Un tableau célèbre mais une histoire plus ignorée… « Les Cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie » (image 1), fameux tableau du peintre russe Ilia Répine commémore la verve fleurie de ces hommes.
Les cosaques sont une catégorie sociale, souvent confondue avec un peuple, définie dans le Codex Cumanicus, comme des guerriers défenseurs de la steppe face aux tatars (peuple turco-mongol). Le terme slave de Cosaque (Kazak en russe), vient probablement de la langue de leurs ennemis turco-mongol « qazak » signifiant « garde de convoi » ou « pillard des steppes »… Dans les langues slaves cela signifie évidement autre chose : « homme-libre ». Dans les faits, ces hommes d'origines slaves orthodoxes, des polonais catholiques, des arméniens, moldaves voire tatars convertis au christianisme, étaient surtout des mercenaires, des aventuriers indépendants et nomades. Très fiers, profondément chrétiens et dévots, ils combattaient généralement pour des puissances chrétiennes, comme évidement la Principauté de Moscovie (puis le Tsarat de Russie), mais bien sûr se laissaient très souvent guider uniquement par l'argent.
En 1676, la Sublime Porte, menée par Kara Mustafa Pacha (image 2*), veut étendre son emprise en Ukraine et est en cela appuyé par l'hetman de l'Ukraine de la rive droite, c'est à dire à l'ouest du Dniepr, Petro Dorochenko (*image 3*). Seulement elle voit ses ambitions contrariée car elle se confronte alors au Tsarat de Russie, et en premier lieu aux Cosaques Zaporogues qui peuplent cette région. La Zaporoguie (terme signifiant « au-delà des rapides ») était à l'époque située entre le Dniepr et le Don, elle s'est étendue vers l'ouest par la suite. (*image 4, moitié droite de la zone violette).
Les Cosaques Zaporogues avec à leur tête l'Hetman Ivan Sirko (image 5*) remportent une grande victoire sur l'empire Ottoman la même année. Malgré cette défaite, le Sultan Mehmed IV (*image 6) adresse une lettre aux Cosaques zaporogues leur sommant de se soumettre :
**« En tant que sultan, fils de Muhamad, frère du Soleil et petit-fils de la Lune, Vice-roi par la grâce de Dieu des royaumes de Macédoine, de Babylone, de Jérusalem, de Haute et Basse Égypte, Empereur des Empereurs, Souverain des Souverains, Invincible Chevalier, Gardien indéfectible jamais battu du Tombeau de Jésus Christ, Administrateur choisi par Dieu lui-même, Espoir et Réconfort de tous les musulmans, et très grand défendeur des chrétiens,
J’ordonne, à vous les Cosaques zaporogues de vous soumettre volontairement à moi sans aucune résistance
Sultan Mehmed IV**
Les Cosaques confortés par leur victoire lui répondent alors en ces termes :
**« À Toi Satan turc, frère et compagnon du Diable maudit, serviteur de Lucifer lui-même, salut !
Quelle sorte de noble chevalier au diable es-tu, si tu ne sais pas tuer un hérisson avec ton cul nu ? Mange la vomissure du diable, toi et ton armée. Tu n'auras jamais, toi fils de putain, les fils du Christ sous tes ordres : ton armée ne nous fait pas peur et par la terre ou par la mer nous continuerons à nous battre contre toi.
Toi, scullion de Babylone, charretier de Macédoine, brasseur de bière de Jérusalem, fouetteur de chèvre d'Alexandrie, porcher de Haute et de Basse Égypte, truie d'Arménie, giton tartare, bourreau de Kamenetz, être infâme de Podolie, petit-fils du Diable lui-même, Toi, le plus grand imbécile malotru du monde et des enfers et devant notre Dieu, crétin, groin de porc, cul d'une jument, sabot de boucher, front pas baptisé ! Voilà ce que les Cosaques ont à te dire, à toi sous produit d'avorton ! Tu n'es même pas digne d'élever nos porcs. Tordu es-tu de donner des ordres à de vrais chrétiens !! Nous n'écrivons pas la date car nous n'avons pas de calendrier, le mois est dans le ciel, l'année est dans un livre et le jour est le même ici que chez toi et pour cela tu peux nous baiser le cul ! »
Signé le Kochovyj Otaman Ivan Sirko et toute l'Armée zaporogue**
Même si selon certains historiens ceci n'est qu'une légende visant à montrer l'arrogance et l'amour de la liberté des Cosaques cet événement restera célèbre au point d'être immortalisé par un tableau de Ilia Répine en 1891, soit deux siècles plus tard, et par un poème d'Apollinaire dans son recueil « alcool » en 1913 :
**« Plus criminel que Barabbas
Cornu comme les mauvais anges
Quel Belzébuth es-tu là-bas
Nourri d'immondice et de fange
Nous n'irons pas à tes sabbats
Poisson pourri de Salonique
Long collier des sommeils affreux
D'yeux arrachés à coup de pique
Ta mère fit un pet foireux
Et tu naquis de sa colique
Bourreau de Podolie Amant
Des plaies des ulcères des croûtes
Groin de cochon cul de jument
Tes richesses garde-les toutes
Pour payer tes médicaments »**
Merci. Oui, effectivement on peut répondre cela à son patron... Et on risque de finir comme les cosaques, sans maison, nomade.
