"La Cagoule", organisation secrète fasciste française, 1935-1937

Comme partout ailleurs durant la Grande Dépression, l'extrême droite connue une forte progression en France dans les années 1930, notamment au vu de ses groupuscules tel l'Action Française. En revanche il existe un groupe bien moins connu, mais qui pourtant impliqua certains des français les plus importants et les plus influents du XXe siècle : La Cagoule.

Tout commença avec Eugène Deloncle (1), un ingénieur et membre de l'Action Française. Trouvant cette organisation trop passive, il décida de fonder la sienne avec un certain Jean Filliol (2) en début 1935 : l'Organisation Secrète d'Action Révolutionnaire, surnommé « La Cagoule ». Le but de ce groupe est clair : renverser le pouvoir républicain qui tombe, selon eux, dans les mains des communistes et des juifs.

Les Cagoulards étaient issus de la bourgeoisie, et avaient donc des contacts hauts-placés. Parmi ceux qui soutenaient et finançaient le groupe, on retrouve Jacques Lemaigre Dubreuil (PDG de Lesieur) et Michelin. Mais celui qui finançait vraiment le groupe n'était autre que l'ami de Deloncle, Eugène Schueller, fondateur de l'Oréal. Il laissa même les Cagoulards se réunirent dans les locaux de sa société.

Avec le temps, de nombreuses personnes participèrent aux réunions de La Cagoule, même s'ils n'étaient pas tous officiellement membres. Parmi les participants, on retrouve entre autre André Bettencourt (3) et François Mitterrand. Ce dernier était un habitué des groupes d'extrême droite, et avait déjà manifesté avec l'Action Française en 1935 contre les médecins étrangers autorisés à exercer en France, et en 1936 contre Gaston Jèze, qui avait accepté d'être le conseillé d'un noble éthiopien alors chassé par Mussolini (4 et 5).

Même si Mitterrand n'était pas officiellement Cagoulard, lui et sa famille étaient très proche d'eux : son frère Robert épousa en 1939 la nièce de Deloncle et sa sœur Marie-Josèphe fut la maîtresse de 1942 à 1947 de Jean Bouvyer, un ami proche de Mitterrand et membre de La Cagoule.

Deloncle reçut également le soutien de chefs militaires, comme le général Giraud et le maréchal d'Espèrey. Ce dernier demanda à Deloncle de lui prouver qu'ils étaient déterminé. Pour cela, il assassinat Dimitri Navachine, un journaliste et économiste russe, ex-directeur de la banque commercial pour l'Europe du Nord, à Paris le 23 janvier 1937 (6 et 7).

La Cagoule, se fascisant encore plus, tissa des relations avec l'Italie et l'Espagne. Ainsi, sur demande de Mussolini, ils assassinèrent les frères italiens Carlo et Nello Rosselli, deux militants italiens antifascistes exilés en France le 9 juin 1937 en échange d'un soutien financier (8 et 9).

Le groupe organisa par la suite la destruction d'un aérodrome destiné à aider l'Espagne Républicaine, mais pour faire accuser les communistes, ils firent exploser deux bombes, une à la Confédération Générale du Patronat Français et l'autre à l'Union des Industries et Métiers de la Métallurgie le 11 septembre (10, 11 et 12). L'attentat fit deux morts. Sauf que la tromperie fut rapidement démasquée, et on comprit que La Cagoule était derrière les explosions. L'un des chefs de la section d'attaque n'était autre que Pierre Michelin.

Les Cagoulards tentèrent un coup d’État dans la nuit du 15 au 16 novembre 1937 qui échoua car l'armée refusa de les suivre. À partir de là, l'organisation fut interdite et dissoute, plus d'une centaine de membres furent arrêtés et des caches d'armes furent découvertes (13). Quand la guerre éclata, ils furent néanmoins relâchés.

Après la défaite de juin 1940, Deloncle rejoignit l'amiral Darlan pour servir Pétain, et créa fin 1940 le Mouvement Social Révolutionnaire (MSR), outil de propagande de Vichy, organisant entre autre des attentats contre des synagogues (14 -principaux chefs collabos en 1941). À cause de ses relations avec des personnes supposément opposés à Hitler, il finit assassiné par la Gestapo en 1944.

Deloncle fut loin d'être le seul Cagoulard à avoir rejoint Vichy, un grand nombre de membres firent de même. Ainsi, André Bettencourt dirigea le journal de propagande antisémite « La Terre Française » et Eugène Schueller et Filliol participèrent au MSR de Deloncle. François Mitterrand collabora lui aussi.

Il travailla à la Légion des Combattants, organe vichyste, de janvier à avril 1942, avant de travailler au Commissariat au Reclassement des Prisonniers de Guerre de mai 1942 à janvier 1943. Il rencontrera d'ailleurs Pétain le 15 octobre 1942 (15). Au printemps 1943, parrainé par deux anciens Cagoulards et reçoit la francisque, plus haute distinction de Vichy. Mais petit à petit, Mitterrand se tourna vers la résistance vers 1943, aidant des prisonniers de guerre à s'échapper, et devint ainsi un « vichysto-résistant », de même qu'André Bettencourt qui l'aida à s'enfuir vers l'Angleterre (même s'il est connu aujourd'hui que nombres faits d'armes de Bettencourt sont faux).

Après la guerre, La Cagoule n'était plus active, mais ses membres restaient encore proche les uns des autres. Jean Bouvyer fut blanchit notamment grâce au témoignage de son ami Mitterrand, se disant même prêt à aider les communistes. La mère de Jean, Antoinette Bouvyer, deviendra d'ailleurs la marraine du fils de Mitterrand, Jean-Christophe, en 1946.

Eugène Schueller quant à lui fut innocenté par Mitterrand et par André Bettencourt. D'ailleurs, après la guerre, le fils d'Eugène Deloncle dirigea la branche espagnole de l'Oréal. Schueller donna la main de sa fille, Liliane, à André Bettencourt en 1950.

Le procès de La Cagoule eut lieu en 1948 (16 et 17 -Léon Blum participant au procès), alors qu'au même moment Mitterrand était déjà en politique. Bettencourt entra en politique plus tard et, quand Mitterrand devint ministre de l'intérieur en juin 1954 (18 -Mitterrand à gauche, Pierre Mendès France à droite), Bettencourt est catapulté Secrétaire d’État (19 -Mitterrand et Bettencourt).

Par la suite, André Bettencourt soutiendra De Gaulle puis Pompidou, dont il deviendra le ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères puis ministre des Affaires étrangères (20 -rencontrant Ceausescu en 1968). Quant à Mitterrand, il deviendra Président de la République, de 1981 à 1995.

Tl;dr : Eugène Schueller (fondateur de l'Oréal), André Bettencourt (mari de la fille de Schueller), François Mitterrand, Michelin et d'autres PDG et personnages politiques ont fait partis d'une organisation terroriste fasciste active de 1935 à 1937 avant de rejoindre Vichy.