La résistance des Texans à Fort Alamo est un événement fondateur du Texas, et plus largement des États-Unis, comme en témoigne la formule prononcée par Sam Houston en 1836 après la victoire décisive des Texans : « Remember the Alamo » faisant des insurgés massacrés de véritables martyrs. En effet, l'héroïsme des défenseurs de l'Alamo et leur refus de se rendre pour faire triompher la révolution texane est vite entré dans la légende. Pour comprendre la portée de cet événement on va s'intéresser aux événements qui ont conduit au massacre de Fort Alamo.
Le Texas : un espace périphérique du Mexique
Le Texas faisait parti du Mexique qui a obtenu son indépendance en 1821 avant de devenir une République fédérale par la Constitution de 1824. Le pays était alors composé de plusieurs États autonomes possédant leur propre gouvernement comme le Texas.
Cependant, le Texas était une région très peu peuplé (5 000 habitants) ce qui conduisit les autorités mexicaines à mener une politique d'immigration pour peupler, coloniser et mettre en valeur cet espace largement délaissé. Pour attirer de nouveaux arrivants des agents d'émigrations (appelés empresarios) se rendirent aux États-Unis et en Europe et l’État accorda de nombreux avantages aux colons (fiscaux, douaniers, titres de propriété et citoyenneté) ; la seule contrepartie étant de devenir catholique, alors religion d’État.
Cette politique fut un succès puisqu'elle attira 30 000 colons (appelés Texians) entre 1821 et 1835 mais elle fut aussi source d’inquiétude puisque la majorité de la population du Texas était d'origine anglo-saxonne. Ces « Anglos » étaient proches des États-Unis, contrôlaient la plupart des terres, pratiquaient l'esclavage (pourtant interdit au Mexique), se livraient à la contrebande et ne payaient pas leurs impôts ce qui traduisait des volontés d'autonomie. La situation était inacceptable pour le Mexique qui mit un terme aux avantages des colons et limita l'immigration en 1830 ce qui contribua à augmenter les tensions. En avril 1833, Antonio Lopez de Santa Anna, réputé libéral, fut élu président du Mexique ce qui conforta les indépendantistes. Finalement, Santa Anna prit les pleins-pouvoirs en 1834 et mena une politique de centralisation brutale, n'hésitant pas à massacrer les rebelles du Zacatecas opposés à la centralisation. L'année suivante, Santa Anna tenta d'imposer son programme aux Texans qui répondirent par un appel aux armes le 21 septembre 1835.
Les Texians s'emparèrent des points clés du Texas entre octobre et décembre 1835, notamment San Antonio de Béxar le 10 décembre 1835, qui était alors la ville la plus importante de la province. Celle-ci était protégée par le Fort Alamo qui fut lui aussi occupé par les Texians. Armé de 18 canons, l'Alamo était le fort le mieux protégé de la région et était capable de ralentir, voire stopper, une armée ennemie.
La crise politique et militaire texane
En janvier, Santa Anna rassembla une armée de 6 000 hommes destinée à faire plier le Texas. Au même moment, le Texas sombrait dans l'anarchie politique. Face aux rivalités politique, le gouverneur du Texas, Henry Smith dissout le Conseil qui répliqua par une procédure d'impeachment (censure de l'exécutif) ce qui paralysa totalement la révolution.
Outre les problèmes politiques s'ajoutent des problèmes militaires car Sam Houston, à la tête de l'armée texane, n'était pas reconnu par tous et l'armée finit par se disperser. La situation était alors catastrophique pour le Texas alors que Santa Anna était prêt à attaquer. Pour trouver une solution aux problèmes politiques, le Conseil a décidé d'organiser une Convention à Washington-on-the-Brazos pour le 1er mars 1836, chargée de statuer sur l'indépendance. Pour le moment, la rébellion n'a plus de gouvernement et plus d'armée...
Malgré la situation politique, Jim Bowie et le lieutenant colonel William Barret Travis, qui assuraient la défense de fort Alamo avec 150 volontaires, étaient prêts à défendre le fort coûte que coûte. De plus, l'arrivée de David Crockett le 8 février 1836 releva le moral des troupes.
Finalement, Santa Anna traversa le Rio Grande le 16 février 1836 et se rapprocha de Fort Alamo dont il débuta le siège le 23 février après avoir hissé le drapeau rouge à Béxar, signifiant qu'il n'y aurait pas de quartier. Bowie tenta de négocier avec les Mexicains mais ceux-ci refusèrent toutes les propositions ce qui amena Travis à appeler des renforts. Après plusieurs jours d'hésitations, le colonel Fannin commandant de Goliad décida de partir à l'aide de l'Alamo le 26 janvier avant de rebrousser chemin le 27 février. Finalement, 32 hommes arrivèrent en renfort le 1er mars date à laquelle se tenait la convention de Washington-on-the-Brazos durant laquelle les membres du Conseil proclamèrent l'indépendance du Texas et créèrent la République le 2 mars sans se soucier du siège de l'Alamo. Sam Houston attendait la confirmation de son grade qu'il obtint le 4 mars 1836 et ne prêta pas attention aux demandes de renfort de Travis et croyait même impossible que les Mexicains aient traversés le Rio Grande... Le 5 mars, Travis, voyant le nombre de troupes mexicaine toujours plus important au dehors et sentant l'assaut imminent suite à de multiples attaques mexicaines, laissa le choix à ses hommes de partir ou de résister en traçant une ligne au sol : selon la légende un seul homme refusa, il s'agit d'un certain Louis Rose vétéran de la Grande Armée de Napoléon.
Le 6 mars eut lieu l'assaut final qui dura une heure lors duquel 1 500 Mexicains partirent à l'assaut du fort sous le feu des canons et des fusils des défenseurs. Face à la résistance des Texians, Santa Anna engagea sa réserve et les Mexicains parvinrent à percer les défenses texiannes avant de massacrer les combattants isolés et les derniers texians qui résistaient dans la chapelle d'Alamo. Cinq ou six prisonniers furent amenés à Santa Anna, lesquels furent exécutés sous ses yeux. Le 11 mars, Houston apprit la chute de l'Alamo et battit en retraite. Le bilan de la bataille est lourd pour les Mexicains qui ont perdu 500 hommes sur les 2 000 hommes engagés alors que les Texians ont perdu 189 hommes et sont parvenus à tenir en échec l'armée mexicaine.
La postérité de l'événement
La résistance de l'Alamo a permis aux Texians de se réorganiser politiquement et militairement. Malgré la défaite de Fannin à Coleto Creek, le 20 mars 1836, la défense héroïque des Texians à Alamo a permis à Sam Houston d'asséner le coup de grâce à l'armée mexicaine lors de la bataille de San Jacinto le 21 avril 1836 qui aboutit le 14 mai 1836 aux traités de Velasco par lesquels le Mexique mit fin aux hostilités et reconnut le Texas comme État souverain. La République du Texas intègra alors le concert des Nations et resta indépendante jusqu'en 1845 date de son annexion et de son intégration aux États-Unis.
La phrase de Sam Houston suite à sa victoire à San Jacinto donna naissance à la légende des martyrs d'Alamo qui incarnaient les valeurs texanes et plus largement américaines de courage, de résistance et de lutte pour la liberté. Fort Alamo constitue la naissance de la nation texane et marque les débuts de l'expansion américaine. Fort Alamo est donc un symbole fort pour les Américains, encore aujourd'hui.
Conclusion :
Les défenseurs de l'Alamo ont été massacrés du fait de la paralysie politique et militaire de la rébellion mais aussi de l'attentisme de certains dirigeants comme Sam Houston qui tentera de se justifier dans ses mémoires. Ainsi, les « Pères fondateurs du Texas » ont leur part de responsabilité dans le massacre d'Alamo. Ce qu'on retient surtout, c'est le dévouement des défenseurs de l'Alamo et la mémoire attachée à cet événement.
Bibliographie :
AMEUR Farid, « « Rememeber the ALAMO » », in L'Histoire, n°394, décembre 2013.
WEIL François, « La ballade de David Crockett », in L'Histoire, n° 325, novembre 2007.
1-Carte du Texas en 1836.
2-Antonio Lopez de Santa Anna président puis dictateur du Mexique surnommé « Napoléon de l'Ouest ».
3-Samuel Houston, chef des armées texanes, vainqueur de San Jacinto, puis président de la République du Texas entre 1836 et 1838 et de 1841 à 1844.
4-Davy Crockett. Homme de la frontière dans les années 1810, il débute une carrière politique et est même élu à la Chambre des Représentants à Washington. Battu en 1835, il se tourne vers le Texas et soutient la cause texane. On oublie souvent l'homme politique en faveur du personnage populaire à la légendaire toque.
5-Plan du fort Alamo.
6-Gravure américaine de la prise d'Alamo (XIXème siècle).
7-Peinture de Julian Onderdonk : The Fall of Alamo (1901). Ce tableau nous offre une vue romantique et héroïque de la mort de Davy Crockett devant la chapelle d'Alamo coiffé de sa toque et brandissant son fusil. Dans les années 1970, les historiens ont revu la version de sa mort à partir de sources mexicaines : celui-ci aurait été fait prisonnier puis exécuté. Cette version a provoqué de vives réactions considérées comme anti-américaines au moment de la guerre du Vietnam.
8-Affiche du film Alamo (1960) réalisé par John Wayne. Ce film présente les Texans comme de véritables héros américains tout comme Davy Crockett.
9-La Chapelle d'Alamo où sont morts les derniers survivants.
10-Mémorial d'Alamo (Alamo Cenotaph) érigé à l'occasion du centenaire d'Alamo en 1936. Le cénotaphe dresse la liste de tous les morts d'Alamo. Ce monument témoigne des enjeux mémoriaux qui entourent cet événement.
