Etat et anarchie, Violence et non-violence, révolution et révolte, droit et légitimité

Salut à tous,

Comme je vous en avais parlé, je vous propose une série d'articles et de livres dont je vais vous livrer un résumé approximatif dans les commentaires dans les jours qui viennent. Je les ai tous lus (au moins en diagonale) en partant d'une réflexion autour de la légitimité de la violence.

Petite mise en contexte :

L’Etat est la forme moderne qu’a pris le pouvoir politique pour faire respecter la loi et assurer l’unité de la nation. Cette formation ne s’est pas réalisée sans difficulté : elle est issue de la guerre des religions qui ont ensanglanté l’Europe au XVIème siècle. La violence ne doit plus être entre les mains de tous mais être concentrée dans les mains d’une institution qui doit empêcher notamment les vengeances interpersonnelles et les guerres civiles (Thomas Hobbes, le Léviathan)

Ainsi, l’Etat concentre entre ses mains le monopole de la violence (Max Weber, Le Savant et le Politique) pour assurer notamment la sécurité des citoyens. Il arrive cependant que l’Etat utilise la violence contre ces derniers, notamment lorsqu’ils prennent une forme totalitaire comme ce fut le cas avec l’Allemagne nazie et l’URSS (Hannah Arendt, Du Mensonge à la Violence). D’autre part l’Etat peut représenter un ordre qui n’est plus considéré comme juste ou légitime par les citoyens qui peuvent alors utiliser la violence pour renverser cet ordre et tenter d’en créer un plus juste : il s’agit alors de la violence révolutionnaire. La violence politique est donc multiforme et pose des questions quant à sa légitimité.


Bref, je vous propose donc plusieurs sources afin de réfléchir à ces questions :


Anarchisme, violence et non-violence (très accessible mais long) : http://data0.eklablog.com/ae-editions/perso/bibliotheque%20-%20pdf/f.a.%20-%20bekaert%20-%20anarchisme-%20violence-%20non-vio.pdf

Violences policières, au delà du droit (accessible et court) : https://www.scienceshumaines.com/violences-policieres-au-dela-du-droit_fr_35802.html

Pour une critique de la violence (un peu compliqué à lire mais court) : http://danielbensaid.org/Pour-une-critique-de-la-violence?lang=fr#nb1

La question du droit en anarchie (accessible et court) : http://www.grand-angle-libertaire.net/la-question-du-droit-en-anarchie-pierre-bance/#_ftn32

Pourquoi la non-violence protège l'Etat (assez accessible mais long et en anglais) : https://theanarchistlibrary.org/library/peter-gelderloos-how-nonviolence-protects-the-state#toc2

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Volodia
Volodia
m
Chomsky
6 ans

Super, merci pour tous ces liens !

anonyme
anonyme
a
6 ans

@Volodia: Pas de soucis !

Commentaire supprimé.

anonyme
anonyme
a
6 ans

Peter Gelderloos : "Comment la non-violence protège l'Etat", 2012

Dans ce livre, Gelderloos insiste davantage sur l'inefficacité du renoncement de la violence dans une stratégie globale que sur la promotion de son usage systématique.

Pour cela, il revient sur les fétiches brandis par les militants pacifistes : Nelson Mandela, Gandhi, MLK, et montre deux choses :
- Ces personnages historiques pouvaient parfois promouvoir la violence dans certaines situations (MLK sur le Vietnam, Gandhi sur la Palestine, voire dans leur propre lutte, comme c'est le cas de Mandela)
- L'usage de la violence dans les luttes auxquelles ont appartenu ces personnages est souvent gommé de l'Histoire, ne conservant que l'idée que "la non-violence a vaincu" alors que la réalité est beaucoup plus complexe (par exemple dans le cas de l'Inde, on oublie souvent de préciser qu'au moment de l'indépendance de l'Inde, le RU sortait affaibli de la 2nde GM, avait la crise en Palestine sur les bras et avait peur de voir la situation dégénérer).


Il fait par ailleurs état du caractère raciste et sexiste de la non-violence, car c'est une position facile à assumer lorsqu'on est un homme blanc dans un monde fait pour l'homme blanc, mais beaucoup plus dur à tenir lorsque l'on n'est pas dans cette situation. Il y a donc une forme de paternalisme à refuser aux femmes ou aux personnes racisées l'usage de la violence si elles le jugent nécessaire. Bien sûr, il ne s'agit pas d'encenser toute action faite par quelqu'un qui n'est pas un homme blanc, mais de ne pas lui tomber dessus pour le simple usage de la violence; si la critique reste nécessaire, il faut en faire un usage pertinent et ne pas tirer sur l'ambulance alors qu'on est soi-meme confortablement installé dans son canapé.


Il recense par ailleurs les quatre grandes stratégies non-violentes et explique les raisons pour lesquelles de son pdv leur usage seul ne suffit parfois pas :
- Agir sur le plan moral (changer l'opinion des gens) : rendu compliqué par les medias et l'éducation
- Approche lobbyiste (ex : pétition Avaaz) : des résultats bien maigres et coûteux en énergie
- Création d'alternatives : si le système se sent en danger, il fera en sorte d'incorporer ces alternatives ou de les détruire
- Désobéissance généralisée : sans doute la plus permissive des stratégies non-violentes, cependant assez facile pour les puissants de se maintenir dans une telle situation car ils ont un large surplus et la protection de l'armée/la police. Dans le pire des cas, ils s'enfuient, les medias appellent ça révolution et commencent à claironner les croyances populistes du prochain président.

Alternatives pour un activisme révolutionnaire

Le livre finit sur plusieurs recommandations concernant l'organisation de la lutte de manière à ce qu'elle soit efficace et qu'elle ne sombre pas elle-même dans l'étatisme. Le pouvoir dans le mouvement de libération doit être décentralisé sous forme de groupes locaux coordonnés par une organisation supérieure révocable, fréquemment changée et qui dépende des groupes locaux.

Le mouvement ne doit pas être monopolisé par une organisation et une culture propre au mouvement de libération qui favorise le pluralisme doit émerger. Le pouvoir doit être constamment redistribué en dehors de celles et ceux qui le détiennent, par l'éducation populaire et l'éducation à la révolution permanente (c'est pas dit texto mais c'est comme ça que je l'ai lu). Le combat contre l'oppression doit être sans compromis mais on préfèrera la réconciliation à la punition.

Tous ces conseils sont là pour éviter toutes les dérives qu'on a vu émerger dans le passé dans les mouvements de libération, comme la tendance policière et la tendance étatiste des chefs.



anonyme
anonyme
a
6 ans

Daniel Bensaid « Pour une critique de la violence », 2000

Si l'Etat se justifie par le droit, il faut garder en tête le fait que le droit est arbitraire. L'Etat nazi comme l'Etat stalinien ont eu le soin d'entretenir un juridisme maniaque jusque dans leurs manifestations les plus répressives et violentes. Le Droit International actuel n'est jamais que le Droit des vainqueurs de la dernière guerre mondiale.

Walter Benjamin s'interroge alors : Quel usage légitime de la violence?

Il récuse d'abord le vieux dilemme du philosophe où la violence est tantôt justifiée par la pureté des fins, tantôt le but légitimé par des moyens conformes au droit. Il faut selon lui « établir des critères indépendants tant pour la justice des buts que pour la légitimité des moyens ».

Benjamin rencontre dans son parcours Sorel, et lui emprunte l'opposition entre deux violences : une violence fondatrice, celle des individus, qui vient d'en bas (ne pas comprendre "origine sociale humble" mais plutôt atomicité), et une violence conservatrice, celle de l'Etat, qui maintient l'ordre.
Pour les individus, cela passe par les coups de force, la grève, etc. Pour l'Etat, cela passe par des institutions comme la police et l'armée.

Alors que Sorel considère que ces deux violences sont strictement séparées, Benjamin considère que les deux se mélangent à cause de la police. Elle fonde et conserve le droit, indistinctement. Il rappelle également les tendances policières du mouvement populaires et les fantasmes étatiques qui peuvent miner ce mouvement dès l'origine.

Benjamin apporte alors une solution : il faudrait détacher la violence de tout projet étatique, et ne la conserver que comme une "manifestation", et pas comme un instrument. Cependant il se rend bien compte que c'est très naif et qu'il ne suffit pas de dire qu'on va supprimer la violence pour que ça se fasse.

Il propose ainsi de trouver une légitimation de la violence dans l'étude historique de celle-ci.

anonyme
anonyme
a
6 ans

Cédric Moreau « Violences policières, au-delà du droit », 2016

Légalité ? légitimité

Cela s'observer dans l'exemple des bavures policières, où il est souvent compliqué de faire la différence entre une intervention musclée (mais nécessaire) et un abus de pouvoir, et aussi dans le cas où la police pourrait faire usage de la violence mais préfère utiliser par exemple des lacrymos.

L'article fait part de la quasi-impossibilité pour une enquêtre pour violence policière d'aboutir, en raison de deux problèmes :
- Comment déterminer s'il y a eu violence ou pas ?
- Comment déterminer si cette violence était proportionnée ou pas ?
Ces violences sont ainsi plus sous-estimées qu'elles ne sont couvertes. On considère même qu'elles ne peuvent pas déligitimer l'institution policière, et qu'il ne s'agira jamais que de bavures isolées et liées à des individus.

anonyme
anonyme
a
6 ans

Anarchisme, violence et non-violence - Xavier Bekaert, Fédération Anarchiste

Le livre est construit comme une succession de définitions et de réflexions sur les concepts puis un historique des pensées anarchistes. Je le conseille vivement, je me contenterai des concepts du début et de la fin du livre.

La violence est un mot fourre-tout, on prend la définition suivante :
"toute atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou morale des êtres humains, dès lors qu’une telle atteinte n’est pas imputable à la fatalité ou au hasard, mais qu’une responsabilité humaine y est engagée de manière directe ou indirecte."
Cela englobe donc les agressions qui ne sont pas directement physiques comme la privation de liberté, l'humiliation, le chantage, le lavage de cerveau... Parler de responsabilité humaine indirecte permet aussi de considérer les violences structurelles.

L'Etat, définition de Max Weber :
“Tout Etat est fondé sur la force”, disait un jour Trotsky à Brest Litovsk. En effet, cela est vrai. S’il n’existait que des structures sociales d’où toute violence serait absente, le concept d’Etat aurait alors disparu et il n’existerait que ce qu’on appelle, au sens propre du terme, “l’anarchie”. La violence n’est évidemment pas l’unique moyen normal de l’Etat [...] mais elle est son moyen spécifique. De nos jours, la relation entre Etat et violence est tout particulièrement intime [...]. Il faut concevoir l’Etat contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé -la notion de territoire étant une de ses caractéristiques - revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime.”
L'Etat revendique en fait la légitimité de toutes les formes de violences, dont violences morales qu'il régule par la loi.


L’Etat trouve sa légitimité de sa propre violence dans celle d’individus et de groupes sociaux qui menacent la paix collective.
Cependant, dès lors que la société concède à l’Etat le droit de recourir à la violence pour maintenir l’ordre public, il est facile à l’Etat d’invoquer ensuite ce droit pour défendre sa propre “sureté” contre les individus. Une fois ce seuil franchi, et l’Etat le franchit toujours (dès sa création), l’Etat ne constitue plus une garantie pour la sécurité des individus mais une menace. Chaque Etat, même “démocratique”, est continuellement tenté de criminaliser la dissidence et de la réprimer comme une délinquance, l’ordre étatique tend inévitablement à normaliser les opinions : Entre Etat de “droit” et Etat totalitaire, pas identité mais continuité directe, et le lien qui les relie est l’idéologie de la violence légitime.
En institutionnalisant la violence comme moyen légitime de gérer les conflits qui surgissent inévitablement au sein de la société, il la légitime et de ce fait, la nourrit et l’entretient.

L'Anarchie est le refus d'un Etat qui monopolise la violence et qui l'utilise pour contraindre l'individu. Elle entend éliminer la violence institutionnalisée de l'organisme social et arriver à la fin de l'accaparement de la violence par un groupe d'individus et de tous les autres moyens coercitifs comme prétendus remèdes sociaux.

La non-violence est une notion que l'on doit à Gandhi, qui préconise l'abstention de toute violence et l'usage de moyens par lesquels dans des situations de conflit, un ou plusieurs acteurs exercent des forces de persuasion ou de contrainte ne portant atteinte ni à la vie ni à la dignité des personnes. Cette méthode d'action ne nie pas les rapports de force mais préconise l'utilisation de moyens de contrainte, à condition de ne pas porter atteinte à la vie ou à la dignité des personnes.

Convergences et divergences entre Anarchie et Non-violence : Anarchie et Non-violence se rejoignent dans leurs objectifs mais se séparent dans les moyens mis en oeuvre. Gandhi se rapproche de l'Anarchie par ses idéaux, préconisant un idéal de société faite de groupes établis dans des villages où lacoopération volontaire serait une condition à l'existence digne et pacifique. Cependant d'un côté les anarchistes expliquent qu'il faut abolir l'Etat pour arriver à une société non-violente tandis que les non-violents tiennent le discours opposé.

Utopie ?
Non-violents et anarchistes savent que supprimer les conflits de la société est impossible, seules les idéologies totalitaires ont eu cet objectif. La situation sociale est TOUJOURS une situation conflictuelle, ne serait-ce que de manière potentielle.
L’Etat prétend d’avance que la violence et les moyens coercitifs sont seuls à meme de résoudre les conflits. En fait, il ne résout rien mais étouffe afin de maintenir l’ordre public. Non-Violence et anarchisme avancent d’autres moyens alternatifs qui s’attaquent à la racine du problème. En ce sens, ce sont bien la violence et l’autorité qui sont des utopies.

Les courants de l'anarchisme et leurs penseurs : je passe !

Conclusion

Il existe un anarchisme non-violent qui repose sur la force de la raison et de la persuasion et un autre prônant l'insurrection car jugée nécessaire et inévitable. Il y a cependant dans les deux courants un rejet de la Terreur car elle entraîne nécessairement une contre-révolution.
La violence est universellement reconnu comme n'étant pas un facteur d'anarchisme en tant que tel, mais parfois le seul moyen de se défendre contre l'oppression et secouer le vieux monde.
Les tenants de l'anarchisme non-violent ne sont pas contre l'usage de la violence comme défense ou comme ultime moyen, mais s'accordent pour dire que la violence ne peut constituer un remède au problème social. La violence appelerait toujours plus de violence.

Il ressort de cela que les anarchistes non-violents ne s'opposent pas à la violence en tant quel telle mais s'opposent à son utilisation pour fonder l'organisation sociale (comme les socialistes autoritaires le préconisent) ou pour transformer la société (comme les anarchistes insurectionnels le préconisent). Selon eux, la contrainte et la violence ne constitueront jamais des remèdes sociaux.

anonyme
anonyme
a
6 ans

La question du droit en anarchie - Pierre Bance

Je ne détaillerai pas tout, mais seulement certains points qui ont retenu mon attention.


Du droit anarchiste


Le processus de décision serait démocratique, recherche du consensus et situé sur la localité. Le consensus ne se trouvera véritablement que sur des valeurs universelles (ex : protection de l’enfant). Discussion puis négociation, on tentera un compromis; compromis pragmatique quand une partie renonce à bloquer le processus de décision parce qu’il faut avancer. Cependant, dans une société complexe, consensus et compromis ne seront pas toujours possibles ou n’aboutiront pas pleinement à la décision, celle-ci devra alors être prise à la majorité

En anarchie, pouvoirs législatif et exécutif sont comme fondus dans les assemblées et conseils décisionnels.

Selon les sujets, l’élaboration du droit se fera au sein de chaque communauté autonome, dans des regroupements communautaires plus ou moins larges qui rechercheront une unification des règles pour éviter des conflits de droit


Droit fédéral


Autonomie n'est pas autarcie sociale ou économique, la collectivité territoriale s’inscrit dans une société fédérale et y participe à son fonctionnement en essayant de tendre vers une administration efficace et un contrôle populaire

Différents outils comme le mandat impératif, la révocabilité, la rotation des tâches…

Droit interne et droit collectif qui permet la coordination et l’organisation

En société anarchiste : droit à la sécurité, mais aussi une justice et une police pour le faire respecter


Justice anarchiste


– un droit connu pour éviter l’insécurité juridique ;
– une procédure arrêtée pour garantir l’égalité des plaideurs, la protection des victimes et aussi des coupables ;
– des juges élus pour trancher un litige ou sanctionner une infraction ;


Police anarchiste


Police contrôlée par les citoyens, élue ou tirée au sort, mandats précis et limités dans le temps, révocabilité.

Ne pas intervenir quand solution pacifique possible, et rôle de médiateur dans le quotidien.

anonyme
anonyme
a
6 ans

Je profite de la Màj Choualbox pour signaler que les résumés des articles/livres sont là ! Je devrais refaire une box sur le sujet bientôt.

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