Péripéties d'un carabin à l’hôpital 23

Service d'Urologie, 7h30, c'est la visite matinale menée par le chef de clinique, le grand chef étant absent. Nous déambulons dans les couloirs, entrons et sortons des chambres à la vitesse de la lumière, mais restons un petit moment dans la dernière chambre. Le cas est compliqué, le jeune patient de 16 ans nous regardant intimidé, a une barre métallique chirurgicale dans le scrotum, s'étant fait opéré la veille. La protocole est respecté, mais il y a eu une erreur dans le geste chirurgical et il va falloir l'opérer de nouveau. Le chef et ses assistants stressent car il faut l'annoncer au patron, et ils commencent limite un shifumi pour savoir qui va lui envoyer un sms...
Le perdant envoie dépité le message et un interne se présente devant les chefs. Son patient a un priapisme (érection constante) depuis plus d'un jour et il ne sait pas quoi faire, sachant que ça peut vite se finir en nécrose et donc aboutir à une amputation. Les chefs ne savent pas vraiment quoi faire, ils ont un vague souvenir de leurs cours et évoquent les technique opératoires, comme celle qui consiste à percer à plusieurs endroits le gland pour évacuer le sang.
Ils vont donc aller au bloc, et improviser quoi.

La visite est terminée et je me rends au bloc. Un médecin du service vient me voir et me demande d'aller "chercher le rein". Je bugue littéralement et lui fait répéter. Oui oui il me demande d'aller chercher le rein à greffer, dans le service, et c'est donc abasourdi que je retourne sur mes pas. Arrivé dans mon unité, l'organe m'attends dans sa grosse boîte pesant 10 kilos. En le transportant, je réalise qu'on m'a confié la vie d'un patient, et que je tiens dans ma main droite son unique chance de survie. Troublant. Arrivé dans la salle de bloc, le chirurgien sort le rein de son réceptacle et le prépare pour la greffe, c'est un spectacle impressionnant. Je ne peux malheureusement pas assister à la greffe, devant suivre mon tuteur. La première opération est une résection trans urétrale de prostate : On fait passer un tuyau métallique dans l'urètre avec un cercle chauffant au bout, cercle qui va au contact de la paroi prostatique. Après il faut tout simplement frotter le cercle contre la paroi, et retirer des morceaux en faisant des copeaux. C'est vraiment marrant à voir.
La deuxième opération est la mise en place d'une sonde JJ dans un rein: On fait monter un tuyau jusqu'au rein en passant par l'urètre, la vessie et l'uretère. J'ai eu la chance de faire monter la sonde sur une petite portion.
La troisième opération consiste à contrôler un boitier électrique situé dans l'abdomen à droite. Le chirurgien commence à faire des piqures, inciser et bien avancé, l'infirmière chargée de le renseigner sur l'opération, lui annonce la voix tremblante, qu'elle lui a donné une mauvaise information. Le boitier n'est pas à droite mais à gauche. Mon tuteur est le chef de service, et je le vois seconde par seconde monter en pression, silencieusement et il finit par réprimander de manière glaciale la fautive qui se ratatine sur place. Une grosse colère aurait été plus supportable.

L'après midi je rejoins mon chef pour les consultations. La première patiente est une femme ayant subi une opération du vagin dont la face antérieure est toujours à vif, 6 mois après l'opération. Elle refuse que je sois présent pour l'examen clinique, ce que je comprends tout à fait, mais j'entends quand même ses cris de douleurs à travers la porte. Son mari est là, déconfis, et il nous annonce qu'ils n'ont pas eu de rapport sexuel depuis l'opération, soit 6 mois... La pauvre patiente hurle au moindre effleurement de sa paroi vaginale, et est en grande souffrance psychologique.
La deuxième patiente elle, vient pour des incontinences urinaires, elle se pisse dessus au moindre effort, au moindre rire, à la moindre toux. Elle porte au quotidien 15 garnitures (couches) étalées sur la journée. L'opération que lui propose mon boss a une grande chance de la soigner, je suis soulagé pour elle.
Le 3ème patient ne peut plus bouger qu'un seul bras, et se sonde lui même pour uriner. Il a la vingtaine, pas d'avenir, se fait des lavements pour évacuer la merde, enchaine infection urinaire sur infection urinaire et subit quotidiennement le supplice de l'auto-sondage. Je suis troublé, mal pour lui, je réalise la chance que j'ai d'être en bonne santé.

La journée se finit, mon blindage s'est encore une fois un peu plus renforcé. Je n'ai pas le choix si je veux tenir.