Une peau tannée humaine : épisode de la Guerre de Vendée

La Guerre de Vendée (1793-1796) est un conflit qui a durablement marqué les mémoires dans l’Ouest de la France, et la France de manière plus générale. En effet, il s’agit de la dernière guerre civile qui a eu lieu en France. Cette guerre est aussi restée célèbre car elle a vu des paysans d’abord favorables à la Révolution se soulever contre elle et ces paysans sont parvenus à bousculer les troupes républicaines alors victorieuses sur les frontières face aux tyrans coalisés, donnant naissance à ce que Barère appela « l’inexplicable Vendée » (une insurrection dont on ne comprend pas les causes ni la réussite militaire). La Guerre de Vendée a vu germer une véritable légende qui a fait dire à Napoléon qu’il s’agissait d’une « Guerre de Géants » soulignant par-là la dimension spectaculaire des combats et la bravoure des combattants. Surtout, ce conflit s’est caractérisé par un haut degré de violence comme en attestent plusieurs événements, notamment l’« affaire des peaux tannées ».
Après la défaite des Vendéens à Cholet le 17 octobre 1793, ceux-ci entendent se rendre sur la côte normande pour recevoir l’aide des Anglais. Cependant, l’échec des vendéens devant Granville le 14 novembre 1793 les amène à retourner au pays pour continuer la guerre. Après plusieurs victoires à Dol, Pontorson et Antrain (18-22 novembre 1793), ils sont arrêtés une première fois devant Angers le 3 décembre 1793. C’est à cette occasion qu’a lieu une sordide affaire de peaux tannées qui ne ressort qu’à la fin de l’année 1794 suite aux changements politiques à la Convention : Robespierre et une partie des Montagnards ont été renversés et remplacés par les Thermidoriens qui condamnent et rejettent les excès de la Terreur et de ses principaux acteurs.
Environ 4000 Bleus sont parvenus à mettre en déroute les Vendéens devant Angers où ces derniers laissèrent environ 800 morts. Après la bataille les têtes des Vendéens et des chouans tués pendant le combat ont été coupées. Les troupes républicaines ont également fait un nombre important de prisonniers qui ont été fusillés et jetés dans la Loire. Environ 1200 à 1500 vendéens ont été exécutés y-compris ceux qui s’étaient rendus à l’issue du combat, contrairement aux lois et aux droits des insurgés soumis. Dans la commune des Ponts-de-Cé (près d’Angers) les témoins évoquent les fusillades et les mises à mort des Vendéens. Ceux-ci auraient été égorgés à coup de sabre et de baïonnette avant d’être jetés dans la Loire, ceux qui n’étaient pas encore morts étaient achevés à coup de fusil. Certains vendéens étaient déshabillés par les soldats qui se partageaient les vêtements avant de précipiter leurs prisonniers nus dans le fleuve. Les témoins dénoncent aussi le chirurgien Pequel (Pikelle) du 4e bataillon des Ardennes qui aurait écorché des cadavres de Vendéens le long de la Loire et aurait demandé à plusieurs tanneurs de la commune de s’occuper des peaux qu’il avait prélevées et qu’il conservait dans un sac. Malgré les menaces tous les tanneurs ont refusé sauf un certain Langlais, mégissier (tanneur) des Ponts-de-Cé, qui a cédé sous la menace. Ainsi, les peaux auraient été travaillées par des soldats dans l’atelier de Langlais avant que celles-ci ne soient envoyées à Angers.
Une peau tannée est conservée au Musée des sciences naturelles de Nantes mais il ne s’agit pas d’une peau tannée de Vendéen mais de celle d’un soldat républicain qui aurait souhaité de son vivant faire don de sa peau à la République pour qu’elle soit transformée en tambour. Ce soldat souhaitait se rendre utile à la République au-delà de la mort. Ce soldat fut tué lors de la bataille de Nantes contre les Vendéens le 29 juin 1793. Conformément à sa volonté, sa peau aurait été tannée mais la peau se révéla trop fragile et n’offrait aucune résonance pour être convertie en tambour. Ainsi, cette peau humaine tannée resta à Nantes où elle est encore conservée aujourd’hui.

Ces deux affaires obéissent à des logiques bien différentes. Le soldat, par ce don patriotique, souhaitait se rendre utile à la République après la mort. Surtout la peau devait servir à transcender le courage des troupes d’autant plus que le tambour est un objet important lors des batailles puisqu’il rythme la bataille, impressionne l’ennemi et galvanise les troupes. Le soldat souhaitait rester présent sur le champ de bataille et contribuer à remporter la victoire des républicains sur le « fanatisme » vendéen par-delà la mort.
Concernant l’affaire des Ponts-de-Cé, la démarche est toute autre puisque dépouiller un corps signifie aussi le dépouiller de son humanité. Le chirurgien Pequel s’insère en quelque sorte dans le processus de déshumanisation de l’ennemi : dans de nombreux discours les Vendéens sont considérés comme des bêtes ou des maladies qu’il convient d’éliminer. De plus, la situation des soldats explique en partie les massacres et le comportement des soldats : le défaut d’État et l’absence de protection juridique des individus alliés au contact direct des soldats, souvent peu expérimentés, avec les populations dans un milieu hostile (le paysage et les populations) conduisent à des réactions particulièrement violentes. On peut ajouter à cela la crainte issue des multiples défaites des troupes républicaines, le sentiment de vengeance des soldats à l’égard des Vendéens qui ont pu tuer et massacrer leurs camarades et la logique d’exclusion de l’adversaire, qualifié de brigand et de bête échappant au code d’honneur des guerriers et à la clémence des soldats, pour expliquer les massacres. Les soldats vouent une véritable haine aux Vendéens qu’ils entendent éliminer et humilier jusqu’à nier leur humanité. Le chirurgien Pequel représente en quelque sorte le passage à l’acte de ces discours dans le cadre d’une situation exceptionnelle qui l’a amené à agir sous le coup de pulsions non-contrôlées et à franchir les limites de l’abject en prélevant la peau de son trophée de chasse. Malgré tout, ces mutilations semblent être restées exceptionnelles puisqu’il s’agit de la seule mention d’écorchement dans les archives.

Malgré tout, cette affaire semble avoir durablement marqué les mémoires puisque dans ses mémoires, la comtesse de la Bouëre évoque la rencontre d’un ancien soldat républicain à La Flèche en 1829. Cet ancien soldat républicain « se vanta d’avoir écorché des brigands pour en faire tanner la peau à Nantes » et d’en avoir porté un et d’en avoir vendu 12 autres dont l’un a été porté dans les environs à la Pâques 1829. Même si ce témoignage apparaît suspect car le soldat dit avoir participé à tous les massacres d’un bout à l’autre de la Vendée et qu’il exagère sans doute, ce témoignage est intéressant puisqu’il montre les conséquences à long-terme de cette guerre. En effet, plus de 30 ans après la guerre, l’ancien soldat raconte les horreurs qu’il n’a pas pu oublier et qu’il ne cesse de raconter pour effrayer ses voisins. Cet homme ne parvient pas à tourner la page de la guerre de Vendée. Cette anecdote révèle un traumatisme qui ne dit pas son nom et plus largement le choc qu’a été cette guerre civile.
Pendant longtemps les historiens se sont interrogés sur la véracité de cette affaire qui apparaissait peu crédible tout comme les témoignages. Cet événement a longtemps été utilisé de façon partisane pour dénoncer la Révolution et la République et elle est encore largement instrumentalisée aujourd’hui. En effet, le 11 janvier 2006 le collectif des libertés bretonnes protesta contre l’exposition de la peau humaine tannée au musée des sciences naturelles de Nantes qu’ils prenaient pour une peau de chouan afin de dénoncer le prétendu « génocide » vendéen et chouan perpétré par la République. Ce collectif a notamment fait un appel aux maires bretons pour accueillir et enterrer cette peau. Cette demande a été relayée par les royalistes.
Loin des polémiques et des questions mémorielles, cet épisode illustre la violence de cette guerre et les mécanismes psychologiques à l’œuvre chez les combattants de ce conflit traumatisant.
Illustrations :
1-Mayençais, gravure
2-Le Vendéen, Julien le Blant
3-5 Peau tannée du Républicain conservée à Nantes
Sources :
Je vous recommande également le témoignage de la marquise de la Bouëre qui évoque sa rencontre avec le vieux soldat républicain, malgré un parti-pris évident pour la cause royaliste, aux pages 317-326 du pdf. (les propos du vieux soldat sont à prendre avec précaution) http://recherche-archives.vendee.fr/data/files/ad85.ligeo/FRAD085_4NUM280/FR/Ad85/4Num280/46/4Num280_46.pdf
ROLLAND-BOULESTREAU Anne, « Résonance d’une "perversion" : tanner la peau humaine en Vendée militaire », ABPO, n°120-1, 2013, p. 163-182 https://www.cairn.info/revue-annales-de-bretagne-et-des-pays-de-l-ouest-2013-1-page-163.htm

Une peau tannée humaine : épisode de la Guerre de Vendée
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anonyme
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7 ans

"il s’agit de la dernière guerre civile qui a eu lieu en France" et 1871 alors ?
C'était pas une guerre civile ?

anonyme
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7 ans

@MagicDick: De grande ampleur*

anonyme
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7 ans

@MagicDick: J'ajouterai que la Commune de Paris est une insurrection ou une révolte et pas une guerre civile (extension et durée de la révolte très limitées dans le temps).

anonyme
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7 ans

@Monsieur_Hirsch: Tu peux toujours tenter d'amoindrir parce que t'es un sac à foutre de partisan de mes couilles de Versaillais <3
Mais pour moi, une guerre civile, c'est l'affrontement entre une armée régulière, et le peuple d'un même pays, par les armes.
De plus 1871, ce n'est pas que la Commune de Paris, c'est aussi la Commune de Lyon, Marseille, Saint Etienne...
Karl Marx la qualifia lui, de guerre civile (d'un point de vu extérieur et sans doute plus impartial), et écrivit un pamphlet à ce sujet : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Guerre_civile_en_France
Je te laisse seul juge pour toi même, de comment tu veux appeler ça, selon l'importance que tu lui donne.

Waffel
Waffel
7 ans

@MagicDick: Pourquoi tant de haine. C'est même pas le sujet de la box. Tu pinailles pour n'importe quoi.

anonyme
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7 ans

@MagicDick: Puisque tu l'as lu sur Wikipédia...

anonyme
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7 ans

@Monsieur_Hirsch: T'es con ou tu fais exprès ? C'est sur wiki donc le pamphlet du même nom n'existe pas ? Sort moi un argument au moins, de quoi construire une discutions qui nous fait avancer, qui nous permet d'échanger des idées, pas juste des préjugés de gros débiles...

@Waffel: Tu le sens le second degré ou il ne fait qu'effleurer la douce peau de tes fesses par un doux matin d'été ?

Waffel
Waffel
7 ans

@MagicDick: Ok mais pour poser un débat faut être calme non ?

anonyme
anonyme
7 ans

@Waffel: Si je met un petit <3, c'est pas pour enculer les mouettes.

Waffel
Waffel
7 ans

@MagicDick: Désolé au vu du premier commentaire ça fait carrément agression.

anonyme
anonyme
7 ans

@Waffel: Qui sont les versaillais à la base ? Des royalistes.
De quel coté sont les vendéens ? Du coté des Royalistes.
On parle de quoi ? De la Commune de Paris.
Quel était l’ennemie de la Commune ? Les Versaillais (Thiers en tête, ancien royaliste).
Si tu connais pas l'histoire j'avoue que ça peu paraitre agressif, mais l'ignorance n'est jamais une excuse, donc je ne t'excuse pas, jeune padawan.

Waffel
Waffel
7 ans

@MagicDick: J'ai pas dis que c'était pas une guerre civile. J'ai bien compris que quand une société se scinde et qu'elle se lance dans un conflit on peut appeler ça une guerre civile, qu'importe la durée.
Je considérais juste que ta manière de t'exprimer était difficilement perceptible à l'écrit et que malgré les cœurs ou autres signes (évident peut-être pour toi), l'ironie n'est jamais loin. Si cette question te tient à cœur tant mieux, au moins le groupe vit !

anonyme
anonyme
7 ans

@MagicDick: Le titre d’un ouvrage de Marx (ou le titre d’une lithographie de Manet) ne suffit pas, à mon sens, pour faire à lui seul de la Commune une guerre civile. En effet, citer un manifeste qui est partisan par essence est loin de constituer un argument solide pour appliquer la notion de guerre civile à cet événement. D’autant plus lorsqu’il est écrit par Marx qui est favorable aux communards (ou si tu préfères communeux ou fédérés) et vit les événements sur le vif, c’est-à-dire qui lit la Commune à l’aune de ses émotions et n’a pas forcément le recul nécessaire pour appréhender sereinement ce conflit particulièrement violent. Ainsi, de par sa position, Marx ne semble pas être le plus objectif et le plus à même pour décrypter et catégoriser ce conflit même si ses analyses peuvent se révéler riches en informations pour comprendre l’idéologie ainsi que le contexte culturel et politique de la période… Bref, un argumentaire bien maigre pour appliquer la notion particulièrement complexe de guerre civile.
Pour autant j’ai été surpris et je dois bien admettre que les critères qui définissent la guerre civile s’appliquent à la Commune. En effet, la guerre est par essence une violence organisée et la Commune peut être vue comme une guerre puisqu’il y a bel et bien eu des violences. Pour autant ces violences ne suffisent pas à faire une guerre civile et d’autres éléments entrent en ligne de compte. On peut ajouter que les guerres civiles correspondent à des situations où la souveraineté d’un État est contestée ou brisée La guerre civile est un conflit entre groupes organisés qui poursuivent des buts opposés (en l’occurrence un camp favorable à une révolution politique et sociale et l’autre au maintien de l’ordre : politique, social et tranquillité publique).
La guerre civile a aussi différentes causes qui n’aboutissent pas toujours à des violences et à une guerre civile. On y trouve :
-Les conflits entre groupes de partisans, c’est-à-dire des groupes auxquels on adhère volontairement suite à un choix individuel.
-Les conflits entre groupes socio-économiques. Ces groupes se construisent en fonction de la position des membres dans le cadre de la division du travail et de la répartition des richesses.
-Les conflits entre groupes identitaires, autrement dit des groupes auxquels on appartient à la naissance et dont on n’a peu de chances de sortir.
Ainsi, la Commune serait à la fois une guerre partisane et socio-économique. Pour autant ces conflits ne dégénèrent pas tous en guerre civile. Dans le cas de la Commune les décisions des divers acteurs et différents faits aboutissent à la violence. De plus, le conflit devient violent du fait des conditions matérielles des différents acteurs qui disposent d’armes mais aussi de leurs conditions de vie, de leurs croyances et de leur attitude face à la mort (tous sont prêts à mourir pour une cause). Tous les ingrédients semblent donc réunis pour dire que la Commune est une guerre civile ou s’y apparente fortement (même si la durée et l’ampleur de l’insurrection me posent problème pour la qualifier pleinement de guerre civile, mais ces deux notions sont floues et variables selon les individus et les situations).
Ainsi, selon ces différents arguments la Commune semble être une guerre civile. « Semble être » puisque la notion de guerre civile est particulièrement complexe et est encore largement débattue encore aujourd’hui par des spécialistes de la question. Il est donc difficile d’avoir une position nette et tranchée sur cette question d’autant plus que ces grilles d’analyses, pour pratiques qu’elles soient, restent confrontées à une réalité évidemment beaucoup plus complexe qui supporte mal les classifications bien pensées.
Malgré tout, je reste réticent à qualifier cet événement de guerre civile, m’inscrivant en quelque sorte dans la tradition de la culture politique française qui refuse de qualifier de « guerre civile » des conflits parfois très violents quand ils se produisent en France (comme le soulignait Maurice Agulhon).
D’ailleurs je suis incapable de juger ou de donner une quelconque importance à la Commune en décidant arbitrairement de la qualifier de guerre civile. Seuls les arguments et les démonstrations sont juges et pas le locuteur, en particulier en Histoire.

P.S. De plus, on a beau être sur choualbox cela n’empêche pas de rester courtois, notamment dans le groupe histoire qui est d’habitude calme et sérieux. Alors tes insultes gratuites (sac à foutre, con, ignorant, débile…) tu les gardes pour le groupe niktmor ou tu les gardes tout simplement pour toi, notamment de la part de quelqu’un qui réclame le débat. Ce groupe me semble peu indiqué, à mon avis, pour ce genre de troll et de comportement. (Ceci n’est que mon avis sur le groupe et n’empêche en aucun cas de faire de l’humour sur le groupe).

anonyme
anonyme
7 ans

@Monsieur_Hirsch: C'est un peu comme les génocides en fin de compte, tu remarquera qu'en Turquie, il n'est pas question de reconnaitre le génocide arménien.
C'est un peu pareil avec la Commune en France, il n'est pas question d'expliquer (de toute façon on n'explique pas tout court la Commune, à moins d'être en fac d'histoire... et encore) que la République ai pu faire ce qu'elle a fait durant cette période, on amoindrit donc la chose, on évite de trop débattre sur ce sujet, c'est dérangeant.
C'est pourquoi en France (selon moi), la Commune n'est pas admise par tous, comme une guerre civile.
Au final, tu vois, peu importe la façon dont je m'exprime, l'important est ce qu'il en ressort, on peu insulter sans être forcément insultant, je ne te traite pas de gros con, je te demande si tu en es un, nuance, pour le reste osef, ignorant j'ai jamais dit, mais on s'en contre fou au final. L'important c'est que tu nous a fait ensuite un joli paragraphe bien construit, qui me sied bien (même si au final la question reste en suspend).

Ps: désolé tout de même si tu t'es senti offensé par mon langage fdp.

anonyme
anonyme
7 ans

@MagicDick: Pas de problème. Je préfère les débats calmes et constructifs qui sont bien plus enrichissants.

Waffel
Waffel
7 ans

Ça rappelle les conséquences de la propagande américaine contre les Japonais pendant la Seconde guerre mondiale.

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