Ma première box, peut-être un peu long, sur un personnage de l'histoire japonaise contemporaine. Donnez-moi vos avis.

SHIOMI Takaya (1941-2017)

Personnage central de la lutte étudiante japonaise dans les années 60, il est le fondateur du Sekigun-ha, la Faction de l'armée rouge. Vers la fin des années 60, le Minsei (Pro-parti communiste) et le Bund (La ligue révolutionnaire communiste) préconisaient des mouvements plus pacifistes car la lutte étudiante, à cause de nombreux drames, commençait à s'essouffler. SHIOMI n'était pas de cet avis, il fonde alors ce nouveau mouvement en 1969 avec ses proches collaborateurs, notamment des anciens du Bund de la région du Kansai.
Très charismatique, il en appelle au combat armé. Ainsi, l'objectif devient clair, se procurer des armes, et surtout, obtenir une formation militaire. Attaque de commissariat, combat avec les autres groupuscules étudiants et la police anti-émeute, menace contre l'État, etc... Les autorités japonaises finissent par les prendre au sérieux, surtout qu'une rumeur tourne, le Sekigun-ha aurait pour objectif de kidnapper le Premier ministre. Une vague d'arrestations survient le 5 novembre 1969, dans une auberge des montagnes Daibôsatsu, là où justement les membres s'entrainer au combat.
Cette journée fait imploser ce groupe, beaucoup de membres partent, préférant de continuer dans la légalité leur combat, plutôt que de finir en prison. Shiomi sait désormais que le Sekigun-ha était devenu clandestin.

Le 15 mars 1970, il est arrêté pour attaques de commissariat et pour tentative de kidnapping du Premier ministre. Leur leader n'étant plus, les derniers membres s'affolent. Le 31 mars 1970, une partie d'entre-eux détourne un avion, avec son équipage et ses passagers, afin de s'enfuir en Corée du Nord. Et ils réussissent. Pour les derniers qui restent, la tension est telle, qu'ils finissent par scinder le Sekigun-ha en deux autres factions, L'Armée Rouge Japonaise, sous les ordres de SHINEGOBU Fusako, et l'Armée Rouge Unifiée, sous les ordres MORI Tsuneo.

Shiomi sera considéré, plus ou moins à tort, comme l'instigateur de cette attaque terroriste et sera condamné à 20 ans de prison. Accusation qu'il niera tout au long de sa vie. Il sera par ailleurs le premier à être jugée pour détournement d'avion dans le pays, ce qui va poser des problèmes aux juges japonais pour légiférer sur ce crime nouveau. Il ressortira en 1989, après 18 ans derrière les barreaux. Il deviendra par la suite gardien de parking à Kiyose, dans la banlieue de Tokyo. Il n'oubliera jamais cependant son combat, à tel point qu'en 2015, alors âgé de 74 ans, ils se relancent en politique, sans succès. Il décède d'une attaque cardiaque le 14 novembre 2017.

Mon avis est contrasté sur ce personnage, à la fois prônant l'idée de choix de vie pour les jeunes, dans un Japon qui façonne à sa guise la génération dont son industrie à besoin, mais aussi la lutte armée, dans une société hautement répressive où l'État n'hésitera pas à éliminer tout gêneur. Monstre ou héros déchu? Je vous laisse juge.

Je termine sur une des ses rares interviews, en anglais, pour The Guardian, du 9 septembre 2002, au sujet du YODOGO (le détournement d'avion):

« Le détournement fut un succès, mais le résultat, un échec. Nous avons toujours convenu d’aller à Cuba, mais cela blessé la Corée du Nord dans sa fierté. Quand les preneurs d’otages du Yodogo arrivèrent à Pyongyang, ils ont dit vouloir y rester. Mais c’était un mensonge. Ils n’avaient pas le choix.» ;« En 1970, j’en est pris pour 20 ans et eux ce sont échappés à Pyongyang. Je les ai envié, mais peut-être étais-je le plus chanceux. Mon temps en prison est terminé, alors que la prison, elle, les attend toujours. »