La Guerre de Crimée, 1853 - 1856

Entre 1568 et la moitié du XIX siècle, l'Empire Ottoman (turques) et l'Empire Russe se firent la guerre neufs fois, quasiment toutes gagnées par les russes. Ces derniers connurent une montée en puissance quasi constante depuis déjà quelques siècles, et en 1850 ils possédaient un gigantesque Empire, s'étendant de l'actuelle Pologne à l'Alaska, et leurs victoires face à un Empire Ottoman en déclin leur permettaient d'étendre leur influence et territoires autour de la Mer Noire.

Toujours dans cette logique d'expansion, le tsar Nicolas Ier exigea d'importantes concessions de la parts des Ottomans, puis déclara la guerre après avoir essuyé un refus, le 4 octobre 1853. L'armée russe, toute puissante comparée à l'armée Turc, parvint à gagner du terrain sur le delta du Danube, dans l'actuelle Roumanie, envahissant des territoires Ottomans.

Sauf que cette puissance russe ne plaisait pas à tout le monde. En effet, l'Empire se mit sur le dos les autres puissances européennes, pour plusieurs raisons. D'abord, d'un point de vu stratégique, aucun des autres pays du continent ne souhaitait voir la Russie prendre possession de l'Empire Ottoman et ainsi devenir une superpuissance. Mais également pour des raisons religieuses, car au même moment, les catholiques et les orthodoxes se battaient pour savoir qui et comment ils allaient gérer les lieux Saints en Palestine.

La traversée du Danube fit entrer la France et le Royaume-Uni dans la guerre aux côtés des Ottomans. Craignant de devoir faire face à leurs voisins autrichiens, les russes évacuèrent donc leur récente conquête à l'été 1854. Malgré tout, le 14 septembre 1854, une coalition de centaines de milliers d'alliés débarqua en Crimée et commença à assiéger Sébastopol, là où se trouvait la flotte russe de la mer Noire.

Sauf que ce qui devait être une expédition rapide se transforma en siège long et chaotique. Les russes ne parvinrent pas à briser l'encerclement, mais opposèrent une résistance farouche et acharnée. Rapidement, la ligne de front se figea et les troupes se retranchèrent derrière des barricades et des tranchées, pilonnant les fortifications à coup de canons et de mortiers.

Pourtant ce qui fut le plus destructeur n'étaient pas les combats en soit, mais la condition de vie très difficile des soldats, aussi bien coalisés que russes. Le froid, la faim et la maladie firent plus de morts que tout le reste, les hommes n'étant ni habitués ni prêts à se battre dans de telles conditions.

En janvier 1855, les alliés reçurent le soutien d'une armée de Sardaigne permettant de lancer une nouvelle offensive au printemps, sans pour autant débloquer la situation. Prémisse de ce que sera la Première Guerre Mondiale, les troupes en présence campaient dans leurs tranchées tout en bombardant les forces d'en face. Ainsi, du 9 au 19 avril 1855, les alliés tirèrent 160 000 boulets, les russes répliquèrent en en tirant 80 000 (on peut d'ailleurs voir les traces des tirs d'artillerie sur la photo 27, avec tous les boulets de canons). L'armée française, notamment aidé par les zouaves, parvint à prendre du terrain au prix de lourdes pertes, et le 8 septembre 1855 s'empara de la plus grande fortification de la ville, forçant Sébastopol à se rendre.

À partir de là, les Ottomans contre-attaquèrent dans le Caucase et les franco-anglais lancèrent une expédition dans l'estuaire du Dniepr en octobre 1855, ce qui poussa Nicolas Ier à signer le Traité de Paris le 30 mars 1856, affaiblissant fortement l'influence russe sur la Mer Noire. Cela ne sauva pas pour autant l'Empire Ottoman, qui subit une nouvelle défaite face à la Russie en 1878, avant d'être démantelé en 1918.

La guerre de Crimée fit 165 263 morts du côté allié : 95 615 français (dont 79% à cause des maladies), 45 300 turcs (54%), 22 182 anglais (79%) et 2 166 italiens (99%). Côté russe, le nombre de mort atteint 450 125 (84%).

La guerre de Crimée fut particulière sur bien des aspects. D'abord, elle marqua le début de la longue alliance franco-anglaise, rappelons que ce fut la première guerre qu'ils firent en tant qu'allier, alors que les deux pays étaient régulièrement ennemis depuis plus de 700 ans. Le conflit fut aussi considéré comme la première guerre moderne, avec l'utilisation des bateaux à vapeur, des chemins de fer, des fusils à canon rayé et du télégraphe. Enfin, ce fut la première fois que des photographes de guerre furent réellement envoyés sur le terrain (5), notamment du côté anglais, ce qui en fait la plus vieille guerre majeure jamais photographiée.