Le vampire de Montparnasse - 1848

Entre l’été 1848 et mars 1849, la ville de Paris connaît l’effroi.
Régulièrement, dès le petit matin, des corps sont retrouvés exhumés et profondément mutilés au cimetière de Montparnasse. En grande majorité, ce sont des corps de femmes, assez jeunes et récemment décédées. Les actes sont particulièrement violents.
S’il est fréquent de retrouver du sperme sur les corps en question, parfois l’abdomen des victimes est laissé béant, les intestins en sont extraits et sont répandus autour de la tombe ou de la fosse dans lesquelles les personnes reposaient.

La presse désigne alors le coupable comme le « Vampire de Montparnasse », bien qu’il soit également actif dans d’autres cimetières parisiens, notamment le Père-Lachaise.
Face à l’incapacité des fossoyeurs et des gardiens d’arrêter l’individu et du fait de l'inexistence de police scientifique, les autorités se décident à installer une « machine infernale » près du mur d’enceinte du cimetière Montparnasse, où l’on a retrouvé des traces de boue indiquant son passage. La machine infernale (photo 1) est une arme à feu unique, composée de 25 canons de fusils juxtaposés et disposés sur un châssis incliné, pouvant tirer en seul coup les 25 projectiles.

C’est au cours de la nuit du 15 au 16 mars 1849 que le discret fil métalliqué disposé par les autorités déclenche le tir de mitraille, blessant grièvement le coupable. Il s’agit de François Bertrand (photo 2 et 3), un sergent de l’armée de Terre, toujours bien noté par ses supérieurs mais pourtant bien adepte de nécrophilie et de nécrosadisme.
À l’époque des faits la nécrophilie n’était pas punie par la loi et en conséquence la cour martiale condamnera François Bertrand à un an de prison pour « violation de sépulture » sur le fondement de l’article 360 de l’ancien Code pénal.
Plus tard, on retrouvera sa trace dans le deuxième bataillon d’infanterie légère d’Afrique, en Algérie, pour y construire des routes. Il se marie au Havre en 1856 et certains lui attribuent deux violations de sépultures dans la région qui se sont déroulées en 1864 et 1867.

L’étrangeté du cas du sergent Bertrand a notamment particulièrement intéressé les aliénistes de son époque - les prémices de la psychiatrie - et l’article que lui consacra le Dr Claude-François Michéa (« Des déviations maladives de l’appétit vénérien », 1849) constitue une des premières analyses médicales des perversions sexuelles. Pour l'anecdote, ce même article est aujourd’hui considéré comme le premier plaidoyer scientifique pour établir le caractère inné de l’homosexualité et qui amorcera une décennie plus tard le mouvement de libération des homosexuels venu d’Allemagne, avec des auteurs comme K. H. Ulrichs et K. M. Kertbeny.

L’histoire de François Bertrand a inspiré de nombreux romans (« Le Loup-garou de Paris » de Guy Endore, « La bête noire » de Guy de Wargny) et il est aussi un personnage récurrent dans des nouvelles de Guy de Maupassant.
En 1965, l’artiste plasticien surréaliste Jean Benoît se déguise en nécrophile lors de la XIe exposition internationale du surréalisme pour lui rendre hommage, immortalisé par le poète croate Radovan Ivsic (photo 4).