Georges Perec - Un homme qui dort

"Tu as vingt-cinq ans et vingt-neuf dents, trois chemises et huit chaussettes, quelques livres que tu ne lis plus, quelques disques que tu n'écoutes plus. Tu n'as pas envie de te souvenir d'autre chose, ni de ta famille, ni de tes études, ni de tes amours, ni de tes amis, ni de tes vacances, ni de tes projets. Tu as voyagé et tu n'as rien rapporté de tes voyages. Tu es assis et tu ne veux qu'attendre, attendre seulement jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à attendre : que vienne la nuit, que sonnent les heures, que les jours s'en aillent, que les souvenirs s'estompent."
C'est en ces termes que le narrateur s'adresse à lui-même, «un homme qui dort», qui va se laisser envahir par la torpeur et faire l'expérience de l'indifférence absolue.

"Il y eut ces journées creuses, la chaleur dans ta chambre, comme dans une chaudière, comme dans une fournaise, et les six chaussettes, requins mous, baleines endormies, dans la cuvette de matière plastique rose. Ce réveil qui n'a pas sonné, qui ne sonne pas, qui ne sonnera pas à l'heure de ton réveil. Tu poses le livre ouvert à coté de toi, sur la banquette. Tu t'étends. Tout est lourdeur, bourdonnement, torpeur. Tu te laisses glisser. Tu plonges dans le sommeil."


Livre dont j'ai appris l'existence avant-hier, que j'ai acheté hier et fini hier. Le thème : le renoncement. La deuxième personne employée semble invectiver directement le lecteur, et on finit par se retrouver à la place du personnage, dans sa chambre de bonne sous les toits parisiens. On entend le voisin qui toussote et ouvre ses tiroirs, on s'imagine la chaleur faire perler une goutte de sueur sur notre front, on voit les formes dessinées par les écailles de la peinture du plafond. Puis on est transporté dans Paris, où on se promène sans but, suivant la foule, s'arrêtant dans un troquet pour y siroter un demi en observant les badauds.

Livre kafkaïen sur la solitude, la dépression, l'indifférent personnage est loin de m'avoir laissé indifférent ; je suis pas forcément fan de Perec d'habitude, "les choses" m'avait pas marqué plus que ça, j'ai jamais réussi à finir "la disparition" (même si la prestation littéraire est à saluer), mais là j'avoue que j'ai été transporté par cette oeuvre. Après les premières pages qui nous résistent, on s'identifie peu à peu à l'étudiant qui fait le choix de renoncer à tout dans sa petite chambre, qui sans bruit et sans fureur s'enfonce dans des abîmes d'indifférence, et tente en vain d'échapper au temps qui passe. Bref "un homme qui dort" est une sacrée expérience sensorielle et psychologique (et littéraire bien sûr, Perec manie la langue française magistralement). Ca donne envie de se replonger dans l'oeuvre de Perec.

Georges Perec - Un homme qui dort
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