Péripéties d'un carabin à l’hôpital 18
Service de Réanimation chirurgicale, 8h30. J'arrive de bonne humeur dans ce service que j'affectionne particulièrement et j'assiste au staff quotidien.
Vers 9h30 il se termine et je me dirige tranquilement vers mon unité pour commencer mon travail mais très vite les taches et missions s'accumulent et un véritable bordel commence. Entre les coups de téléphone, les entrées, les patients à voir, les pancartes à remplir, les patients à emmener en examen, le service est débordé et tout le monde court partout. Les nerfs lâchent pour certains, certains s'engueulent et j'essaye tant bien que mal d'être efficace et surtout rapide. J'emmène en salle d'échographie un patient ayant tenté de se suicider en se tirant une balle dans le cœur. L'arme était collé contre la poitrine, le canon incliné vers le bas. Il s'est raté. La balle a transpercé la pointe du cœur, le diaphragme, l'estomac et s'est logé dans une vertèbre, rendant le patient tétraplégique... Il me regarde et je n'oublierais jamais l'expression de ses yeux, l'expression d'un homme brisé, emprisonné dans son corps et qui va passer le reste de sa vie seul avec ses pensées et ses remords.
La matinée continue a être intense et je vais voir un patient dans sa chambre. Son ventre est énorme, dur, et ses constantes s'affolent. Je diagnostique immédiatement une péritonite (le péritoine est une membrane entourant les intestins et devenant dure comme la pierre quand elle est infectée) et appelle en urgence mon interne qui arrive en courant. On décide d'emmener le patient au scanner et je trace dans le service pour aller chercher le sac de réanimation, au cas où.
La suite en commentaires.
Nous arrivons au scanner, le mettons sur la table et je suis affolé par ses constantes vitales s'altérant considérablement. Il respire de moins en moins bien et je suis juste à côté du sac de réanimation, près à m'en servir. A ce moment l'interne réalise qu'elle ne lui a pas posé de sonde naso gastrique alors que ce patient était endormi depuis la veille, ce qui est une erreur médicale. Je m'explique, inconscient, les mécanismes corporels empêchant les fausses routes (nourriture, eau, vomis etc... allant dans les voies respiratoires) ne sont plus actifs, ainsi que les mécanismes de continence de l'estomac. En gros, le contenu de l'estomac remonte, et va dans les poumons ce qui est extrêmement grave. Quand l'estomac est vide (donc avec une sonde naso gastrique qui aspire le contenu gastrique) il n'y a plus de danger.
Mon interne réalise donc son erreur et perd ses moyens. Je parle avec elle pour qu'elle se reprenne et nous stabilisons tant bien que mal le patient qui finira par s'en sortir.
A 15 heures la "matinée" est terminée et je vais manger. A peine revenu, un de mes internes me demande de prendre le sac de réa et de le suivre en service de Gastro-Enterologie. Nous rentrons dans la chambre d'une patiente obèse ayant le plus grand mal à respirer. Son état est tellement critique que nous l'emmenons au pas de course dans notre chambre spécialisée qui accueille les patients en état grave. Nous regardons sa dernière radio et ma mâchoire se décroche. Son poumon gauche est entièrement rempli de liquide, son poumon droit à moitié. Je regarde mon interne et lui dit à demi mot "Comment peut-t-elle être encore vivante ?". Ayant de la bouteille il me répond sourire en coin "Elle a encore un poumon de valide non ?". A ce moment précis une déferlante de blouses blanches débarque, tous les internes et médecins du services viennent aider vu l'urgence vitale. Il est décidé de ponctionner la patiente, et mon interne s'y colle. Pour cela il doit percer la peau au niveau des côtes, arriver jusqu'au poumon, et passer un tuyau. Problème, la patiente et obèse, et il faut carrément creuser un tunnel. Deuxième problème, l'anesthésique local ne marche pas vraiment et c'est sous les hurlements de la patiente que l'interne creuse avec une large pointe métallique un chemin jusqu'au poumon gauche. Après 5 minutes de torture pour la pauvre femme, le drain est posé et le réceptacle relié à celui ci se remplit considérablement d'un liquide jaunâtre-sanguinolent. Combien de litres il y avait-t-il ??? J'hallucine littéralement, je ne suis pas le seul.
18 h arrive et ma garde commence en douceur avec quelques missions mais vers 00h00 ça se complique. Six patients arrivent à la suite et je dois faire leur entrée.
J'en fais 3 et attaque ma 4 ème, décontenancé par ce que je vois. Le patient avait serré extrêmement fort une corde autour de ses testicules et s'était pendu. Son scrotum était énorme à cause des œdèmes et je me pose une question ? Tentative de suicide au jeu sexuel ayant mal tourné ? Je n'aurais jamais la réponse.
Plus tard la famille d'un des patients arrive et j'assiste à la discussion avec le médecin dans une salle d’accueil. Ils sont dévastés, fondent en larmes quand ils entendent "dommages cérébraux mineurs" et n'écoutent pas la suite alors que les poumons sont gravement touchés et pourraient pour le coup causer la mort du patient. Je suis ému par le visage déformé par la douleur de la mère et sors troublé de la salle à la fin de l'entretien, finir mon travail.
Entre les patients à voir, les examens à leur faire passer, les électrocardiogrammes à faire, je me couche à 7h du matin pour me lever à 8h.
Complètement décalqué, je bois un café, fume une clope et me rend au staff de 8h30 pour présenter mes 6 patients dans une minuscule salle et cela devant une vingtaine de personnes. Je bafouille mais essaye de tenir le coup et c'est chancelant qu'une fois le staff fini, je rentre chez moi en me demandant si je vais me retenir de vomir ou pas, tellement je suis épuisé.
Ça a été dur mais j'ai avec cette expérience un peu plus grandi, gagné en maturité et force de caractère.
P.S : Je sors d'une garde de 28 heures et ça a encore été épique, je vous raconte ça prochainement.
Comme d'hab, je te souhaite bonne chance pour la suite et franchement je sais pas comment tu tiens avec tout ça, t'as clairement une putain de volonté.
Tu te dopes à quoi ? Waw c'est comme dans les films alors ?! Ou alors ça doit être vraiment un très gros hôpital de ville.. Respect en tout cas! Faut vraiment bien aimé ce qu'on fait pour savoir tenir à une cadence comme la tienne.. Bonne merde pour la suite !
Tellement bien raconter qu'on peut penser au fake ! Continue ton taff et tes boxs gars, c'est passionnant !
on dit pas "je suis à bloc", mais "je suis au bloc".
ou alors c'est moi qui débloque, je ne sais pas
edit : grillé par harkos, pardon
A force de lire chacune de tes histoires j'ai developpé un forme d'admiration et de respect envers toi toute cette energie que tu met a devenir medecin et être au service des autres ainsi que le courage que tu as après toute les epreuves et les tortures psychologiques que tu as subi au fil du temps
Je pensais noyer le poisson...
Bon ok ça va je l'ai baisé ! Il était 3h du matin et j'avais besoin de chaleur humaine !
Continue, parce que plus ça va, plus je me dis que ce monde (celui de la médecine) n'est définitivement pas constellé de cons.
Non pas que je pense que la médecine est un métier de con, bien au contraire, mais j'ai eu affaire à pas mal de personnes hautaines, insupportables et parfois limite insultantes, mais après ça dépend peut-être du poste et de la personne.
Du coup ce que tu détailles, box après box, rend ça carrément plus qu'admirable, c'est impressionnant, mais je m'en doutais.
Bravo en tout cas :)
Avec toutes les MST que tu as du chopper en Thaïlande Saian, je te soignerais gratuitement quand je serais médecin <3
Autant je suis très admiratif devant des médecins capables d'enchainer des gardes de plus de 24h et autant je trouve cela complétement débile pour la santé du patient et du médecin.
putain je me demande encore comment tu peux supporter tout ça
Un grand bravo mec parce que tout le monde ne pourrait pas faire ça !
Quand tu parle de TON interne, c'est quelqu'un au dessus ou en dessous de toi ? C'est quelqu'un qui te forme ou c'est toi qui le forme ?
Est-ce que tu chante I'm no superman quand tu rentres dans l'hopital
woohouuhouuhhhouu I'm no superman. Bon vais mater scrubs.
Je découvre avec plaisir ces récits d'expériences ! ne change pas et continu à nous en faire part, c'est chouette de partager et "d'apprendre" de ton expérience !
"On est pas sur TF1, le Stéthoscope c'est pas autour du cou"- Un chef de service à son newfag d'externe
le problème c'est que c'est le chef l'admin du groupe. Et le chef, ben il aime pas trop le changement.
Encore une fois GG , c'est toujours hallucinant de voir ce que tu supportes au quotidien :D
Nope, je ne suis pas médecin mais je réponds toujours à une question quand je le peux ;)
à chaque nouvel épisodes tu monte encore un peut plus dans mon estime. GG bro, maintenant va dormir putain.
Comme d'hab un plaisir de te lire.
Médicalement payant, tu ne te servir aïs pas un poil de tes boxes comme exutoire ?
Tu peux tout me dire, on est en privé sous le sceau médical.
Sexy choual en plus ! encore une histoire passionante ! feel free de participer au choualgonemale !
Ce que je trouve génial c'est que tu vis continuellement des aventures, même quand tu t'emmerdes, ça manque de baise et de complots par contre.
Les complots il y en a un paquet pourtant mais c'est nominatif et ça concerne des gens que vous ne connaissez pas. Difficile à raconter du coup.
Maintenant quand j'aurais à faire à un médecin insupportable je lui ferais un câlin parce qu'il aura peut-être fait 28h de garde avant ma consultation .
Nom de Dieu, mais à quoi tu carbures pour tenir le coup?..
Au fait: Le suicidé manqué du début, c'est une "simple" tétraplégie ou carrément un locked-in syndrome?
Je refuse d'être dépassé ou de craquer donc je me bats pour tenir le coup.
Tétraplégie ;)
Je vous respecte tellement putain, je supporterai pas un jour de votre vie ! Vraiment, merci pour ce que vous faites...
Question existentiel : pourquoi tout les médecins, infirmière ect... font la gueule à l’hôpital?
Un peu d’amabilité ne va pas vous tuer bong sang de bois :D
Tu es cool avec nous oui mes avec tes patients? ^^
C'est déjà pas drôle de devoir aller à l'hosto alors en plus si tu es accueillie par personne qui tir une gueule de 3km de long..
Bah pour la seule fois où j'ai dû aller à l'hosto ( saleté de phimosis ) le personnel était très souriant et sympathique :)
Après je conçois totalement qu'y a des endroits où les gens font la gueule h24 ( Razorbakk a déjà parlé d'un endroit comme ça dans une de ces péripéties )
