La prise de pouvoir d'Adolf Hitler, 1932-1933
En 1932, l'Allemagne est encore touchée par la crise de 1929, le peuple connaît alors la misère, le chômage et la faim. C'est dans ce contexte que les deux partis extrémistes, le KPD -communiste- et le NSDAP -nazi- connaissent une montée en puissance, combattant tout deux le SPD -socialiste- au pouvoir. Le 13 mars à lieu l'élection présidentielle (1 et 2) où le président Hindenburg se présente à sa propre succession (3), faisant face à Hitler (4). Ce dernier arrive cependant second, avec 36,8% des voix, loin derrière Hindenburg.
Peu de temps après, le chancelier Brüning est contraint de quitter sa fonction après avoir tenté d'interdire les milices nazis, les SA (5), qui sèment le trouble dans la rue en se battant avec les milices communistes. Il est remplacé par un certain Von Papen (6). Le Reichstag -le parlement- est alors dissous et de nouvelles élections ont lieu en juillet, et cette fois-ci le NSDAP arrive en tête avec 37,3%, mais malgré la propagande nazi et la violence des SA, Hitler ne parvient pas à s'imposer et la situation reste bloquée, amenant à une nouvelle dissolution du Reichstag.
Lors des élections de novembre 1932, même si le parti nazi reste en tête, il perd des voix en tombant à 33,1%. Le chancelier Von Papen, après une bataille politique, est contraint de laisser sa place à Schleicher (7), mais contrarié d'avoir été obligé de quitter son poste il commença à négocier avec le DNVP (un parti d'extrême droite) et le parti Nazi pour créer un nouveau cabinet où Hitler serait le chancelier et Von Papen vice-chancelier.
Rapidement, Schleicher est marginalisé et n'a aucune majorité au Reichstag, sans compter le fait qu'il ne s'entend pas avec le président Hindenburg. Il n'a d'autre choix que de quitter son poste le 28 janvier 1933, et de laisser Von Papen revenir. Ce dernier présente son plan à Hindenburg qui l'accepta, Hitler devient alors officiellement chancelier le 30 janvier 1933 (8). Sauf que l'histoire ne s'arrête pas là.
En effet, le NSDAP n'a toujours pas la majorité, et même au sein du nouveau gouvernement, il n'y a que trois membres du parti nazi : Hitler, Frick et Göring (9 -premier cabinet d'Hitler, avec au premier plan Göring, Hitler et Von Papen). Von Papen s'était simplement servit d'Hitler pour revenir au pouvoir et, éventuellement, chasser les nazis pour redevenir chancelier. Pour éviter une marginalisation de son parti, Hitler dissous le parlement dès le lendemain.
De nouvelles élections sont alors prévues pour mars. Entre temps, la propagande bat son plein, et le 27 février, le Reichstag est ravagé par un incendie (10 et 11). Un jeune communiste, Marinus van der Lubbe, est arrêté et accusé d'avoir allumé l'incendie, il sera jugé (12) et condamné à mort. Hitler se sert de cet incident pour condamner et interdire son vieil ennemi, le KPD.
L'objectif d'Hitler est simple : obtenir une large majorité au parlement pour faire voter la loi d'Habilitation, qui lui donnerait le pouvoir de promulguer n'importe quelles lois sans la faire voter par le Reichstag. Pour faire simple : c'est la loi qui lui donne les pleins pouvoirs légalement.
Les résultats de l'élection du 5 mars (13) donnent le parti Nazi en tête, à 43,9%, mais bien loin derrière de ce qu'espérait Hitler. Au mieux, il avait une petite majorité avec ses alliés du DNVP, mais ce n'était toujours pas suffisant et les nazis étaient toujours bloqués, même s'il fait entrer Goebbels dans son cabinet le 13 mars (14). En parallèle, la propagande nazi continue de montrer Hitler comme un chancelier docile et non violent face au président (15), alors que les deux hommes ne s'apprécient guères.
Un allié inattendu fit alors son apparition : le Zentrum. Ancien parti de Von Papen, c'était le parti Catholique, dirigé par le prêtre Ludwig Kaas (16). Ce dernier engagea des négociations avec Hitler : en échange d'un concordat avec le Vatican, le Zentrum voterait la loi d'Habilitation. Il accepta. La force politique du Zentrum fut suffisante pour atteindre le nombre de votes requis, et ainsi, le 23 mars 1933, après un discours devant le parlement (17), Hitler obtient les pleins pouvoirs.
À partir de ce jour là, l'Allemagne lui est offerte sur un plateau d'argent, et il peut enfin mettre en place sa politique : interdiction des partis d'oppositions, répression des opposants, interdiction des syndicats, destruction des écrits juifs et marxistes, destitution de fonctionnaires et d'universitaires juifs... Pendant ce temps, Ludwig Kaas obtient ce qu'il avait demandé, et le 20 juillet 1933 il part à Rome avec Van Papen pour signer le concordat avec le cardinal Pacelli, futur pape Pie XII (18).
Ainsi, le tout premier acte diplomatique à l'étranger du Troisième Reich fut avec le Vatican, ce qui donna encore plus de légitimité au pouvoir d'Hitler. Cependant, même si le Vatican se montra globalement favorable au Reich, l'Eglise catholique comprit rapidement que le concordat ne serait pas respecté. Le NSDAP préférait effectivement laisser des mouvements tel le Deutsche Christen (« chrétiens allemands »), dirigé par Ludwig Müller (19), s'occuper de la religion en Allemagne.
On entend souvent, à tort, que les gens ont « élu » Hitler, qu'il est arrivé au pouvoir grâce à des élections démocratiques. Mais en réalité, s'il est arrivé au pouvoir, c'est à cause de magouilles politiques, et s'il est devenu dictateur avec les pleins pouvoir, c'est à cause du vote du Parti Catholique Zentrum. Le véritable pouvoir d'Hitler ne commença pas le 30 janvier 1933, mais bel et bien le 23 mars 1933. Voilà ce qui marqua la naissance du Troisième Reich, et ce qui fit passer Hitler de simple opposant politique au tout-puissant Führer (20 -Nuremberg, en septembre 1933).
Il a utilisé toute la perversité des systèmes politiques déjà corrompus à cette époque pour en tirer tous les avantages possibles.
Nos politiques n'ont rien inventé encore une fois.
Super box récapitulative, pos'
Dommage que tu n'évoques pas le rôle des industriels dans la montée de Hitler au pouvoir ainsi que la corruption (qui a touchen même le bon Hindemburg)
Pour en apprendre plus de manière ludique, je conseille la Résistible Ascenscion d'Arthuro Ui, de Brecht, qui décrit à travers le théâtre la montée au pouvoir de Hitler en incluant ces éléments.
@lapinbilly: sur ce thème du soutien des industriels au parti nazi alors en plein ascension, le plus beau film de Visconti à mon goût : les damnés.
Les industriels, les nobles et les grands propriétaires, sans adhérer à l'idéologie nazie, pensait pouvoir utiliser le NSDAP pour empêcher la propagation du communisme mais ils se sont un peu fait niqué par la suite à base de nationalisations et autres.
@lapinbilly: C'est sûr que l'ascension d'Hitler au pouvoir se résume à bien plus que les simples élections de mars 1932 à mars 1933, et y aurait certainement de quoi faire pleins de boxs dessus, mais c'est quasi impossible de tout résumer en une seule box, déjà que celle-là est longue. Là je voulais surtout montrer que les gens n'ont pas élu Hitler comme on l'entend, et qu'il a eut les pleins pouvoir grâce au Zentrum, mais pour le reste ça mérite bien plus qu'une seule box.
En tout cas merci d'apporter la précision, c'est toujours bon à prendre
Super box comme toujours. Mais ça te prend combien de temps pour faire une box comme ça?
@mauricelechat: Merci! Tout dépend du sujet, si c'est quelque chose que je connais bien ou pas, et aussi si je trouve des photos facilement ou non (et en bonne qualité), pour celle-là j'ai mis grosso-merdo une heure et demi, mais à chaque fois que je fais une box je suis distrait par ce que je lis, donc bon. Par contre ça m'est arrivé de passer environ 4h sur une box, le temps de bien me renseigner sur le sujet
Il ne faut pas négliger non plus l'opinion publique. Après la Première Guerre, quand on a mis tout le poids de la guerre sur l'Allemagne l'inflation est devenue dingue là-bas, les gamins jouaient au cerf-volant avec des billets de Deutschemarks et les armées alliées occupaient le territoire. Quand un soldat français ou allié de l'armée d'occupation marchait dans la rue les allemands devaient descendre du trottoir. Un peuple humilié ne demande qu'à s'en sortir et se venger. Arrive un gars qui leur dit qu'il va les sortir de la mouise, construire des autoroutes pour faire baisser le chômage, que chaque famille aura sa propre voiture, que l'armée allemande (qui avait été presque entièrement dissoute) allait renaitre, qu'il récupérerait l'argent donné aux alliés,etc... ben c'est normal que l'opinion lui soit favorable. La France a compris ça en 1945 quand on envoyait les jeunes faire leur service dans l'armée d'occupation, à ce moment là c'était les soldats français qui devaient descendre du trottoir quand passait un citoyen allemand.
@Bruno_Radio: C'est pas faux, mais personnellement je pense que la crise de 1929 a participé bien plus à son ascension que la défaite de 1918. La crise qu'a connu l'Allemagne après la guerre c'était surtout au début des années 1920 (d'où le coup d'Etat raté d'Hitler en 1924), mais après la situation du pays s'est stabilisée et l'économie allait mieux dans les années 1920 (même si c'était loin d'être parfait).
Si on regarde la première élection où participa le parti nazi en 1925, il ne fit que 1,1%. La même année, le parti possédait que 27 000 membres, soit deux fois moins qu'en 1923. Même si le nombre de membre à grossit doucement, il ne fait que 2,6% aux élections de 1928. Hitler n'a connu aucune grosse ascension entre 1924 et 1929, et on peut se dire que s'il n'y avait pas eut la crise de 1929 pour replonger l'Allemagne dans la misère, le NSDAP n'aurait jamais eut autant de popularité auprès du peuple.
@Zedix: Oui exact, j'ai mélangé un peu entre l'humiliation par les vainqueurs de la guerre et le krach de 1929. Enfin pour moi, compte tenu de la situation du pays et de ce que proposait Hitler au peuple, il était évident qu'à l'époque voter pour lui était la chose à faire, même beaucoup de juifs étaient enthousiastes au début. Après, si le peuple allemand avaient su ce que ça allait donner, certainement qu'il en aurait été autrement.
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