J'ai eu un cancer

J'ai eu un cancer, j'avais 41 ans.

Et j'ai avant le diagnostic, pendant un an, erré de médecin en médecin, pour finir aux urgences 5 fois la même semaine sans être pris au sérieux, j'avais tellement mal que j'en hurlais ... (Un hopital de l'Aube)
A devoir attendre mon tour avec devant moi A CHAQUE FOIS de la bobologie ou des gens qui avaient pas de médecin traitant, qui venaient chercher leur arrêt maladie, des femmes enceintes parce que "bébé bouge", j'ai aussi entendu un mec d'à peu près 40 ans dire qu'il était né le "dix-huit, zéro-trois, mille neuf centre trente-six" à la secrétaire pour l'enregistrement (des manouches en goguette qui en était à leur troisième hopital)... tout ce beau mondre rentre à deux.
Moi j'ai demandé à ma femme de m'accompagner ils ont dit non juste le patient, quand ma compagne a demandé pourquoi les cas soc' ou escroc d'avant rentraient avec toute la smalla, réponse: adressez vous à la direction.

Par ailleurs, des analyses ont été faite lors de TOUS mes passages, mais bon, ils les ont égaré. Formidable. J'ai dû tout recommencer par la suite.

Heureusement que le vendredi de cette semaine-là, je suis tombé sur un médecin super sympa, qui m'a posé tout un tas de question (le premier ne m'a même pas ausculté, il m'a dit de prendre un doliprane et de rentrer me reposer; la troisième fois c'était une nuit, je hurlais tant j'avais mal, on m'a dit de la fermer parce qu'on entend que moi) et qui a de suite demandé des clichés radio - scanner, analyses etc etc ... Je passe mes radios le matin même, le scanner un peu plus tard.

Et j'ai dû revenir passer le scanner, parce qu'on m'a appellé pour me dire "qu'il y a un problème", et cette fois il va falloir le faire avec produit de contraste.
Je reviens, passe l'examen, et quand ce dernier fût fini, je me suis à nouveau retrouvé dans cette pièce d'un peu plus d'un mètre carré encore éclairée au néon, pour se déshabiller-rhabiller, laisser ses effets personnels...
Je vérifie mon téléphone si y'avait pas un collègue qui m'a appelé, j'étais en boxer - t shirt -chaussettes, quand la porte s'ouvre brusquement, et on me tend un grand dossier.
Je comprends qu'ils s'agit de la lecture du scanner mais je m'attendais pas à ce que ça aille aussi vite.
Et je commence à comprendre que quelque chose ne va pas, je le lis dans le regard de l'infirmière.
La procédure veut que normalement ce soit le médecin qui recoive les résultats (celui qui m'a pris en charge avec radios etc )mais ce dernier ne consultait plus avant une quinzaine, et pas de garde non plus donc ... pour pas perdre de temps ils ont préféré me les donner direct.

L'infirmière est fébrile, elle me dit que j'ai quelque chose dans la poitrine mais qu'elle en sait pas plus, qu'il va falloir que je prenne soin de moi.
Je suis en train de me dire que je tombe encore sur une new age qui prône des âneries histoire de se la donner...
Je lui dit merci mais que je dois y aller.

Elle ferme la porte.
Je suis seul devant ces documents et parmi eux ce qui semble être la lecture d'un diagnostic par le radiologue.
Je me dis que je vais le lire puisque maintenant ils me l'ont collé entre les mains!!

A la page deux du rapport je lis "masse compacte et dense aux contours réguliers située dans le médiastin supérieur" (on a fini par savoir que c'était collé sur l'aorte et la veine cave ...)
Je me dis "un kyste, bon c'est rien, c'est fréquent et parfois ça se soigne sans chirurgie"

Et, puis je poursuis la lecture, et plus loin je lis "diagnostic: adénocarnicome d'origine inconnue Stade 2"

J'ai froid et en même temps les tempes qui surchauffent.
Je sais que c'est parmi les moins sympas.
Et j'ai appris ça comme ça, en slip chaussette, tout seul, dans un mètre carré d'un hopital vétuste...

En France, on guérit un cancer sur deux.
Je viens donc de lire: "t'as une chance sur deux de crever, là!"

Je me rhabille, il faut que je sorte de là.
Je me resaisis vite, pas de temps à perdre.
En sortant je contacte une clinique réputée, je tombe par chance sur une personne formidable qui m'aiguille en urgence vers une spécialiste de ce genre de cas.
Arrivée sur place elle me reçoit entre deux patients, regarde le compte rendu, décroche son téléphone et parle à une personne qui semble être une pneumologue, et me tend un papier sur lequel elle vient de griffoner un truc à la va-vite.
Je suis attendu au service pneumologie pour un bilan complet.
Je m'attendais pas à ça.
Sur le papier, son nom, fonction, et où se trouve son cabinet. Je sors donc pour payer la consult, on me rend ma carte vitale en me disant gentiment que c'est bon (la Doc a jugé bon que je ne perde pas de temps ce jour là visiblement).
Je rencontre donc la pneumologue, Dr N. Je passe toute une batterie d'examens. Visiblement ça va de côté-là.
La consultation se termine, je lui demande ce que je dois faire, et là on me retend un autre papier, la pneumologue me dit que c'est le Dr C., chirurgien, "c'est le meilleur" d'après elle.
"le Dr C. vous attend de suite, je lui ai détaillé par téléphone ce que j'ai vu, il saura vous aider je pense"


Je change encore de service et rencontre vite le Dr. C., chirurgien cardio-thoracique renommé ET réputé, La quarantaine, il est super sympa et m'invite à le suivre dans son bureau.
Détail marquant, il portait les mêmes baskets que Marty McFLY.

On s'asseoit, il analyse une fois encore les images devant lui.
"je me dois de vous avertir, il y a un risque non négligeable vous concernant, car la masse est posée sur la crosse de l'Aorte, je ne peux malheureusement pas dire à combien de pourcent, je vous avoue n'avoir jamais eu de cas comme celui-là. On devra faire analyser pour savoir ce que c'est exactement, biopser à cet endroit étant impossible"
(il venait de me dire que j'avais des chances de pas me réveiller).
Je lui dit que je lui fait confiance et que je veux être opéré; j'ai déjà une chance sur deux d'y passer, la chirurgie est le seul moyen d'agir visiblement, si je m'en prive, mes chances de survie baisse, avec l'opération, elles augmentent.

Il a pris les choses en main avec toute son équipe, je l'ai vu passer des appels devant moi à des confrères (anésthésiste, pneumologue, oncologue...) et a organisé une chirurgie en urgence.


C'était y a bientôt trois ans, visiblement d'après eux je suis un miraculé, moi j'arrive toujours pas a croire que j'ai été victime d'une maladie orpheline, on est quelques uns (moins de dix) sur les 50 dernières années à travers le monde a avoir eu ce syndrome...


Alors merci à eux, meme si sa mère la pute de vie est une belle connasse, au fond, ça en vaut la peine.


TL;DR : j'ai galéré pour qu'on prenne mes symptômes au sérieux, quand ce fût le cas on s'est rendu compte que c'était un cancer, une équipe de médecins m'a pris en charge et aujourd'hui je suis encore là grâce à eux.