L'évènement sportif le plus mortel de l'histoire : la sédition Nika

Tout d'abord un peu de contexte. Nous sommes en 532 à Constantinople, ex Byzance, dans l'empire romain d'orient (Istanbul en Turquie aujourd'hui).
Le jeune empereur Justinien, qui sera plus tard considéré comme le plus grand et le dernier empereur de l'empire romain d'orient, règne depuis moins de 5 ans.
Il est d'origine modeste et impose une politique fiscale assez lourde, ce qui l'oppose de fait à l'aristocratie de Constantinople. Sa femme, Théodora, est originaire du monde du spectacle. Elle sera une grande femme de pouvoir législatif et religieux, faisant avancer la cause des femmes notamment.

Le sport national à cet époque est la course de char. Les courses voient s'affronter quatre équipes, les bleus, les rouges, les blancs et les verts, avec leurs supporters respectifs.

Ces équipes ont une importance capitale car elles sont des factions, ou dèmes, quasi castes socio-économiques, émergences de découpages administratifs par quartiers de l’administration athénienne quelques mille ans auparavant, avec des oppositions sportives mais aussi politiques et religieuses (c'est l'époque de la christianisation de l'empire romain).
Souvent à cette époque l'empereur s'affilie à une faction, ce qui bien entendu provoque l'ire des autres.

Wikipédia
"Il y avait deux factions principales et deux mineures dans l'empire byzantin : les Bleus (veneta) associés aux Blancs et les Verts (prasina) associés aux Rouges. Ces factions étaient à l’origine des groupes de supporters (fautores) des différents équipages qui s’affrontaient dans les courses de chars."

Alors que les courses annuelles font rage, des mécontentement et bagarres ont éclaté entre les équipes et contre l'administration publique car les verts ont fait une réclamation d'arbitrage qui a été ignorée.
Le 1er janvier 532, deux verts et un bleu sont condamnés à la pendaison. Pour un vert et un bleu, la corde cédera à deux reprises, et la foule constituée de toutes les factions prend fait et cause pour eux.
Le préfet enverra la garde contre cette alliance inédite des 4 factions et la répression sera sévère.
Le 13 janvier, les courses continuent et les doléances des factions (dont la demande de grâce des deux prisonniers), par la foule qui scande "Nika, Nika" ( "Sois vainqueur" ou "Remportons la victoire"), sont refusées.

C'est le point de départ de la sédition. Un soulèvement émerge, des incendies sont déclenchés dans toute la ville, notamment sur le forum de Constantin (qui existe toujours aujourd'hui).

Le 15 janvier, alors que le palais impérial est encerclé par les émeutiers et qu'un groupe de prêtres tente d'apaiser la foule, l'empereur Justinien envoie le général Bélisaire et son armée mater la révolte. Les prêtres sont pris dans la charge, ce qui enrage la foule.
Les soldats doivent reculer, et la ville sombre dans le chaos et l'anarchie. Les morts, pillages et incendies se propagent dans toute les quartiers, atteignant et détruisant même l'église Sainte-Sophie.
Le 18 janvier, la ville est ravagée. Justinien est sur le point d'être renversé par les rebelles et remplacé par un des candidats possibles, Hypatios, neveu d'un précédent empereur. Il envisage même de fuir pour rassembler ses forces, mais en est dissuadé par sa femme, l'impératrice Théodora.
Un corps d'armée stationné à quelque distance de la ville vient renforcer Bélisaire, et quelques jours plus tard le général Narsès parvient à diviser la coalition des factions en ramenant les bleus dans le giron impérial.
Au final, les rebelles sont nassés jusqu'à l'hippodrome, et les généraux Bélisaire et Mundus, avec le général Basilidès, interviennent dans le bâtiment.
Les rebelles sont massacrés, Hypatios et son frère Pompée, ainsi que d'autres sympathisants de la rébellion, sont exécutés.

Au final, cette révolte aura provoqué, selon des estimations modernes, environ 30 000 morts.