comment Monsanto mène sa guerre médiatique

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BarbaraGourde

Un Redditor a eu la gentillesse de copier l'article:
*« Ne rien laisser passer » (« Let nothing go », en anglais) : à plusieurs reprises, dans les « Monsanto Papers », apparaît le nom de cet énigmatique programme de contre-offensive médiatique, destiné à défendre bec et ongles les produits de la société dans les médias ou les réseaux sociaux et les forums en ligne. Les documents mis dans le domaine public par la justice fédérale américaine révèlent certains éléments du fonctionnement de ce dispositif, mais son opérateur demeurait jusqu’à présent inconnu.

Selon nos informations, c’est la firme Fleishman-Hillard — l’une des plus grandes sociétés de relations publiques américaines — qui a été mandatée en France et en Europe pour mettre en œuvre ce programme. Celui-ci est destiné à faire promouvoir dans le débat public, par des tiers sans liens apparents avec Monsanto, les éléments de langage de l’agrochimiste, propriété de l’européen Bayer.
Une brève mention du « Let nothing go » apparaît dans un mémo transmis le 24 avril 2017 au juge fédéral américain Vince Chhabria, par les avocats de plaignants, dans l’une des affaires lancées outre-Atlantique contre Monsanto. Les avocats s’inquiètent de ce que la société « s’active furieusement hors du prétoire à produire tout une “littérature” qui tombe à pic » pour influencer les décisions du juge.

Le photographe Mathieu Asselin a travaillé sur les produits dérivés de Monsanto. Il dit avoir été frappé par leur « apparente naïveté contrastant avec la sombre histoire industrielle » du géant de l’agrochimie. / Mathieu Asselin/Neutral Grey
« Monsanto a même lancé un programme, apparemment nommé “Let nothing go”, pour ne rien laisser sans réponse, même pas des commentaires sur Facebook, écrivent les avocats. A travers des organisations tierces, Monsanto emploie des individus qui n’apparaissent pas liés à l’industrie et qui postent des contenus positifs sur Facebook ou sous les articles de presse, pour défendre Monsanto, ses produits et ses OGM. »
Les avocats n’inventent rien : ils se fondent, expliquent-ils, sur la déposition sous serment d’un cadre de Monsanto, dont la retranscription n’a pas été rendue publique sur décision du juge Chhabria — son contenu étant semble-t-il de nature à nuire à la société.

Captures d’écran

La description du « Let nothing go » correspond bien aux services offerts par Fleshman-Hillard à ses clients. « Le savoir-faire relatif à la conception des contenus est ce qui rassemble l’ensemble des expertises de Fleishman-Hillard, écrit la société sur sa plaquette de présentation. Derrière une campagne de relations presse, un compte Twitter, un partenariat avec un blogueur ou une activation online, il y a d’abord une histoire à raconter et à adapter à chaque canal et à chaque audience. »
La firme de relations publiques promet à ses clients la mise à disposition de ses « capacités de storytelling » et « l’accès à un réseau de producteurs de contenus fidélisés [leur] permettant de décliner [leur] histoire dans tous les formats et sur n’importe quel canal : posts Twitter, Facebook ou Instagram, articles de blogs… »
Contacté à l’automne 2018 par Le Monde, Bayer, nouveau propriétaire de Monsanto, confirme que Fleishman-Hillard est l’opérateur de « Let nothing go » et renvoie vers la société de conseil pour plus de détails. Celle-ci dément utiliser des trolls ou des comptes anonymes pour défendre les intérêts de son client. Le programme en question est avant tout destiné à surveiller l’image de Monsanto et de ses produits dans la presse, dit-on en substance à Fleishman-Hillard, où l’on assure ne pas comprendre pourquoi le cadre de la firme de Saint-Louis, auditionné sous serment, fait une description différente du programme.

L’agence confirme toutefois qu’un volet de « Let nothing go » est destiné à faire « rectifier des informations inexactes ou imprécises » sur Monsanto ou ses produits. Un « réseau de producteurs de contenus fidélisés » a-t-il été mis à contribution ? Fleishman-Hillard s’en défend, et dit ne « travailler qu’avec des journalistes mainstream [traditionnels] ».
Rien d’exceptionnel selon la firme, qui dit n’avoir mené qu’une vingtaine d’« engagements », soit, dans le jargon des relations publiques, une prise de contact destinée à faire passer un message. Prises de contact fructueuses dans seulement un tiers des cas, selon la société, qui assure ne pas rémunérer les journalistes reprenant les « rectificatifs » fournis. Fleishman-Hillard ne souhaite communiquer ni l’identité des intéressés, ni la nature précise des éléments transmis.
Selon nos informations, « Let nothing go » est né en mai 2015, deux mois après la classification du glyphosate comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). C’est en tout cas ce que suggèrent les « Monsanto Papers ». Le 7 juillet 2015, des cadres de Monsanto échangent avec ceux de Fleishman-Hillard. La firme de relations publiques envoie à son client une surveillance de l’activité sur les réseaux sociaux en France, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Belgique et en Italie.
Mais les dix-sept pages de captures d’écran qui suivent sont censurées, le juge ayant estimé que leur publication pouvait porter préjudice à Monsanto ou à des tiers apparaissant dans ces documents.

Dans l’un des courriels échangés ce jour-là, un responsable de la société agrochimique explique d’abord qu’il a demandé à Fleishman-Hillard de « séparer les choses qui sont sous notre contrôle et les choses qui ne le sont pas ». Deux mois après la mise en place du programme, le partage des tâches, dans la contre-offensive médiatique en défense du glyphosate, n’est toujours pas clair.
Mais « Let nothing go » commence à fournir des résultats, déjà bien visibles sur le Net. « Je dirais qu’auparavant il n’y avait presque pas de contenus positifs sur le glyphosate, dans la presse et sur les réseaux sociaux, et que dernièrement, nous avons eu de bons contenus, dont plusieurs ont été activement placés par Fleishman-Hillard,précise un cadre de Monsanto à ses collègues, dans un courriel de juillet 2015. Il y a au moins des preuves empiriques que la situation s’améliore. »
La campagne est-elle toujours d’actualité ? L’agence parisienne de la firme de lobbying affirme qu’elle n’a pas œuvré pour Monsanto depuis plusieurs mois. Pour autant, stupéfaite par la levée de boucliers suscitée par la diffusion, le 17 janvier sur France 2, d’une édition du magazine « Envoyé spécial » consacrée au glyphosate, Elsa Margout, la directrice des magazines de l’information de France Télévisions, est convaincue que l’émission a été la cible d’une « campagne de dénigrement ».
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BarbaraGourde

*La faute aux lessives

« Ce qui s’est produit a atteint des proportions très inhabituelles. Personne, à France 2, n’avait jamais vu un documentaire se faire attaquer de cette manière sur les réseaux sociaux, y compris par des confrères, avant même d’être diffusé, dit-elle. Nous acceptons bien sûr la critique ou les jugements de valeur, mais nous n’avions jamais vu une telle véhémence, avec des accusations de “fake news” et de complotisme basées sur des contrevérités factuelles. » Pour MmeMargout, « des centaines de comptes anonymes, récents et avec très peu d’abonnés, ont systématiquement répercuté sur Twitter les éléments de langage de certains lobbys, créant un effet de masse et un effet d’entraînement impressionnant ».
Citer toujours la même étude épidémiologique ne montrant pas d’association entre glyphosate et lymphome non hodgkiniens [cancer du système lymphatique] par exemple, plutôt que les deux seules méta-analyses de la littérature actuellement publiées, et qui suggèrent un tel lien ; expliquer que le jardinier cancéreux Dewayne Johnson, qui a gagné son procès en première instance contre Monsanto, s’est aspergé de Roundup ou que le verdict rendu ne porte que sur un défaut d’étiquetage du produit ; prétendre qu’il existerait un « consensus scientifique » sur l’absence de cancérogénicité du glyphosate ; assurer que son produit de dégradation (l’« AMPA »), retrouvé dans la majeure partie des cours d’eau, provient en réalité des lessives… Ces éléments de langage ont eu, en quelques jours, un écho formidable sur les réseaux sociaux, suffisant pour faire passer au second plan les informations du magazine. « Tout cela a produit un rideau de fumée très efficace »,relève Elsa Margout.

« Let nothing go » a été utilisé à d’autres fins que la défense de l’image ou des produits de Monsanto. Souvent, la défense, c’est l’attaque. Selon nos informations, les consultants de Fleishman-Hillard ont ainsi approché, à l’automne 2017, des journalistes européens afin de leur fournir un dossier clé en main, accusant de conflit d’intérêts un chercheur consulté par les experts du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) ayant classé le glyphosate « cancérogène probable ».
De fait, après que l’avis du CIRC fut rendu en 2015, l’intéressé avait accepté une mission rémunérée d’expert témoin auprès des plaignants de l’une des actions en justice conduites aux Etats-Unis contre Monsanto. A travers la mise en cause du toxicologue, l’objectif était aussi d’attaquer l’intégrité de l’organisme onusien. Or le scientifique visé n’avait été consulté qu’à titre de « spécialiste invité » — position réservée aux experts précisément en conflit d’intérêts — et n’avait donc pas pris part à la rédaction de l’avis du CIRC. Fleishman-Hillard confirme nos informations, précisant qu’il ne s’agissait là que d’un « engagement classique ».

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Mathieu Asselin/Neutral Grey
Le « scoop » proposé par l’agence de relations publiques a finalement été publié par un blogueur. De là, il a essaimé dans la blogosphère, sur les réseaux sociaux, avant d’être repris par quelques médias traditionnels.
La firme agrochimique a intégré de longue date les réseaux sociaux dans sa stratégie de communication externe. Dans un mémo du 23 février 2015, c’est-à-dire un mois avant que le CIRC frappe le glyphosate de l’opprobre général, les cadres de la société ont prévu un classement « cancérogène possible » ou « cancérogène probable », et construisent leur plan de réponse à la funeste nouvelle à venir. « Préparer des Tweet et des billets de blog pour réitérer que le glyphosate n’est pas cancérogène », « partager des messages sur Twitter et Facebook », « amplifier les contenus positifs sur le glyphosate »… Tout cela pour « orchestrer l’indignation », selon les termes des stratèges de la firme.
La défense de Monsanto repose également sur les contenus, d’aspect scientifique, publiés sur la Toile par des organisations se présentant comme des associations indépendantes de l’industrie, seulement vouées à la promotion de la rationalité et de la démarche scientifique.

« J’adorerais avoir plus d’amis »

Dans leur mémo adressé au juge le 24 avril 2017, les avocats des plaignants écrivent, sur la foi des documents internes de la firme : « Monsanto finance discrètement des think tanks comme le Genetic Literacy Project [Projet d’alphabétisation en génétique] et l’American Council on Science and Health[Conseil américain sur la science et la santé], des organisations qui visent à dénigrer des scientifiques et à mettre en lumière des éléments favorables à Monsanto et d’autres producteurs de produits chimiques. » Et ce, ajoutent les avocats, alors que ni l’une ni l’autre des organisations en question ne listent Monsanto parmi ses donateurs.
Avec un certain humour, l’un des toxicologues de Monsanto, Daniel Goldstein, écrit à deux de ses collègues, le 26 février 2015, dont l’un semble douter de l’intérêt de la société à financer l’American Council on Science and Health (ACSH) : « J’adorerais avoir plus d’amis et plus de choix, mais nous avons peu de soutiens et nous ne pouvons pas nous permettre de perdre les quelques-uns que nous avons. Je suis parfaitement au courant des problèmes que pose l’ACSH (…) mais NOUS N’AURONS PAS UN MEILLEUR RAPPORT QUALITÉ-PRIX QU’AVEC L’ACSH. »
D’autres think tanks, comme Sense About Science ou BioFortified, sont également cités comme « partenaires » par les cadres de Monsanto, susceptibles d’être des alliés dans la lutte contre le CIRC.
C’est l’une des stratégies historiques de la firme : organiser la confusion entre la défense de ses produits et la défense de l’esprit de la science, afin de séduire le personnel scientifique au sens large. Le franc-parler des cadres de la société offre une tout autre image des relations qu’elle entretient avec la science. William Heydens, l’un de ses toxicologues en chef, l’écrivait à ses pairs en 2001 : « Les données produites par les scientifiques du monde académique ont toujours été une source d’inquiétude majeure pour la défense de nos produits. »

Stéphane Horel, Stéphane FoucartLe 31 janvier 2019 à 17h15*

MsiiNuRa
MsiiNuRa
5 ans

Bon je vais faire la même réponse que j'ai faite à un gars sur twitter :

Il existe un consensus scientifique au sujet du glyphosate et c'est le suivant : dans l'état actuel des choses, rien de prouve une quelconque nocivité du glyphosate, que ce soit pour la santé humaine ou pour les insectes.

Que Monsanto soit une entreprise éthique ou pas, qu'ils pratiquent le lobbyisme ou pas, qu'ils payent des trolls pro-glyphosate ou pas, ce concensus reste le même. Utiliser cet article comme un argument anti-glyphosate c'est faire un gros sophisme.

Quant aux reporters de FR2 qui se plaignent de s'être pris "une communauté active pro-glyphosate" dans la tête, on vire au complotisme (un peu comme quand d'aucuns inventent une manipulation russe dans le mouvement GJ, il faudra en parler un jour du complotisme des "élites" de ce pays). Leur documentaire est un concentré de malhonnêteté, ils ne l'assument qu'à demi-mot, et cette tribune résume bien le tout : https://www.jim.fr/medecin/jimplus/posts/e-docs/le_glyphosate_est_il_toxique_pour_les_medias__175713/document_jim_plus.phtml

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http://www.noelshack.com/2019-05-3-1548841448-image.png

anonyme
anonyme
5 ans

@MsiiNuRa: J'avais déjà fais un com' en disant que cibler le glyphosate était à mon avis une erreur écologique (en tout cas pour la France caron en utilise assez peu), une manière pour notre gouvernement de passer pour des écolos à peu de frais et une aubaine pour Monsanto et surtout Bayer parce que du coup on oublie les OGM, les autres produits phyto bien plus nocifs vendus par notre ami allemand et le fait que Bayer maîtrise maintenant la chaine du cancer de A à Z, des causes aux remèdes.

Et je ne comprend pas qu'à chaque fois qu'un mec du gouvernement passe à la radio (je ne regarde pas la TV), la seule question qu'on lui pose sur l'écologie soit "gnagna.... interdiction du glyphosate repoussée... ". Comme si une fois cette interdiction acquise, c'était bon, on était sauvé !

Ne pas oublier que c'est un herbicide et qu'il est de fait moins dangereux que n'importe quel insecticide. Ceci n'étant vrais quand dans la cadre d'une utilisation "classique" comme en France, pas comme au Brésil ou autre pays autorisant les OGM round-up ready...

Exa634
Exa634
5 ans

@MsiiNuRa: IL TRAVAILLE POUR EUX

MsiiNuRa
MsiiNuRa
5 ans

@legul: La nocivité des OGM n'est pas prouvée non plus, loin de là...

anonyme
anonyme
5 ans

@MsiiNuRa: sans doute pas mais leurs implications sociales, agronomiques économiques, environnementales est sans commune mesure avec le glyphosate. Et les études disponibles sont, essentiellement, celles fournies par les fabricants eux-même pour les mises sur le marché. En France, on a un truc super qui s'appelle le principe de précaution, et il mérite de s'appliquer à fond avec les OGM.

chabada
chabada
5 ans
Ce commentaire a reçu beaucoup de votes négatifs

On s'en fout pas mal

BarbaraGourde

@chabada: C'est gentil mais si tu pouvais arrêter de partager tes réflexions et lueurs d'intelligence on s'en porterait mieux.

En tout cas on applaudit tous ton argumentation en 5 mots

chabada
chabada
5 ans
Ce commentaire a reçu beaucoup de votes négatifs

@BarbaraGourde: pouvais porterait

BarbaraGourde

@chabada: Ouai merci désolé de pas t'avoir accordé quelques secondes pour me relire, mais ça change rien au fond.

MonsieurCanard

@chabada: Explique nous ta pensée, cela pourrait être intéressant

anonyme
anonyme
5 ans

@chabada: Claude Allègre ?

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