Michael Malloy : le clochard irlandais qui ne voulait pas mourir

Aujourd’hui, direction l’incroyable histoire du Clochard Immortel. Pour la faire courte, c’est comme Les Clochards Célestes de Kerouac sauf que ça n’a aucun rapport et qu’aucun enculé de hippie ne pensera avoir compris le sens de la vie après m’avoir lu.

Plus sérieusement, c'est l'histoire d'un clodo qui a survécu à un nombre hallucinant de tentatives d'assassinats, toutes plus farfelues les unes que les autres.

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New York, 1932.

Tony Marino est l’heureux propriétaire du Marino’s, un speakeasy situé quelque part dans le Bronx. Là, si tu n’es pas un jeune branché parisien, tu te demandes peut-être ce qu’est un speakeasy. C’est simple, c’est un bar qui vendait clandestinement de l’alcool pendant la Prohibition, encore en vigueur aux États-Unis à la date où se passe notre histoire. Les clients étaient sommés de passer leurs commandes à voix basse, d’où le nom de “speakeasy”. Aujourd’hui c’est juste le nom qu'on donne à un bar caché que tout le monde connait, où de jeunes cadres dynamiques cherchent désespérément à se sentir vivants en s’offrant des cocktails surfaits à 15€. Bref, revenons à nos moutons.

Par un bel après-midi de juillet 1932, Tony Marino descend quelques godets dans son bar avec ses potes Daniel Kriesberg et Francis Pasqua. Et comme tout le monde le sait, quand tu t’appelles Pasqua t’as quand même une chance sur deux d’être un bel enculé. Marino confie à ses amis qu’un de ses clients lui pose un sacré problème : le dénommé Michael Malloy. Un sans-abri irlandais, ancien pompier, qui avait pris la bonne habitude de boire au Marino’s et la mauvaise de ne jamais régler ses notes. Sauf que les affaires ne se portent pas très bien pour Tony Marino. À vrai dire, il n’est pas loin de mettre la clé sous la porte. Il a donc une idée de génie : assassiner Michael Malloy pour réclamer son assurance-vie.

Marino et ses deux comparses échafaudent un plan sans faille : faire boire Michael Malloy jusqu’à ce que mort s’ensuive. Après tout, le pauvre bougre est déjà bourré tous les jours de la semaine, et à cette époque de sauvages personne ne s’étonnait de voir un clodo mourir d’un coma éthylique. Sans compter que Malloy n’a ni famille ni amis, ce qui est quand même rudement commode quand tu veux assassiner quelqu’un.

De plus, Marino n’en est pas à son coup d’essai. L’année précédente, il avait convaincu une autre SDF, Mabelle Carson, de l’enregistrer comme bénéficiaire officiel de son assurance-vie. Après l’avoir saoulée contre son gré, il l’avait faite dormir nue dans un lit aspergé d’eau gelée sous une fenêtre ouverte en plein hiver. Les médecins ont conclu à une pneumonie, et Marino a tranquillement empoché 2.000$ aux frais de la princesse.

Je vous passe les détails administratifs, mais Francis Pasqua soudoie un assureur véreux et se fait enregistrer comme bénéficiaire de Michael Malloy sur trois contrats d’assurances différents, pour un montant total de 3.500$. Soit environ 45.000€. Le barman du Marino’s, Joseph Murphy, prend lui aussi part à l’arnaque. Il se fait passer pour le frère de Malloy, et doit donc reconnaître le corps en cas de décès accidentel.

Le plan est parfait, et les quatre malfrats se promettent de partager le pactole après le meurtre. Les choses sérieuses peuvent commencer.

Un soir où ce saoulard de Michael Malloy est accoudé au comptoir, Tony Marino lui annonce qu’il peut désormais boire à l’oeil autant qu’il le veut. Dire ça à un clodo irlandais, c’est un peu comme annoncer à Frédéric Mitterrand que le viol sur mineur est dépénalisé. C’est trop beau pour être vrai, mais dans le doute tu t’enfiles un max de petits Grégory avant que la fête ne soit finie.

Michael Malloy boit comme un trou. Un verre, deux verres, trois verres et puis il passe directement aux bouteilles. Il n’est pas loin de la mort avec des étoiles plein les yeux, comme un Palestinien de la Bande de Gaza qui pense à Jérusalem. Complètement saoul, il remercie ses hôtes en leur promettant de revenir au plus tôt.

Il revient au Marino’s dès le lendemain. ”Hé ben c’est qu’j’ai une p’tite soif moi !”déclare-t-il en passant le pas de porte, plus en forme que jamais. Le spectacle reprend de plus belle, et il en va de même pour les deux jours suivants.

Au bout du quatrième jour, Tony Marino commence à s’impatienter comme Laeticia Hallyday après 20 ans de mariage avec Johnny. Il propose que quelqu’un abatte Malloy d’une balle dans la tête, mais son barman a une meilleure idée. L’alcool de bois, aussi appelé méthanol. Pour vous faire une idée de la violence du bordel, un breuvage avec seulement 4% de méthanol suffit à rendre un homme adulte complètement aveugle. Aux États-Unis en 1929, pénurie d’alcool légal oblige, plus de 50.000 personnes sont décédées après avoir bu du méthanol.

Le barman offre donc des shots de whisky à Malloy, qui sont en réalité remplis de méthanol pur. 100% alcool de bois, de quoi tuer Depardieu juste à l’odeur. En bon clochard, Malloy n’y voit que du feu et s’enfile les shots avec joie. Plusieurs par soir, plusieurs soirs d’affilée.

Un soir, alors qu’il a bu trop de méthanol (lol), Malloy s’effondre sur le sol, inconscient. Tony Marino et ses potes commencent à sourire, mais cette carne de clochard se met à ronfler. Il se réveille 4 heures plus tard et demande un petit verre pour se remettre d’aplomb.

Tony Marino et ses amis sont fous de rage. Ils décident de passer à la vitesse supérieure et commencent à servir à Malloy tout ce qui leur passe sous la main. De l’antigel d’abord, puis de l’essence de térébenthine - un truc qui a quand même été utilisé comme du carburant pour fusées -, des huiles liquides pour entretenir le poil des chevaux et même de la mort aux rats. De la putain de mort aux rats.

Mais rien n’y fait, Michael Malloy est tout bonnement increvable.

Dépité mais pas résigné, Francis Pasqua décide de faire dans la nouveauté. Il fait tremper des huîtres plusieurs jours dans du méthanol pur avant de les offrir à sa cible. En fin gourmet, Malloy n’en laisse pas une miette. Il quitte le bar, et tout le monde est persuadé qu’il va se laisser mourir quelque part pendant la nuit. Tu parles, impossible de s’en débarrasser ! Aussi tenace qu’un Balkany à la mairie de Levallois-Perret !

Quitte à faire dans le farfelu, Pasqua prépare des sandwichs avec des sardines qu’il a laissé pourrir pendant plusieurs jours, et il y ajoute des morceaux de métal tranchants comme des lames de rasoir. Comme ça, juste pour le beau jeu. Malloy savoure chaque bouchée, ne se préoccupant pas plus que ça des shrapnels dans son BLT. Après tout c’était un clodo alcoolique, donc il n’avait probablement plus de dents.

Marino prend la relève et décide de tuer Malloy de la même façon qu’il avait assassiné la pauvre Mabelle Carson. Il fait boire l’Irlandais jusqu’à ce qu’il tombe inconscient, le jette à l’arrière de sa bagnole et conduit jusqu’au parc public le plus proche. Il déshabille Malloy, l’allonge sur un banc recouvert de neige et l’asperge d’eau froide. Évidemment, Malloy ne se réveille pas une seule fois.

Le lendemain, Tony Marino part ouvrir son bar le sourire aux lèvres, fier du travail bien accompli. Sauf que pas de bol, Michael Malloy est déjà assis au comptoir, grelottant et se plaignant d’avoir attrapé “un petit coup de froid”.

Les quatre malfrats sont désespérés. Voilà plus de 6 mois qu’ils essaient d’assassiner un putain de clodo plusieurs soirs par semaine, et rien n’y fait ! Un autre client qui a eu vent de leurs exactions se propose d’offrir ses services. Le plan est simple, mais efficace. Il est conducteur de taxi, et il propose d’écraser Malloy avec sa bagnole.

**Suite en commentaire, limite de caractères. Ci-dessous les photos de Tony Marino à gauche, et Francis Pasqua à droite.
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Michael Malloy : le clochard irlandais qui ne voulait pas mourir
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anonyme
anonyme
5 ans

Maintenant cinq au total, les meurtriers font boire Malloy jusqu’à ce qu’il s’effondre une fois de plus à même le sol de la taverne. Ils le traînent ensuite dans la rue, et le relèvent tant bien que mal au milieu de la route histoire de faire croire à un vrai accident. Par deux fois, Malloy parvient à esquiver la voiture. À la troisième reprise, ils parviennent finalement à la percuter à 70km/h. Ils font marche arrière et roulent dessus une seconde fois, juste pour avoir la conscience tranquille. Malheureusement, ils n’ont pas le temps de vérifier si Malloy est bien mort qu’une autre voiture déboule au coin de la rue. Les cinq meurtriers s’enfuient sans demander leur reste.

Pendant trois jours, le barman Joseph Murphy - qui s’était fait passer pour le frère de Malloy - fait le tour de tous les hôpitaux et morgues de New York. Le clochard est tout simplement introuvable.

Le cinquième jour, Michael Malloy débarque au Marino’s couvert de bandages. Il se pose tranquillement au comptoir et raconte à qui veut l’entendre qu’il s’est fait écraser par une voiture, mais qu’il était si bourré qu’il se rappelle seulement de la lumière aveuglante des phares.

En février 1933, Tony Marino et son gang parviennent enfin à assassiner Michael Malloy. Alors qu’il s’évanouit après avoir encore bu plus que de raison, il lui font respirer les relents d’une lampe à gaz pendant plus d’une heure grâce à un tube en caoutchouc et une serviette nouée autour de son visage. Un médecin peu scrupuleux fournit un acte de décès falsifié où il conclut à une pneumonie.

Michael Malloy est enterré, et les cinq comparses touchent un premier chèque de 800$. Mais quelques-uns des meurtriers sont parfois trop bourrés, trop cons et trop fiers. Ils se risquent à raconter leur aventure à des oreilles indiscrètes, ce qui finit inévitablement par remonter à celles de la police. Les flics font déterrer et examiner le corps, pour finalement conclure au meurtre de Malloy.

Le gang ne tarde pas à confesser toutes leurs tentatives d’assassinats. Sous la pression - et sûrement un peu la torture aussi parce qu'aux États-Unis on sait s'amuser - Tony Marino avoue également le meurtre de Mabelle Carson. Le chauffeur de taxi est envoyé en prison, et les quatre autres meurtriers directement à la chaise électrique à l’été 1934, sur laquelle ils moururent tous du premier coup.

TL;DR : C’est l’histoire d’une bande de meurtriers qui a eu la mauvaise idée de vouloir assassiner un clodo irlandais avec de l’alcool.


Source et largement inspiré de : https://www.smithsonianmag.com/history/the-man-who-wouldnt-die-89417903/

Mezut
Mezut
5 ans

Pour avoir déjà croisé un certain Irlandais et sa descente, je confirme que c'était effectivement pas l'idée du siècle...

Sinon "mais dans le doute tu t’enfiles un max de petits Grégory avant que la fête ne soit finie" ... Priceless

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ilie
ilie
5 ans

@Mezut: pareil j'ai bien ris bordel

anonyme
anonyme
5 ans

@Mezut: J'admets que celle-ci j'en suis pas peu fier ahah

Jeffiejef
Jeffiejef
5 ans

Putain ! Génial ! C’est le scenario d’un film !!
Continue tu me régales !!

bobbylamousse

"Dequoi tuer Depardieu juste à l’odeur"

-> Le méthanol est inodore


Yes I'm fun at parties

anonyme
anonyme
5 ans

@bobbylamousse:

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bobbylamousse

@Sebordel: en vrai de vrai ce qui est amusant c'est que à très forte concentration il semblerait que le méthanol ait une odeur mais que tel les pillards dans Ken le Survivant, si tu réussis à la percevoir c'est que tu es déjà mort vu la toxicité du bouzin.

EstrangedBS

Y'a pas de photos de ce bon vieux Malloy ? J'aurais bien aimé voir sa tête de poivrot.

anonyme
anonyme
5 ans

@EstrangedBS: La seule photo de lui que j'ai trouvé a été prise après qu'il a été exhumé pour la seconde autopsie. J'ai préféré illustrer avec un truc plus soft... Du coup, NSFW :

https://allthatsinteresting.com/wordpress/wp-content/uploads/2018/04/mike-malloy-body.jpg

NSFW
EstrangedBS

@Sebordel: Ah dommage du coup mais merci bien, il avait pas trop l'air d'avoir une tête d'alcoolo comme on pourrait se l'imaginer

anonyme
anonyme
5 ans

@EstrangedBS: J'avoue ça manque de barbe hirsute

Tinanard
Tinanard
5 ans

Et moi qui me plaignait de m'être fait tabassé, volé et attaqué par un chien quand j'étais encore clodo. Ça c'est du vrai clochard, les négros ! Le gars il savait même plus comment il s'appelait, prenez-en de la graine !

Willy_Wanka

@Tinanard: Mais qu'est-ce qu'un chien a bien pu te voler?

Tinanard
Tinanard
5 ans

@Willy_Wanka: Ma dignité

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Unautrecon

Histoire tellement cool ! et bien racontée ! tu gères !

TTPS
TTPS
5 ans

Excellent ! Merci.

Nebro
Nebro
5 ans

Très bon. Bravo !

proutman
proutman
5 ans

Super récit. Me suis bien marré

Todd
Todd
5 ans

De la boule tes anocdotes

GIF
GIF
onix56
onix56
5 ans

Super histoire et super bien raconté !!
Merci mec ????

biscotte80

archiméde le clochard lol.

MoarandMoar

Intéressant et surtout bien racontée :)

Godela
Godela
5 ans

"Et comme tout le monde le sait, quand tu t’appelles Pasqua t’as quand même une chance sur deux d’être un bel enculé."
Sérieux les références, j'adore, très bon à lire.

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