L'incroyable histoire de l'empereur Julien (332-363)

Voici l'histoire incroyable et tragique d'un homme, peu connu, mais dont l'existence a faillit changer l'histoire de l'Humanité : Flavius Julianus, aussi appelé Julien.

Né en 332 environ, il est important d'établir le contexte. L'Empire romain était en crise durant le III siècle, et se stabilisa grâce à un nouveau régime politique, la tétrarchie, où l'empire était divisé en 4, avec deux empereurs, surnommés « Augustes », secondés par deux bras droits, surnommés « César ». Constantin (1) est l'un de ces « César » et il prit le pouvoir sur l'Occident en 312 avant de devenir seul empereur en 324.

Il était chrétien et commença à christianiser l'empire -par conviction et/ou par choix politique-. Sauf qu'à ce moment là, l'empire romain comptait 2% de chrétien (2). Constantin se mit alors à privilégier les chrétiens, en exemptant les prêtres de taxes, plaçant le clergé en dehors du droit civil, en donnant un palais à l'évêque de Rome, en christianisant la loi (condamnation de l'adultère, interdiction des rapports avant et hors mariage, punition de l'avortement, restriction du divorce...), en réduisant le pouvoir des gouverneurs provinciaux au profit des évêques, en créant tout un tas de bâtiments religieux, en interdisant aux juifs d'avoir des esclaves chrétiens et de faire du prosélytisme ou encore en confisquant les biens des chrétiens jugés hérétiques.

Il mourut en 337, et rapidement ce fut l'un de ses trois fils, Constance II, qui reprit le flambeau de la christianisation, se montrant encore plus radical que son père : peine de mort pour tout mariage entre juif et chrétien, la conversion au judaïsme devient une infraction pénale, persécutions des « devins » et autres intellectuels païens (religion traditionnelle romaine), premiers autodafés, peine de mort pour adoration par le sacrifice et l'idolâtrie, exemption de l'impôt pour les moines, destruction et fermeture de temples païens, etc... En tout juste quelques décennies, Constantin avait transformé la tétrarchie en monarchie théocratique, christianisant un empire romain déjà affaiblit.

C'est là qu'arrive Julien (3 et 4). C'est le cousin de Constance II, et le neveu de Constantin. Bien qu'issu de la même famille, il vit son père se faire assassiner sauvagement sous ses yeux sur ordre de Constance II lui-même. Il avait environ 10 ans. Il fut enlevé lui et son frère Gallus par les sbires de l'empereur pour être « sauvés » et être élevé dans la religion chrétienne. Cet événement restera un traumatisme pour Julien, qui aura de nombreuses séquelles, tel des tocs et des bégaiements.

Il rejeta alors la religion chrétienne et préféra se tourner vers le paganisme et la philosophie. Il partit d'ailleurs étudier à Athènes, et participa clandestinement à de nombreux cours de grands professeurs connus pour l'époque.

Constance II décida de le nommer « César » en 355 et l'envoya en Gaule. Cette pseudo-promotion était surtout une façon pour son cousin de le surveiller de près, voir même de l'envoyer à la mort, vu que la Gaule était une province en proie par les raids barbares, tandis que Julien n'avait rien d'un guerrier.

Contre toute attente cependant, il se révéla être un excellent commandant et stratège. Prenant Marc Aurèle comme modèle, il fit de véritables prouesses avec ses légions. En 356 il marcha sur la Rhénanie, contre les Alamans, et atteint Cologne, où il remet les défenses en état. Puis partit à la rescousse des cités gauloises en affrontant 35 000 alamans lors de la bataille d'Argentorate (Strasbourg). Alors qu'il a trois fois moins d'hommes, il parvient à remporter la bataille, et leur force à signer un traité de paix en automne 357.

Après sa campagne victorieuse, il s'installa à Lutèce (Paris), tandis que sa femme retourna en Italie où elle mourut peu de temps après avoir accouché d'un enfant mort-né. Il ne se remariera jamais. Il prit sa fonction de juge au sérieux, s'occupant des affaires pénales. Son mode de vie était simple, il ne cherchait jamais le luxe ni la richesse, il vivait avec ses troupes, comme un soldat.

Julien devait donc gérer la Gaule, une province ravagée par des décennies de raids barbares et appauvrie. Il refusa alors les impôts supplémentaires demandés par l'empereur, et fit même baisser les taxes, l'imposition passant de 27 à 7 solidi. En parallèle, il fit surveiller les employés du fisc pour éviter tout détournement. Ces mesures lui valurent d'être très apprécié par le peuple gaulois.

Il repartit en campagne en 358 et 360 contre des peuples germaniques, avec succès, et obtient de nouveau un autre traité de paix. L'ancien Limes (frontière romaine) fut ainsi rétablie et pacifié, protégeant l'Occident de tout raids barbares (5).

En revanche, Constance II voyait d'un mauvais œil les succès et la popularité de Julien, et décida de l'affaiblir en appelant deux de ses légions à servir en Orient, contre les Perses, là où les romains s'enlisaient depuis les années 330. Ne voulant pas quitter leur commandant, les légions se mutinèrent, et proclamèrent Julien empereur. D'abord réticent à l'idée, il finit par accepter ce titre, ce qui fit de lui un usurpateur. L'affrontement entre Constance II et Julien n'eut cependant pas lieu, Constance II mourut peu de temps après, et ne voulant pas voir la dynastie disparaître, proclama Julien empereur sur son lit de mort, le 3 novembre 361.

Aussitôt, Julien restaura la paganisme en abolissant tous les édits chrétiens, il rétablit la tolérance religieuse, tolérant de nouveau les juifs ainsi que les chrétiens « hérétiques ». D'ailleurs il ne persécuta pas les chrétiens non plus, tout ce qu'il fit c'est leur interdire d'enseigner la grammaire, la rhétorique et la philosophie. Il se fit protecteur des juifs, promettant de reconstruire Jérusalem lors de son retour de campagne contre les Perses.

Malgré quelques révoltes chrétiennes (surtout des fanatiques qui s'attaquèrent aux temples), il ne broncha pas et n'ordonna aucune répression. Il préféra préparer une armée pour vaincre le plus vieil ennemi de Rome : la Perse (l'Empire Sassanide pour être précis). Sa campagne débuta en 363 et son armée longea l'Euphrate. Alors que cela faisait 30 ans que les romains ne parvenaient pas à prendre l'avantage, lui allait de victoire en victoire. Il battit l'armée perse devant sa capitale, Ctésiphon, mais n'ayant pas les engins nécessaires, il ne put assiéger la ville. Il décida alors de rejoindre l'autre partie de son armée pour préparer le siège, c'est alors qu'une escarmouche éclata. Il monta sur son cheval et partit dans la mêlée sans même prendre le temps de mettre son armure, criant pour encourager ses soldats. Au moment où l'armée perse se replia après de lourdes pertes, une lance toucha Julien. Elle vint percer son foi. L'empereur mourut la nuit suivante. Il avait tout juste 32 ans (6).

Sa mort fit grand bruit et une rumeur se propagea comme quoi c'était un romain chrétien qui l'avait tué et non un perse. En effet, aucun perse ne vint chercher sa récompense pour la mort de Julien, et eux-même accusaient les romains d'avoir tué leur propre empereur. S'il est aujourd'hui impossible de savoir si cette rumeur est vrai ou fausse, les chrétiens de l'époque ont, quant à eux, vu sa mort comme une victoire. Ainsi, Saint Grégoire de Nazianze revendiqua le meurtre avec joie, tandis que Saint Basile expliqua que ce fut Saint Mercurius qui avait répondu à ses prières en tuant l'empereur. On retrouve d'ailleurs de nombreuses représentations chrétiennes de Saint Mercurius tuant Julien (7 et 8).

Si la vie de Julien est tragique, les conséquences de sa mort le sont encore plus. L'armée romaine fut considérablement fragilisée et l'empire fut contrainte de signer une armistice humiliante. Les chrétiens reprirent le pouvoir et rétablirent les anciens édits, reprenant les persécutions et les mesures oppressives, au point de rendre le paganisme illégal. Sans Julien, les barbares reprirent les raids en Occident. Même pas 50 ans après sa mort, les barbares (déjà christianisés) faisaient le sac de Rome. La mort de Julien marqua la toute dernière campagne militaire de l'empire romain.

S'il avait survécu, il aurait vraisemblablement renversé l'empire Perse, créant un empire enfin pacifié mais surtout d'une taille et d'une puissance sans précédant, atteignant l'Inde. La Perse était la seule grande puissance qui séparait Rome avec l'autre superpuissance du monde : la Chine. Avec un empire perse sous domination romaine, ces derniers auraient pu entrer en contact avec la Chine via la route de la soie. Dès le V siècle, l'empire aurait pu connaître le papier, la poudre à canon et la boussole. Le monde aurait connu un développement technologique inédit !

Julien aurait pu être connu comme Julien le Philosophe, Julien le Conquérant ou Julien le Grand, mais l'Eglise est passée par là, et il fut appelé par Julien l'Apostat, ses textes furent détruits, il fut critiqués et rabaissés pendant des siècles, on lui imputa des massacres imaginaires. Pourtant, une chose est sûr, s'il n'avait pas été tué ce 26 juin 363, l'Humanité toute entière aurait prit chemin complètement différent.

TLDR : Julien fut empereur de 361 à 363, c'est le dernier empereur romain païen, amoureux de la philosophie et grand stratège il avait réussit à enfin signer des traités de paix avec les barbares, a baisser les impôts et à relever un empire qui était affaiblit. Mais sa mort tragique à 32 ans a précipité l'Empire Romain vers sa chute alors qu'il était sur le point de le rendre plus puissant que jamais.