Amodiable

Homme fort, il m’a enseigné la vie
Et montré la mort qui en fait partie.
Devant la beauté d’une forêt
M’a souris et donné une hache
Et appris que c’est par nos faits
Sous le soleil ou sous la drache
Que l’on devient un homme
Et non la vermine d’un pogrom.
« La fatigue est la récompense...
Que tes blessures soit arrogance !
Ainsi tu te rapproches du Christ
Jusqu’à l’heure du suaire batiste »
Une tape paternelle sur la joue
Laissant graisse de l’usine et boue
Grand-père, ce héros, te souviens-tu ?
Dans ton regard tout espoir s’est tue…
Alzheimer ronge ton esprit abîmé.
Parkinson dévore ton corps tout entier.
Ce n’est plus toi… tu es déjà mort.
Et ce soir c’est à moi d’être fort.
Je me suis bien trop éloigné de ta foi,
Et le Christ n’entends plus ma voix...
Pour te soulager, il n’y a qu’une voie...
Je retourne, dans cette mare, dans les bois…
Celle dont nous ne devions pas approcher
Cernée de hures et autres mâchoires déboîtées
Celle où tu allais quand tu te croyais seul
Et priais un Dieu-bouc aux allures veules
Notre avenir contre ta vie, un marché infâme,
Prêt à tout souffrir, de ta chair jusqu’à ton âme
Mais cette nuit c’est moi dans la mare au Diable
Prêt à racheter ce que tu as cru amodiable.
Pardonne moi grand-père, car je vais pécher
Et devant le cornu, m’apprête à me damner.
Repose en paix. Amen.