Le Jeune Marx : la tourette, sous-titrage et anti-gauchisme

Hier soir de l'avant-première du "Jeune Karl Marx". A la base je pensais que ça serait quelque chose de convenu, en grande pompe avec France Culture et des petits fours, mais finalement trois personnes en ont décidé autrement, et ont illuminé la soirée.


Déjà, il y a la vieille folle qui riait à tout va au fond de la salle. Elle le faisait sans vraiment de raison, et répondait parfois aux personnages du film ("ET TOC CA T'APPRENDRA KARL"). C'était amusant au début, puis ça a vite perdu de son charme, j'ai l'habitude en allant à des evenements de ce type de voir des gens qui se sont cogné la tête un peu trop fort.


Ensuite, ce fut le tour du putain de sous-titreur. Arrivé à 1h15 de film, les sous-titres commencent à s'emballer et on ne comprend plus rien. Seulement voilà : le problème c'est que le film était en français, en anglais, mais aussi... en allemand. On se retrouve donc à devoir comprendre des passages entiers ponctués de "ja" et de "frauler" et autres niaiseries germaniques. Ce problème aurait pu constituer un souci en soit, mais s'y est rajouté la ferveur populaire (c'est l'avant premiere du jeune KARL MARX nom de zeus) : les gens criaient, frappaient dans leur mains, se levaient pour demander les sous-titres, chantaient... C'est devenu une foire complète pendant dix minutes. Les sous-titres sont finalement revenus, mettant un terme à cet épisode, mais c'était vraiment prenant, je me suis bien marré.


Enfin, notre dernier personnage : anti-gauchiasse. Alors que le film venait de finir et que les questions France Culture avec le réal commençaient, on entend au milieu de la salle "CONNARD D'INTELLO GAUCHO". Tout le monde regarde, dans l'incompréhension, et on se rend compte qu'un type s'est levé, balaie la salle du regard, l'air haineux. Il reprend sa diatribe :

"CONNARDS DE CLASSE MOYENNE, VOUS ME FAITES GERBER, ENCULES DE MARXISTES QUI EN FAITES BOUFFER AU PEUPLE. VOUS VENEZ LE WEEK-END VOIR UN FILM MARXISTE PUIS VOUS ETRE BIEN CONTENT D'ETRE A L'ABRIS DU BESOIN! VOUS ME DEGOUTEZ, BANDE DE TRUIES GAUCHISTES, DE PORCS. ON VOUS EGORGERA, VOUS AIMEZ LA POLICE MAIS ELLE NE VOUS PROTEGERA PAS TOUJOURS."

Alors qu'il proférait ce beau discours, des gens se foutent de lui, le provoquent, l'incitent à sortir, et il finit par sortir, après avoir agité ses petits poings dans l'air et que le réalisateur soit venu pour le calmer (un brave type au passage, Raoul Peck, il a fait l'excellent "I'm not your negro" récemment). Les questions ont repris, et finalement me suis barré après deux questions un peu trop typées ("Comment faire à notre échelle pour changer les choses?" "Que pensez vous de notre époque?")

Concernant le film il est vraiment bien réalisé, les acteurs gèrent bien, mais ça laisse trop peu de place aux anars (ils prennent la période Proudhon vs Marx pour le film alors que bon, Proudhon se met tout seul en pls dans ses textes, Marxouille était tranquille, et ils font apparaître Bakounine en guest sans jamais lui laisser de place) ou aux femmes (les personnages féminins sont fades...).
Marx est vu de manière naïve, sans beaucoup de recul. Ça fait tout drôle de voir un bourgeois comme Engels dire a un moment "Mort aux bourgeois" sans que le film ne fasse le lien. Beaucoup d'excellents films mettent en scène des héros controversés et savent prendre du recul, mais là c'était pas maîtrisé. Après ça permet de mieux comprendre la vie de Marx et Engels (que je connaissais pas), et peut-être qu'idéaliser Marxou est nécessaire pour ensuite pouvoir l'analyser de manière critique.

TLDR : L'avant-première France Culture du Jeune Karl Marx a été une belle foire.