent plus sur un espace de pratiques et de mythes aux contours flous). Derrière elle un vrai enjeu politique, celui d'affirmer les droits de ses peuples. Ainsi en Malaisie, ces cartographies ont été interdites par l'Etat qui s'accapare les terres de différents peuples autochtones. La carte devient un outil de pouvoir : sur celles de l'Etat malaisien, aucune trace d'habitation autochtone ou de présence humaine...