La "Révolte des Gueux", Languedoc, début Mars - fin Juin 1907

Durant la seconde moitié du XIXe siècle, la viticulture française connaît plusieurs crises. Les cultures sont touchées par des champignons, d'abord l'oïdium, le phylloxéra puis le mildiou. Le problème de production provoqua l'augmentation de vins factices de toutes sortes (mélanges de plusieurs breuvages ou coupé avec de l'eau), mais également l'importation de vins étrangers et venant d'Algérie. Suite à de très bonnes récoltes en 1904 et 1905, la production française remonta en flèche.

Sauf que cette surproduction et cette concurrence de plus en plus déloyale mit en péril les vignobles du Sud, notamment ceux du Languedoc, qui représentaient pourtant près de 40% de la production. Leurs stocks se vendaient de moins en moins bien, et pour contrer cela une coopérative entre plusieurs vignobles fut créé dès 1901 à Maraussan, avant de grossir avec les année, formant le « Midi Rouge » (en référence à la sensibilité socialiste/communiste des vignerons). La construction d'une cave commune (1) fut d'ailleurs salué par Jean-Jaurès lui-même.

Pour autant, le vin languedocien ne se vend pas mieux, et les vignerons se mettent à manifester de plus en plus contre l'importation de vins (2) et contre la chaptalisation (l'ajout de sucre pour augmenter l'alcool, produisant plus de vin mais de façon non « naturelle », autorisé par le gouvernement en 1903). Les petits viticulteurs sont ruinés, les ouvriers agricoles sont au chômage et la vendange de 1906 ne se vend pas. La situation au début de l'année 1907 est alors désastreuse pour les vignobles du Sud.

Un vigneron du nom de Marcelin Albert fonde le Comité de défense viticole (3 -à gauche), connu sous le nom de « Comité d'Argeliers » du nom du village où il est fondé, le 11 mars 1907, marquant le début d'une protestation organisée, qu'on surnommera aussi « la révolte des gueux ». Le Comité organise une marche, avec 87 vignerons, vers Narbonne. Petit à petit, le Comité reçoit le soutien de plus en plus de personnes, dont des régionalistes qui veulent transformer le mouvement en combat séparatiste.

Les manifestations, organisées tous les dimanches, prennent de l'ampleur rapidement. Le 24 mars, ils sont 300 à venir écouter Marcelin à Sallèles-d'Aube, le 31 mars ils sont 500 à Bize-Minervois, le 7 avril ils sont 1 000 à Ouveillan, le 14 avril ils sont plus de 5 000 à Coursan, le 21 avril ils sont presque 15 000 à Capestang, le 28 avril ils sont plus de 20 000 à Lézignan-Corbières (4), le 5 mai ils sont plus de 80 000 à Narbonne (5 et 6 -dont le maire Ernest Ferroul soutient les viticulteurs) et le 12 mai ils sont 150 000 à Béziers (7 et 8). Cette dernière ville comptait à ce moment là 52 000 habitants, montrant bien l'ampleur de la mobilisation. Lors de ce rassemblement, Albert et Ferroul fixe un ultimatum au gouvernement pour trouver une solution à la crise d'ici le 10 juin.

Ils sont près de 200 000 le 19 mai à Perpignan (9 et 10), 250 000 le 26 mai à Carcassonne (11, 12 et 13 -où Albert est à gauche et Ferroul à droite) et 300 000 à Nîmes le 2 juin (14 et 15). Les manifestations, bien que s'effectuant dans le calme, se montrent de plus en plus révolutionnaires, appelant au combat contre le gouvernement (dirigé par Clemenceau). Le 9 juin, juste avant la fin de l'ultimatum, ils sont ainsi entre 600 et 800 000 à Montpellier (16 à 19), représentant plus de la moitié de toute la population du Languedoc ! Le rassemblement est marqué notamment par sa diversité politique, recevant le soutiens aussi bien de communistes, de socialistes mais aussi de royalistes. Le même jour, ils sont 50 000 à manifester à Alger, en solidarité.

Le 10 juin, l'ultimatum touche à sa fin, et alors que Clemenceau attend un essoufflement de la révolte, c'est l'inverse qui se produit. Ferroul, devant 10 000 personnes, démissionne et appelle à la grève des impôts, il est suivit par 442 municipalités qui refusent de suivre le gouvernement. Les drapeaux français sont remplacés par des drapeaux noirs et la désobéissance civique est déclarée.

Clemenceau décide alors de mater la révolte par la force, et le 17 juin ce sont 34 régiments qui occupent le Midi (soit la mobilisation de 25 000 fantassins et 8 000 cavalier -20), le 19 juin ce sont les membres du Comité d'Argeliers qui sont arrêté. L'arrestation de Ferroul à Narbonne provoqua un soulèvement populaire, la foule montant des barricades (21) et faisant face aux gendarmes. Dans la confusion, la cavalerie tire sur la foule, faisant deux morts et plusieurs blessés (22).

En réponse, dans les départements du Gard, de l'Hérault, de l'Aude et des Pyrénées-Orientales, près de 600 conseils municipaux démissionnent collectivement. Les préfectures et sous-préfectures sont prisent d'assaut par des vignerons en colères.

Le 20 juin, la situation se dégrade encore plus. À Perpignan la préfecture est pillée, à Montpellier la foule fait face aux forces armées, à Narbonne l'armée tire sur les manifestants, faisant 5 morts et 33 blessés. En apprenant la fusillade, 500 soldats du 17e régiment d'infanterie se mutinent et rejoignent Béziers avec leurs armes (23 et 24). Des voies ferrées sont sabotées, les bâtiments administratifs sont incendiés, tout le Midi est en plein soulèvement.

Finalement, le 23 juin voit le début d'une sortie de crise, le Parlement vote une loi qui réprime la chaptalisation massive des vins tandis que les mutins rentrent à leur caserne pacifiquement (c'est d'ailleurs depuis cet événement qu'il fut décidé de faire les services militaires loin de chez soi). À partir de fin juin, de nombreuses lois se montrent favorable pour les vignerons, évitant ainsi une insurrection dans le Sud. Le dernier rassemblement de la révolte eut lieu le 22 juin 1907 à Narbonne, en hommage aux victimes des fusillades, réunissant 10 000 personnes (25).

La "Révolte des Gueux", Languedoc, début Mars - fin Juin 1907
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Jeffiejef
Jeffiejef
6 ans

Putain... c'est chez moi et je connais même pas cette histoire .... et dire qu'on a failli être indépendant grâce au pinard ...
Fais attention zedix tu vas me rendre gay.... tu aimes Georges Michael ?

Daboulganiech

Comme quoi toute bonne histoire commencera toujours par de l'alcool et jamais par une salade.

Atmoz
Atmoz
6 ans

Putain, les Français et leur pinard... en Belgique, on est vachement plus détendus du slibard à propos de nos bières !

anonyme
anonyme
6 ans

@Atmoz: en même temps vu qu'elles sont degueu...

IMG
anonyme
anonyme
6 ans

@Atmoz: Un vigneron cultive sa vigne et fait son vin. Il peut subir des crises de natures agricoles (maladies, rendements, etc) et économiques (concurrence étrangère, etc). Un brasseur produit rarement son orge et son houblon lui-même. Il l'achète. Et si un produit ne lui convient pas, il change de fournisseur... Il puis, à cette époque, la bière s'exportait peu, exception faire des IPA qui voyageaient bien.. Donc pas vraiment de risque de concurrence.

A part ça, pour moi, contrairement à ce que pense feiho, les bières belges sont les meilleures !

Atmoz
Atmoz
6 ans

@feiho: t'aimerais bien hein... Bah non, je ne te donnerais pas ce plaisir !

anonyme
anonyme
6 ans

@Atmoz: Cela dit, je n'aime pas les bières belges personnellement....toujours eu un énorme penchant pour les productions des grands bretons, bières irlandaises surtout...

Commentaire supprimé.

Serious
Serious
6 ans

Mon grand-père m'en parlait, il me disait aussi que suite à la mutinerie de certains régiments refusant de tirer sur leurs frères ou leurs pères vignerons, ces mêmes régiments ont été envoyé les premiers au casse-pipe de 1914...
Alors légende ou vérité, j'en sais rien.

drogendou
drogendouWinston Churchill
6 ans

Quand je vois la photo 13 je le dis qu'on a perdu pas mal de classe quand même

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