J'ai pas l'article en entier mais pour la première phrase, Facebook ne dominait pas internet il y a 20 ans, il a commencé à s'imposer en France en 2009 grâce aux Pages que tous les médias ont promu comme des cons et c'est seulement quand le smartphone a bouffé le desktop (peut-être 2010, 3 ans après le premier iphone) qu'il avait vraiment tout.
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SOLÈNE REVENEY POUR « LE MONDE »
Pour les réseaux sociaux, la fin d’un règne ?
Par Morgane Tual
Par Morgane Tual
Par Morgane Tual
Hier à 05h00
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ANALYSE Après vingt ans de domination des grands réseaux sociaux, nos usages du Web ont changé. Les internautes se réfugient dans des cocons privés, reléguant les grandes plateformes à des lieux de divertissement plus que de conversation, où peine à subsister une culture commune.
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Non, les réseaux sociaux ne sont pas morts. Plus de deux milliards de personnes se connectent chaque jour sur Facebook, un milliard chaque mois sur TikTok, et, malgré les scandales à répétition, 250 millions chaque jour sur X. Mais leur usage a changé, au point d’inaugurer ce qui commence à ressembler à une nouvelle ère du Web.
Nous nous rendons tous les jours, en masse, sur les réseaux sociaux. Mais nous y publions de moins en moins. Adam Mosseri, le patron d’Instagram, le reconnaissait lui-même l’an dernier dans un podcast : « Vous ne partagez plus beaucoup de moments personnels dans le feed, comme vous le faisiez il y a cinq ou dix ans. Vous les partagez davantage dans les “stories”, ou en messages privés. » Il expliquait notamment que les adolescents passaient l’essentiel de leur temps dans la messagerie privée de l’application, et non plus dans ses espaces publics.
Un renversement de paradigme. L’arrivée de Facebook, en 2004, avait représenté un big bang, transformant nos habitudes en ligne et consacrant l’ère des réseaux sociaux. Une ère où tout un chacun, sans connaissance technique aucune, pouvait d’un clic publier un texte, une photo, une vidéo, à destination de ses amis. Une ère dans laquelle nous étions enclins à nous livrer, encouragés par la course aux likes, et où la définition d’« amis » s’est étendue au point de ne plus avoir besoin de les connaître. Sur Twitter, ils sont devenus des « abonnés », ont pu partager et repartager nos contenus à un public inconnu, mais toujours plus important. Une ère du buzz dans laquelle s’est ensuite engouffrée la génération selfie, sur Instagram. Se montrer, en photo ou en vidéo, est devenu une nouvelle forme de langage ; collectionner les abonnés, les commentaires, les émojis de réaction, un sacerdoce.
« Maintenant, je ne publie plus »
Mais la frénésie s’essouffle. « Avant, je racontais toute ma vie sur Internet », raconte Sarah, 36 ans, commerciale dans le Rhône. « Je partageais beaucoup de photos en public sur Facebook. J’écrivais “la flemme d’aller en cours”, “je vais me prendre un café”… Ça a beaucoup changé. Maintenant, je ne publie plus, je n’utilise plus mon vrai nom, on ne peut pas me reconnaître sur ma photo de profil. Avec le temps, je me suis rendu compte que publier pouvait avoir des répercussions sur ma vie professionnelle, que les réseaux sociaux pouvaient être utilisés pour harceler, ou pouvaient exploiter nos données de façon malsaine. »
Rayan Hermassi ne fait pas partie de la même génération. Mais à 19 ans, il a fait le choix de désinstaller tous les réseaux sociaux de son téléphone, à l’exception de Snapchat. « En préparant le bac, je procrastinais trop. Je rentrais chez moi, j’avais des choses à faire, j’allais sur TikTok, et à une heure du matin je me rendais compte que je n’avais rien fait. » S’il a conservé Snapchat, c’est principalement pour sa messagerie, lieu d’échange privilégié, et privé, avec ses amis. Comme la plupart d’entre eux, jamais il ne poste en public. « Je ne vois pas l’intérêt, je ne veux pas publier du contenu que n’importe qui puisse voir. »
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Les internautes ne s’exposent plus comme avant. Pour s’exprimer, ils se retranchent dans des espaces plus protecteurs. A commencer par les messageries privées, dont la fréquentation ne cesse d’augmenter. WhatsApp, propriété de Meta, compte plus de deux milliards d’utilisateurs actifs mensuels et ne cesse de progresser. Le patron du groupe, Mark Zuckerberg, a annoncé en juillet que l’application avait même fini par conquérir le marché américain, qui la boudait jusqu’ici, en passant la barre des 100 millions d’utilisateurs actifs mensuels. « C’est personnellement très gratifiant de voir toutes ces personnes autour de nous commencer à utiliser WhatsApp », avait-il déclaré. Pour lui, cette application serait même « le réseau social privé du futur, si on recommençait tout à zéro », avait-il expliqué au New York Times quelques mois plus tôt.
SOLÈNE REVENEY POUR « LE MONDE »
Ce succès des messageries privées serait le résultat « d’une éducation collective aux dangers de la publication ultravisible », analyse Marc Jahjah, maître de conférences en sciences de la communication, études médiatiques et cultures numériques à Nantes Université. « Sur WhatsApp, les individus vont transformer un espace standardisé, industrialisé, en espace à soi, où ils vont pouvoir construire des liens intimes, développer un sentiment d’identité collective. » Le tout dans une relative sécurité.
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Car pour le chercheur, l’utopie de liberté et d’ouverture au monde associée aux débuts du Web s’est ternie à mesure qu’il se centralisait aux mains de grands groupes et de certains acteurs marqués politiquement, comme Elon Musk, patron de X. « Certaines communautés, comme les LGBTQ+, font l’objet d’attaques constantes. Cela les amène progressivement à se replier sur WhatsApp, Messenger, Telegram, où les internautes vont prendre soin les uns des autres, venir se replier avant d’envisager, peut-être, une nouvelle visibilité plus stratégique », décrit M. Jahjah.
La forêt sombre d’Internet
Les messageries privées ne sont pas les seules concernées. Les internautes se rabattent aussi sur des espaces de discussion par affinités : groupes Facebook, serveurs Discord, boucles Telegram, Subreddits. Le grand retour des communautés de niche, qui se manifeste aussi dans le succès d’applications comme Ravelry (pour les passionnés de tricot), Letterboxd (de cinéma) ou Goodreads (de littérature).
Signe des temps, Mozilla a annoncé en mars le lancement d’une application consacrée aux hobbies, Didthis, issue d’une réflexion portant sur « les alternatives saines aux réseaux sociaux d’aujourd’hui », peut-on lire sur le site de la fondation. « Didthis n’est pas vraiment un réseau social », précise-t-elle, preuve que ce mot-clé, auparavant cuisiné à toutes les sauces, fait désormais office d’épouvantail. « Tout ce que vous publiez sur Didthis est privé par défaut (…). Si les gens apprécient Didthis, nous ajouterons des fonctionnalités sociales et communautaires avec le temps, mais nous placerons toujours les interactions saines avant la viralité. »
Ces espaces restreints constituent ce que l’essayiste américain Venkatesh Rao a nommé, en 2019, le « cozyweb ». S’opposant au Web public, il serait une sorte de « Web pyjama », privé mais pas glauque (contrairement à certains espaces du dark Web). Un espace douillet, où les internautes « se retirent de la vue et de l’activité publique pour différentes raisons, allant de la simple préférence pour les espaces privés et les petites communautés à la peur et aux syndromes post-traumatiques ».
La peur habite aussi la « théorie de la forêt sombre d’Internet », développée par Yancey Strickler, cofondateur du site de financement participatif Kickstarter. Dans la trilogie de romans de science-fiction Le Problème à trois corps (publiée de 2006 à 2010), signée Liu Cixin, la théorie de la forêt sombre postule que des civilisations extraterrestres existeraient, mais se cacheraient pour éviter d’être détectées par les autres, considérées d’office comme une menace… Ce qui expliquerait le silence de l’Univers. Idem pour la forêt nocturne, muette bien que pleine de vie : pour éviter les prédateurs, les animaux se terrent.
« C’est ce qu’Internet est en train de devenir : une forêt sombre », écrivait, dès 2019, Yancey Strickler. En réaction aux publicités, au pistage, au trolling, au matraquage et autres comportements de prédateurs, nous nous retirons dans nos forêts sombres d’Internet, loin des espaces grand public. » L’entrepreneur estime que ces lieux permettent « des conversations plus détendues, car elles se déroulent dans des espaces non indexés, non optimisés, non gamifiés ».
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