J'ai hébergé un choual, ça tourne mal...

Comme tous les soirs depuis une semaine, je ne fais rien. Je suis paralysé, plongé dans une espèce d’état léthargique profond, sûrement dû à l’hiver…
Je flâne, j’ère, je végète sur le net, à la recherche du moindre divertissement. Je clique, je passe, et je me lasse presque aussitôt. La vie me semble plus que jamais insignifiante et me pignoler pour la 15e fois me semble être la seule issue…
Mais toutes les choses extraordinaires arrivent par hasard, et mon histoire commence au détour d’une simple box…

Bien décidé à me taper la queue de ma vie sur Choualbox, je décide tout de même d’ouvrir le post de Steamer qui vient seulement d’apparaître. Lire une cool-story ne fait jamais de mal, et qui sait, s’il y parle de sexe, peut-être que ce sera assez pour me coller une demi-molle, tout au plus. Je clique donc sans avoir lu le titre.
Et quelle déception ! Pas de sexe, même pas un bout de sein qui dépasse ou une histoire larmoyante comme on les aime. Non, Steamer est à la rue, comme un clochard, et se contente de mendier de l’aide pour ne pas passer la nuit dehors. Vous parlez d’une branlette !
Les uns lui conseillent de passer la soirée dans un bus et les autres se contentent de manger du pop-corn, l’imaginant déjà se faire dépouiller par des Noix ou des Arbres. Et presque touché par ce spectacle minable, je décide de lui venir en aide. Je propose donc de le faire crécher dans la chambre de ma soeur, et l’invite à me rejoindre chez moi dans le 11e. Ce sera l’occasion de boire un verre et de parler un peu, après tout, il ne peut pas être si terrible ce Steamer ! Et ça m’évitera d’être seul…
Quant à lui, il accepte avec joie, sans doute ravi de ne pas avoir à passer la nuit sous un pont empestant la piquette, la bière et la pisse. Je fixe un rendez-vous, et je pars le rejoindre…

J’approche alors du lieu de notre rencontre fortuite, le cœur léger, content de m’être arraché de cette torpeur destructrice.
Je tourne à l’angle, sur la Place Voltaire, et le voilà qui lève ses yeux vers moi. Il est emmitouflé dans son gros sweat, caché sous sa capuche, des mitaines aux mains, il a froid. Son allure est celle de ceux qui ne savent pas vraiment ce qu’il fond, il a l’air paumé. On aurait dit un de ces gars de Nuit Debout, avec un cache-cou et une veste militaire vert kaki, ça allait dans le sens du mec paumé j’imagine…
Mais négligeant bien vite mes préjugés de fasciste, je lui tends la main amicale dont il avait désespérément besoin. Il range son portable pour me tendre la sienne :
« - Steamer ?
- Soviet ! » me répondit-il, enlevant son cache cou et révélant une petite barbe.
Brèves présentations, et banalités.
On bouge, il engage le pas, un peu mal à l’aise sans doute. J’essaie de le détendre, car après tout, c’est la première fois que je rencontre un Choual moi aussi, et que j’invite un inconnu à venir dormir chez moi. Mais étrangement, je ne suis pas trop nerveux, il n’est pas noir, c’est déjà ça…
Le temps de rapidement poser son sac chez moi et de saluer ma mère, nous voilà repartis dans la rue, à la recherche d’un bar.
Je lui propose naturellement d’aller boire une bière au pub, mais il ne semble pas vraiment porté sur l’alcool, il me semble distant, intimidé, et j’avoue ne pas comprendre. Parce qu’un Choual qui n’aime pas la bière, ça n’existe pas, non ? à moins que ce soit… un gros pédé ?
Une fois au bar, je commande une Guinness, et lui un mojito. J’aurais dû m’en douter…

Commence alors la longue descente… on s’assoit, on boit, on parle de tout et de rien. C’est un chic type, vraiment. Il fait du théâtre, aime la culture, la littérature. C’en est presque rassurant de se dire qu’on peut encore faire ce genre de rencontre. Mais son attitude m’intrigue…
Alors qu’il est là, sirotant son mojito, je parle de moi, un peu gêné. Il me regarde étrangement, et je ne sais pas comment l’interpréter. Je le sens joueur, il se détend, rigole, et s’amuse un peu plus. Il sourit, et j’ai chaud. Puis, on en vient forcément à parler de cul, un peu, de nos vies sentimentales, mais avec une certaine pudeur. Je reste méfiant et lui aussi. Mais à la troisième ou quatrième pinte, et au Xème mojito, les langues se délient. J’essaie d’apprécier la soirée, je ne pense plus à rien, c’est toujours mieux que ce que j’avais prévu de faire de toute façon…
Le temps s’écoule lentement, mais vient tout de même le moment de rentrer. Alors je me lève, et je le prends sous le bras jusqu’à la maison. Tout va bien, je me sens plutôt tranquille, on a bu ce qu’il faut, pas assez pour être raide, mais trop pour être sobre.

Dans l’appartement, il fait sombre, tout est éteint, silencieux et ma mère dort. Il me demande, inquiet, s’il doit éviter de faire du bruit. Je lui montre sa chambre, lui assurant qu’il peut dormir tranquille…
Commence alors un moment de flottement. Je suis tourné vers lui, et se petits yeux me fixent intensément. Je rougis, parce que je n’aime pas trop qu’on me regarde comme ça. Il pose alors sa main sur mon torse, avec sa petite mitaine noire, que je trouve à la fois ringarde, et terriblement mignonne…
Ce qui se passe ensuite restera entre nous. Mais étrangement, je ne le regrette pas. Après tout j’étais parti pour me mettre minable tout seul, finir la nuit avec quelqu’un m’avait fait du bien…

TL ; DR : Je suis pédé.