L'Insurrection de Détroit, 23 Juillet - 27 Juillet 1967

Capitale automobile américaine, Détroit connue une croissance très importante durant la première moitié du XX siècle grâce à ses industries. C'est là bas que les travailleurs créèrent le syndicat United Auto Workers. Grâce à l'UAW, le Traité de Détroit fut signé en 1950, leur donnant énormément de droits sociaux. Ceux du Big Three (Ford, General Motors, Chrysler), représentant des centaines de milliers de personnes autour de Détroit, virent leur condition de vie s'améliorer considérablement, et grâce à ce traité, les ouvriers des usines automobiles à travers le pays entrèrent dans la classe moyenne. Autant dire que dans les années 1960, Détroit, ville prospère et riche, était à son apogée.

Mais cela ne dura pas. Les années 1960 furent marquées par la montée des luttes pour les droits civiques pour les populations noires. Le Civil Rights Act fut signé par Lyndon Johnson, alors président, en 1964, mettant officiellement fin à la ségrégation raciale. Cependant, le racisme était encore très présent et la tension était palpable dans les quartiers afro-américains, et ce même s'ils n'étaient pas forcément pauvres (le taux de chômage des quartiers noirs de Détroit juste avant les émeutes était d'à peine 3,4%).

Suite à une série de crimes et de pillages (menés aussi bien par des noirs que des blancs), la police de Détroit émit un avis de couvre-feu et interdit la vente d'alcool en dehors des heures autorisées. Le dimanche 23 juillet à 1967, à 03h45 du matin, des policiers firent un raid au United Community League for Civic Action où 82 afro-américains fêtaient le retour de soldats rentrant du Vietnam. Ils n'avaient pillé ni agressé personne, leur seul crime était de boire de l'alcool la nuit. Ils furent tous arrêtés.

Ce fut l'événement déclencheur, le raid de trop. Pendant que la police organisait le transport des prisonniers, une foule se massa dans la rue, et l'émeute éclata. La police fut obligée de partir, et l'émeute commença à dégénérer, un grand nombre de personnes pillant et dévalisant des magasins (à noter que aussi bien des noirs comme des blancs participèrent aux pillages).

Vu que l'émeute éclata un dimanche, la police eut du mal à se mobiliser. En nombre insuffisant, ils n'eurent d'autres choix que d'observer l'émeute se propager dans Détroit. Petit à petit, les quartiers se soulevaient et les émeutiers ravageaient la ville. Le lundi la situation empira, plus de 480 incendies sont déclarés mais les pompiers étaient aussi la cible des émeutiers, tout comme les commerces de la ville, qu'ils soient tenus par des noirs ou par des blancs.

Totalement débordée, la police se montra de plus en plus brutal, arrêtant un grand nombre de personnes, parfois sans véritable raisons, déshabillant les femmes pour les fouiller et maltraitant des prisonniers. Ne sachant plus quoi faire pour calmer cette émeute qui se transformait en insurrection, le gouverneur du Michigan, George Romney (le père de Mitt) appela l'armée en renfort.

Des chars furent déployés dans les rues ainsi que des soldats avec leur baïonnette au bout du fusil pour mater l'insurrection, ce qui fut fait après 5 jours d'émeutes. Beaucoup d'émeutiers étaient des afro-américains mécontent de la ségrégation qui régnait encore là-bas et des injustices qu'ils subissaient, leur condition sociale étant principalement à l'origine de la puissance d'une telle violence.

Au total, 43 personnes ont été tués, 1 189 ont été blessés et 7 231 ont été arrêtés (allant de 4 à 82 ans). À la suite de l'émeute, le gouvernement local passa plusieurs décrets pour réduire la ségrégation raciale, mais ce fut trop tard. À ce même moment, les grandes entreprises se délocalisèrent vers le Sud du pays, qui était un désert syndicaux, pouvant plus facilement exploiter des travailleurs, blancs ou noirs.

Ce fut le début de la fin pour Détroit. La disparition des industries et la peur des communautés noires (attisée par les Républicains) provoqua un exode massif des populations blanches. La ville sombra peu à peu, et est aujourd'hui déclarée en faillite. Alors que Détroit avait 1,8 millions d'habitants en 1950, composée de classes moyennes de toutes les ethnies, elle n'en compte plus que 700 000 aujourd'hui, et 82% de sa population est afro-américaine et un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté.