Pourquoi la dette publique grecque nous fait elle criser ?

Pourquoi la dette publique grecque nous fait criser ?


La Grèce, comme la plupart des pays, émet des obligations pour recevoir des capitaux (cf : ma box sur les obligations). Le pays emprunte à des institutions ou particuliers et doit tout naturellement les rembourser ! La crise provient des craintes qu’ont ses prêteurs sur les capacités de remboursement de la Grèce. Encore une fois je vous rappelle que si la Grèce est en défaut de paiement et ne peut répondre rembourser, pour les prêteurs, c’est de l’argent perdu ! Si j’ai acheté pour 10 000€ d’obligation Grecque, inutile d’espérer récupérer quelque chose si la Grèce fait faillite !

Alors pourquoi la Grèce suscite t’elle autant de crainte ?

D’abord, il faut savoir que l’économie de la Grèce était l’une des plus dynamiques d’Europe avec un taux de croissance de 4.2% de 2000 à 2007 et depuis 2001 et son entrée dans la Zone Euro, une baisse des taux d’intérêt lui permettait de financer des dépenses massives.

Sous l’ancien gouvernement conservateur mené par Nouvelle Démocratie (2004 à 2009), le secteur public a été massivement étendu. Le gouvernement a engagé 75 000 fonctionnaires supplémentaires (soit une augmentation de l’ordre de 10% environ) venant alourdir un secteur déjà important et inefficace (un peu moins d’un millions de fonctionnaires soit 1 actif sur 4). Le gouvernement a également été généreux sur les retraites et les salaires qui ont pris 30% sur la période. Les politiciens grecs utilisent depuis des années l’État comme un moyen de distribuer des faveurs à leurs électeurs. Offrir un poste très courtisé dans le service public (qui signifie un emploi et un revenu à vie, et un travail généralement tranquille) était une pratique répandue dont les conséquences sont payées aujourd’hui par le pays sous la forme d’un secteur public énorme, gaspilleur, inefficace et corrompu.

Et qui paie les salaires des fonctionnaires et les retraites ? C’est l’Etat et pour cela, ils s’endettent (en émettant des obligations) et la dette publique augmente et augmente et augmente jusqu\'à dépasser le PIB du pays. Pourquoi un pays s’endette ? Un Etat gagne de l’argent et en dépense. Il en gagne avec les recettes fiscales (les impôts) et en dépense avec l’investissement public. Or quand les dépenses dépassent les recettes, l’Etat emprunte, et ensuite il emprunte pour rembourser les emprunts etc…En fait, depuis 10 ans, la dette publique Grecque représente plus de 100% du PIB (le Produit Intérieur Brut est un indicateur économique utilisé pour mesurer les richesses créées dans un pays, c’est aussi la mesure du revenu provenant de la production de ce pays). Avant l’arrivée de la crise, on avait déjà un pays dont les finances étaient peu saines (A l’heure actuelle, la dette grecque représente 140% du PIB et devrait atteindre 150% fin 2011).

Elément déclencheur en 2008, la crise financière : Le tourisme et le transport maritime, les deux piliers de l’économie grecque, subissent les effets de la crise : -15% de leurs revenus en 2009. La croissance (synonyme de prospérité), qui permettait d’emprunter à bon marché se retrouve amputée de ces principaux moteurs. Les investisseurs commencent à regarder d’un mauvais œil cette perte de dynamiste.

A cela s’ajoute les mensonges et falsifications du gouvernement grecque (oui, les grecs sont des petits filous !) : ainsi, il avait soutenu en 2009 que le déficit (recettes fiscales – dépenses fiscale soit impôt reçu – investissement public) était de 3.7%. En Octobre 2009, le lendemain des élections législatives, le nouveau 1er ministre grecque annonce le nouveau déficit des finances publiques : 12.7% du PIB. Le pire je trouve, c’est que ce n’est pas la première fois qu’il y a tromperie sur la marchandise avec la Grèce ! Une condition pour que la Grèce entre dans la Zone Euro était que son déficit ne devait pas dépasser 3% du PIB. La Grèce annonce en 2000 que son déficit est de 1% du PIB alors qu’il était en réalité de 3% Certes c’est minime comme mensonge mais de la part d’un gouvernement, ça veut dire beaucoup (cela pouvait sous-entendre que le gouvernement était plutôt laxiste sur la certification de ses comptes). Sous les conseils de la grande banque américaine Goldman Sachs, des contrats de swap de change ont été utilisé pour décaler artificiellement de plusieurs années le paiement des intérêts de sa dette. La Grèce aurait utilisé ce camouflage depuis 2001 pour 10 milliard de dollars de dette publique émise en dollars et en yen convertis en euro en utilisant un taux de change historique (un taux de change fixe genre 1€ = 1.2$) plutôt que le taux de change du marché (rappelez-vous, les taux de change évolue constamment et sont loin d’être fixes). Cette petite magouille aurait permis de truquer les comptes de la Grèce.

La perte de dynamise et les mensonges révélés marquent le début de la phase de crainte vis-à-vis de la Grèce. Des prêteurs (acheteurs d’obligations grecques) ont prêté sur la base de la qualité du pays. Mais lorsque cette qualité se dégrade du fait de la conjoncture et qu’en plus, vous apprenez que la qualité à la base est moins bonne que ce que l’on vous avez dit, alors ça craint ! Et quand ça craint ?? Les taux augmentent ! Et quand les taux augmentent ?? Bin la Grèce a de plus en plus de mal à emprunté et donc ?? Bin ça craint encore plus !! (C’est un cercle vicieux). Réponse des agences de notations en Décembre 2009 :
* Fitch dégrade la Grèce de A- à BBB+.
* Standard & Poor’s dégrade la Grèce de A- à BBB+.
* Moody’s dégrade la Grèce de A1 à A2.

Le nouveau gouvernement décide donc (fin bon, il n’a pas vraiment le choix !!) décide donc d’assainir les finances et lance donc les fameux plan d’austérité (on se sert la ceinture !). Je vous fais grâce des différentes mesures mais en gros l’Etat donne moins (moins de prime, de pensions…) et prend plus (plus de taxes genre sur essence ou tabac par exemple).

Mais ça ne suffit pas. Papandréou (1ère ministre grec) évoque le 18 Mars 2010 et pour la première fois une éventuelle demande d’aide de l’extérieur (d’abord au FMI, le Fond Monétaire International en charge de la stabilité financière et économique mondiale). 1ère aide accordée par la Banque Centrale Européenne le 25 Mars 2010 : son président, Jean-Claude Trichet, annonce que la BCE acceptera comme collatéral des obligations grecques notées BBB- jusqu’en 2011 (avant, le plancher était A-). C’est pas mal technique mais je vais essayer de faire simple. En gros, quand la BCE prête de l’argent aux Banques européennes, elle demande une sorte de caution, le collatéral. Celui-ci peut être en cash de n’importe quelle devise ou en titre. Auparavant, la BCE n’acceptait comme « caution » ou collatéral que des titres notés au minimum A- (parce qu’il ne faut pas déconner, la BCE elle ne va pas prêter si en caution on lui file de la merde !). Là, elle fait en sorte que les obligations grecque soit éligibles en tant que collatéral. Cette mesure avait pour effet de rendre un peu plus attractifs les titres grecs.

1er plan d’aide direct le 11 Avril 2010 : les pays de la Zone Euro annoncent qu’ils prêteront pour un total de 30 Milliards sur une durée de 3 ans, pour un taux d’environ 5% (un taux largement meilleur que ce que la Grèce pourrait avoir sur les marchés). Mais ça ne suffit toujours pas. Le 3 mois 2010, la BCE annonce qu’elle accepte n’importe quel titre grec en tant que collatéral (rappelez vous, avant c’étais BBB-).

2nd plan d’aide direct dans la nuit du 9 au 10 Mai 2010 : L’UE en collaboration avec le FMI se dote d’un fond de stabilisation de 750 Milliard d’euros (60 de la Commission Européenne, 440 par les Etats et 250 par le FMI) pour faire face à la peur des marchés et éviter que la crise ne s’étale sur les autres pays européens fortement endetté (le Portugal, l’Italie, l’Espagne et l’Irlande). Le plan d’aide à la Grèce représente 110 Milliards de prêt sur 3 ans. Mais ça ne suffit toujours pas, malgré ces efforts, le pays n’arrive pas à réduire la fraude fiscale et voit sa récession aggravée par l’austérité imposée.

Nouvelle réponse des agences de notations le 14 Juin 2010 :
* Fitch dégrade la Grèce de BBB+ à BBB-.
* Standard & Poor’s dégrade la Grèce de BBB+ à BB+.
* Moody’s dégrade la Grèce de A2 à Ba1.

Au total, 4 plans d’austérité se sont succédés en 2010 et ces mesures ont tout de même permis de réduire le déficit public de 5 points, c\'est-à-dire de passer de 15.4% du PIB en 2009 à 10.5% en 2010 (le tout dans un contexte de récession). Mais, vu le niveau de déficit initial, cela apparaît comme insuffisant et comme je l’ai mis plus haut, ces mesures restrictives ont par ailleurs entraîné une baisse de la consommation et de l’investissement et donc ont aggravé la récession.

Plus grave, le 13 Juin 2011, Standard & Poor’s abaisse la note grecque à CCC.

En réponse, le 21 Juillet 2011, un 2nd plan d’aide à Athènes de près de 160 Milliard d’euros a été dévoilé par la BCE et le FMI. Nouveauté : Le secteur privé a été mis à contribution. Ainsi, des banques, assurances, fonds de pension… vont participer à hauteur de 50 Milliards entre 2011 et 2014 (37 Milliards de contribution volontaire et 12.6 Milliards en rachat de titres grecs sur le marché). Sur 10 ans, la contribution privée s’élèvera à 135 Milliards d’euro.

La grande question actuellement est : qui détient de la dette publique grecque ?

* Classé par pays : Grèce (29%), Royaume-Uni-Irlande (23%), France (11%), Allemagne-Suisse-Autriche (9%), Italie & Bénélux (6% chacun), USA & Scandinavie (3% chacun), etc…

* Classé par détenteur : Banques (45%), Gérant de Fonds (19%), Assurance-Fond de pension (14%), Gérant d’actif (10%), Hedge Fund (5%), Banque Centrale-Etats (5%), etc…


Pourquoi une solution coopérative au sein de l’UE sera proposée ?

Les autorités Allemandes refusent pour l’instant de mettre en place un mécanisme d’aide financière à la Grèce or, les banques détiennent 140 Milliards d’euros de dette grecque, un défaut sur cette dette publique peut déclencher une crise systémique puisqu’il entraînerait de lourdes pertes pour les banques.

Il y a également risque de nouvelle attaque spéculative grâce aux rumeurs et aux CDS : rappelez-vous ce que les CDS sont, j’en ai déjà parlé, vous savez ces contrats qui disent « Tu me donnes 10 000€ tous les 6 mois et si XX fait faillite je te donne 1 000 000 € ». Comme tout actifs financiers, ces contrats sont cotés (on peut donc les acheter et les vendre en un battement de cil) et leur prix est évidemment relié à la probabilité de défaut de XX (XX pouvant être un Etat, une entreprise, une banque …). Certains intervenants sur le marché n’hésitent pas à lancer de fausses rumeurs amplifiant les craintes entourant la dette grecque, la probabilité de défaut de paiement augmente (les rumeurs la surévalue) et donc le prix des CSD augmentent. Ces mêmes intervenants savent naturellement acheter des CDS lorsque le prix est bas et vendre ces mêmes produits lorsque leur prix a explosé. Ces attaques spéculatives déstabilisent la dette grecque et paradoxalement augmente réellement la probabilité de défaut.

Mardi, le couple Merkel-Sarko a remis au goût du jour l’idée d’instaurer en Europe une taxe sur les transactions financière et cette idée est loin de faire des envieux. L’argument revient à dire qu’une telle taxe freinera beaucoup la croissance économique en alourdissant les coûts de l’industrie des services financiers. De plus, une telle taxe devrait être instaurer au niveau mondial pour éviter une perte en concurrence pour l’Europe vis-à-vis des autres places financières mondiales.

L’avenir nous dira comment va évoluer le dossier mais on peut déjà citer le cas de la Suède qui en 1990 avait instauré une taxe du genre et qui avait eu pour effet de faire diminuer de 85% l’activité.

J’espère que ce petit texte vous aura éclairé sur l’état actuel de la Grèce, comme toujours je reste dispo pour d’éventuelles questions en commentaire.

Pourquoi la dette publique grecque nous fait elle criser ?
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Lucius
Lucius
12 ans

KILL THEM ALL §§§

starbird
starbird
12 ans

Quand tu parles du cas de la Suède, c\'est quoi exactement leur activité qui a réduit? Les dépenses des gens dans le pays ou l\'exportation ou quoi? ^^
Ça consiste en quoi exactement cette taxe sur les transactions financières?

btravis182
btravis182
12 ans

@starbird : héhé, je savais que ca allait t’intéressé. En fait, j’ai utilisé le terme activité pour simplifier mais je me rends compte que c’est effectivement peu clair. Je reprends, dans les années 90, la Suède a posé une taxe similaire et cela a eu pour effet de réduire de 85% les volumes. Les volumes d’une bourse correspondent au nombre absolu de titres échangés pendant une unité de temps. Si sur une bourse, il y a 1000 titre vendus et 500 titres achetés alors le volume est de 1500. La taxe en Suède avait donc réduit de 85% les échanges. J’espère que ça te parle un peu plus !

Cette idée, premièrement évoquée en 1972 par le prix Nobel d’économie James Tobin, consiste à prélever un faible montant sur les transactions. La proposition actuelle de la Commission Européenne est d’imposer 10 points de base (un point de base est un pourcentage de pourcentage d’où 1 pb = 0.0001) sur les actions et les obligations et 1 pb sur les produits dérivés. Donc si je vends pour 10 000 d’actions, 1€ reviendrait à l’Etat (salop !!).

starbird
starbird
12 ans

@btravis182: Merci pour ces éclaircissements ;)

anonyme
anonyme
a
12 ans

Alors là pour moi c\'est le flou total. Déjà comment on peut classer un pays AAA(+) alors qu\'il a de la dette ?? Tout les pays on de la dette ou pas !?

Et comment des banques, assurances, etc. privées peuvent se permettre de récupérer de la dette grec. On les force ou quoi, car ça doit pas les arranger ce genre de deal, si ?

Comment des pays endettés peuvent se permettre de prêter de l\'argent qu\'ils n\'ont pas et se mettre encore plus dans la merde ?

edit : check tes autres box, je suis en vacances et j\'ai récupéré tout mon retard cet après midi et j\'y ai laissé quelques commentaires (répond seulement si c\'est utile) ^^

btravis182
btravis182
12 ans

@CanardLaquay: je vais faire une box traitant de la dette des etats en général, tu auras toutes les réponses a tes questions !

anonyme
anonyme
a
12 ans

@btravis182: Merci grand chef :)

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